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— Je te l’ai d'ej`a dit ! Je me suis balad'ee de droite et de gauche et puis j’ai 'et'e me pencher sur le bord d’un parapet, d’un pont.
— Pour quoi faire ?
— Je voulais me jeter `a la Seine de d'esespoir.
— Ah, malheureuse Brigitte.
— Je n’en ai rien fait, puisque je suis l`a. Je me suis d’ailleurs content'ee apr`es avoir regard'e couler l’eau du haut du pont, de descendre sur la berge et d’aller dormir entre deux pierres de taille, sous ce pont-l`a.
— Et c’est tout ? interrogea Jacques Faramont.
— C’est, en tout cas, tout ce que je te dirai. Tu es vraiment trop curieux, et puis tu m’assommes `a la fin. Nous avons beau ^etre amant et ma^itresse, je ne suis pas ta l'egitime, tu n’es pas mon mari, on est libre.
Brigitte s’imaginait qu’elle allait ainsi surexciter la jalousie de son amant et que tout finirait par de tendres 'epanchements. Il n’en 'etait rien. Jacques Faramont ne manifesta pas de jalousie, il devint grave :
— Elle connaissait Baraban, murmurait-il, elle a 'et'e chez lui il y a trois mois, et cette cl'e, cette cl'e… Tu ne lis donc pas les journaux, Brigitte ?
— Les journaux illustr'es, quelquefois, quand j’attends chez le coiffeur, mais les autres, jamais. Je pr'ef`ere les romans.
— Ah, s’'ecria Jacques Faramont, tu pr'ef`eres les romans. Eh bien en voici un de roman, 'ecoute.
Jacques Faramont, en phrases br`eves, hach'ees, lui racontait :
— Il y a trois jours, un homme a myst'erieusement disparu de chez lui. On croit qu’il a 'et'e assassin'e, des traces de lutte et des taches de sang d'ecouvertes par la police dans son appartement ne laissant aucun doute `a ce sujet. Une enqu^ete a 'et'e ouverte, on recherche l’assassin, d'ej`a quelqu’un a 'et'e arr^et'e. Mais ce pr'esum'e coupable aurait un complice, ou plut^ot une complice. On soupconne une personne, servante ou ma^itresse, bien au courant de l’existence de la victime et qui aurait pu p'en'etrer chez lui sans sonner, ayant une cl'e de l’appartement.
— Eh bien ? interrogea Brigitte, qui p^alissait l'eg`erement.
— Eh bien ? hurla Jacques Faramont, comprends donc l’homme qui a disparu, l’homme que l’on croit assassin'e, habitait 22, rue Richer, et il s’appelle Baraban.
— Ca n’est pas possible.
— Comme je te dis. Tu comprends maintenant pourquoi je suis 'emu, pourquoi j’ai peur ?
— Mais je n’ai rien fait, voil`a plus de trois mois que je ne l’ai pas vu ce Baraban. J’'etais sa bonne et voil`a tout. Jamais je n’ai couch'e avec…
— La cl'e, la cl'e !
Brigitte se laissa tomber dans un fauteuil.
— Eh bien, quoi ? La cl'e ?
— On en parle dans les journaux, fit le jeune avocat, et l’on recherche activement la personne qui avait emport'e cette cl'e, et dont on suppose qu’elle s’est servie. Mon Dieu ! Mon Dieu, Brigitte, que va-t-il arriver ? Songe donc, la nuit du crime, c’est la nuit o`u tu as d'ecouch'e !
10 – LA MALLE VERTE
— Je n’aime pas la vie tranquille. Pas plus que l’existence casani`ere. Ca, c’est couru, vendu, pes'e. Tout le monde le sait. Moi le premier. Et cependant, on ne me ferait pas quitter mon domicile en ce moment pour tout l’or du monde. Vraiment, il s’y passe trop de choses et l’on pourrait me donner vingt francs de l’heure que je ne mettrais pas les pieds dehors.
C’'etait Fandor qui monologuait ainsi. Le journaliste, toutefois, en d'epit de sa d'eclaration, ne demeurait pas immobile dans son appartement. Si, contrairement `a ses habitudes, il n’'etait pas sorti de sa maison depuis la veille, `a coup s^ur, il ne vivait pas chez lui. Fandor semblait s’^etre install'e, pour ainsi dire, `a poste fixe sur le palier de son 'etage.
Sur ce palier, Fandor, en effet, 'etait comme il le disait, aux premi`eres loges pour suivre les p'erip'eties de ce qu’on appelait d'ej`a « l’Affaire Baraban ».
Juve 'etait parti la veille, brusquement, pour aller `a Vernon interroger le pr'esum'e coupable et les 'epoux Ricard. Fandor savait que son ami ne reviendrait `a Paris que tard dans la soir'ee. Il estimait que son devoir 'etait, en l’attendant, de se documenter le mieux possible.
Fandor, qui 'etait entr'e dans sa chambre `a coucher, la quitta soudain pour courir une fois de plus sur le palier, attir'e par le bruit d’une discussion. Il se pencha sur la rampe, 'ecouta.
`A l’'etage en dessous, o`u se trouvait l’appartement de M. Baraban, quelqu’un parlementait avec la concierge.
— C’est inimaginable, disait cette personne `a la voix masculine et aux intonations col'ereuses, c’est inimaginable que je ne puisse pas p'en'etrer dans cet appartement. Si on ne me laisse pas faire, je me demande qui sera mieux qualifi'e que moi pour y entrer.
Voix de l’excellente concierge de Fandor :
— Ma foi, Monsieur Ricard, je ne demanderais pas mieux. J’ai recu les ordres les plus formels de la police. Il para^it qu’on ne plaisante pas dans ces sortes d’affaires. Interdiction absolue de laisser entrer personne. D’abord, il y a les scell'es, `a ce qu’on raconte.