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Le visage de Robert exprimait la d'esolation :
— C’est vrai, que pourrait-on bien faire ?
Juve poursuivait :
— Les d'eclarations de Blanche Perrier seraient dangereuses pour nous. C’est bien 'evident. Plus j’y r'efl'echis, plus j’en acquiers la conviction. Au lieu de la faire interroger, au lieu de la ramener de notre c^ot'e, il serait pr'ef'erable qu’elle disparaisse. Blanche Perrier 'ecart'ee, la compromission du mendiant sera certaine. Il faudrait exp'edier Blanche dans un autre monde.
Juve avait prononc'e ces derni`eres paroles d’un ton si 'enigmatique et d’une voix si basse, que les Granjeard eurent peur un instant d’avoir mal compris. Ils tressaillirent :
— Dans quoi avez-vous dit ? interrogea Mme Granjeard.
Juve reprit en souriant :
— J’ai dit dans un autre monde, mais non pas ainsi que vous le pensez peut-^etre en ce moment, « dans l’autre monde ».
Mme Granjeard protestait :
— Mais, monsieur, jamais…
— Malheureusement, c’est difficile. Ces sortes de d'eparts, naturellement, sont difficiles `a obtenir.
— Vous voulez dire ?
— Ils co^utent cher. Il faut beaucoup d’argent.
— Et pourquoi donc ? demanda Paul Granjeard, je ne comprends pas.
Son fr`ere Robert se chargea de lui donner des explications :
— C’est tr`es clair, en effet, fit-il, ce que nous propose monsieur Juve.
— Oh, pardon, dit Juve, je ne vous propose rien du tout.
— Mettons que je me sois tromp'e, recommenca Robert, je reprends donc l’id'ee qui me vient `a l’esprit et, pour simplifier la situation, on pourrait peut-^etre obtenir de cette Blanche Perrier qu’elle s’en aille, qu’elle quitte la France, `a seule fin que son t'emoignage, jusqu’`a pr'esent int'eress'e `a notre perte ne puisse pas venir nous g^ener dans l’oeuvre d’'eclaircissement, le d'emasquage des coupables que nous poursuivons, 'etant naturellement bien entendu que nous croyons fermement que le mendiant infirme est au nombre des auteurs du crime et que la pr'esence de Blanche Perrier lui permettrait peut-^etre de se disculper.
— C’est cela m^eme, d'eclara Juve, et vous avez bien saisi la situation.
— D`es lors, poursuivit Robert, nous n’avons pas `a nous g^ener entre nous : qu’est-ce que vous pensez que ca co^uterait de faire dispara^itre cette personne ? de l’envoyer loin, tr`es loin ?
— Hum, dit le policier, je ne sais pas, il faudrait voir. C’est une situation `a assurer. Il y a des gens `a subventionner pour obtenir leur silence. Mais c’est cher. Voyons, disposeriez-vous de deux cents `a trois cent mille francs ?
— Deux `a trois cent mille francs, mais c’est une somme 'enorme, Monsieur Juve, voyons, ne vous chargeriez-vous pas de la chose `a moins cher ?
— Pardon, Monsieur, mais je crois que vous cherchez `a n'egocier avec moi. Vous faites erreur et je vous interromps tout de suite. Je ne viens pas vous proposer un march'e, vous offrir une affaire. Vous m’avez demand'e un avis, je vous donne un conseil et voil`a tout.
— Excusez-moi, dit Robert, je suis maladroit dans ma facon de proc'eder. Je voulais vous demander si, 'etant donn'e le grand int'er^et que vous nous portez, le d'esir que vous avez, comme nous, de voir triompher la v'erit'e, vous consentiriez `a ^etre notre interm'ediaire aupr`es des personnes susceptibles de d'ecider Blanche Perrier `a dispara^itre pour un temps assez long, de facon qu’elle ne vienne point entraver par de fausses d'eclarations l’action de la justice qui, d`es lors, sur votre initiative, s’orienterait tr`es cat'egoriquement sur la piste du mendiant.
— Ceci est tout diff'erent, r'epliqua Juve et, d`es lors, vous pouvez ^etre assur'e que mon concours vous est acquis, le cas 'ech'eant. Je vous r'ep`ete toutefois qu’il est parfaitement inutile de rien entreprendre avant d’avoir une somme liquide de deux `a trois cent mille francs.
— Nous vous la donnerons, cette somme, d'eclara Robert.
— Pardon, fit Mme Granjeard, mais il me semble, mon cher enfant, que tu prends des d'ecisions bien importantes sans m’en avoir r'ef'er'e.
— Vous refuseriez, Madame ? demanda le policier.
Paul Granjeard intervint :
— Ma m`ere, Monsieur, fit-il, n’a pas dit cela, mais il s’agit d’une grosse somme et, nous autres, commercants, nous n’avons l’habitude de ne nous engager que lorsque nous sommes certains de pouvoir tenir.
— Je le comprends, fit Juve, alors, je n’insiste pas… il sera toujours temps de prendre une d'ecision.
— Ma d'ecision est toute prise, Monsieur, dit Mme Granjeard, quoi qu’il advienne, je ne sortirai pas un sou. Je suis s^ure que telle aussi est l’opinion de mon fils, du moins de mon fils Paul.
La veuve du marchand de fer se tournait vers son a^in'e :
— Qu’en penses-tu ?
— Apr`es tout, ma m`ere a raison, monsieur, et d’ailleurs o`u prendrait-on cet argent, nous ne disposons pas des fonds n'ecessaires.
Robert intervint dans la discussion :
— Je vous assure, dit-il, que l’id'ee que j’ai 'emise m'erite d’^etre prise en consid'eration. La question d’argent n’existe pas. D’autant que depuis la mort de notre malheureux p`ere nous avons, mon fr`ere et vous aussi, ma m`ere, chacun une somme de cinq cent mille francs liquide.