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— Alors, demanda le conducteur, sur quoi montons-nous ?
— Sur la suivante, probable !
Mais la voiture suivante avait d'ej`a son 'equipe. Les deux hommes pass`erent `a celle qui 'etait rang'ee derri`ere. Puis ils remont`erent ainsi jusqu’au dernier v'ehicule ; tous avaient conducteur et m'ecanicien.
Alors ils se regard`erent perplexes, 'etonn'es qu’il n’y e^ut point l`a de v'ehicule pour eux. Ils s’inqui'et`erent un instant :
— Tu es s^ur, interrogea le m'ecanicien, que nous sommes bien command'es pour la ligne Saint-Germain-des-Pr'es ?
Son interlocuteur lui r'epliquait, tirant un imprim'e de sa poche et le lisant attentivement :
— Il n’y a pas de doute, fit-il.
Les deux hommes se rapproch`erent alors de nouveau du chef de station :
— Dites donc, firent-ils, qu’est-ce que l’on va devenir ? On n’a pas de voiture.
Le chef les consid'era un instant. Puis, haussant les 'epaules, r'epondit :
— Que voulez-vous que j’y fasse ? Ca ne me regarde pas. Si `a votre d'ep^ot on vous a command'es de travers, moi je n’y puis rien. Tout ce que je sais, c’est que le 412 est bien parti `a son heure, avec un conducteur et un m'ecanicien, comme de juste.
***
Le chef de station avait dit vrai. Depuis quelques instants, en effet, le 412 descendait `a belle allure la rue Bonaparte. Le v'ehicule 'etait parti `a peu pr`es vide de la t^ete de ligne, ce n’'etait pas l’heure de la bousculade.
Au coin de la rue Jacob, au premier arr^et, on prit deux dames.
— C’est bien pour Clichy ? demanda l’une d’elles.
Distraitement, le conducteur l’aida `a monter.
— C’est bien pour Clichy, r'epondit-il.
Puis, il passa `a l’int'erieur de la voiture, r'eclamait le prix des places :
— Cinq sous par personne, fit-il, vous ^etes en premi`ere.
Mais les dames pr'ecis`erent :
— Nous allons au bout de l’avenue de Clichy et non pas place Clichy, d'eclar`erent-elles.
— Tant pis pour vous, r'etorqua le conducteur d’un ton bourru. Nous autres, c’est la place Clichy seulement. Nous allons `a Montmartre.
— Il fallait nous le dire lorsqu’on vous l’a demand'e, protestaient les voyageuses.
Mais le conducteur ne voulait pas avoir tort :
— Vous avez demand'e « Clichy ». Je vous ai r'epondu « Clichy ». Fallait vous expliquer mieux. Je peux pas deviner ce que vous avez `a faire.
La discussion fut interrompue par l’arriv'ee d’un contr^oleur, `a l’arr^et du Pont des Saints-P`eres.
— Comment se fait-il, interrogea celui-ci en s’adressant au conducteur, que vous n’ayez point marqu'e l’arr^et du quai Voltaire ? Je sais bien que c’est un arr^et facultatif, mais vous auriez d^u ^etre sur la plate-forme pour vous assurer qu’il n’y avait personne d'esirant monter dans la voiture. Eh bien, qu’attendez-vous ?
Le conducteur ne semblait pas comprendre, et le fonctionnaire galonn'e insista :
— Donnez-moi votre feuille.
L’homme fouilla dans sa poche, en tira un papier jaune qu’il tendit `a l’inspecteur.
— Voil`a, fit-il.
— Quel voyage faites-vous ?
— C’est le premier, monsieur, r'epondit l’homme, assez troubl'e.
— Eh bien, on ne le dirait pas. La feuille porte que c’est le huiti`eme.
— Tiens, assura le conducteur, c’est qu’on m’aura donn'e le papier d’un autre, car on vient seulement de prendre la voiture.
Une brusque embard'ee projeta tout le monde sur la droite du v'ehicule, et, cependant que le conducteur perdait l’'equilibre, le contr^oleur grommela :
— Quel service, mon Dieu ! Qu’est-ce que c’est qu’un m'ecanicien pareil. Il y a de quoi tout d'emolir, avec de semblables virages.
Et, heureux sans doute de quitter cet autobus aux allures inqui'etantes, le contr^oleur profita d’un ralentissement pour descendre et sauter dans une autre voiture.
On passa sans encombre, cependant, sous les guichets du Louvre, puis, apr`es un arr^et au Th'e^atre-Francais, l’autobus 412 remontait `a vive allure l’avenue de l’Op'era.
Le conducteur eut encore une discussion avec un vieux monsieur qui, plong'e dans la lecture d’un livre, se d'epartit de son occupation pour constater qu’il lui manquait trois sous dans la monnaie qu’on lui rendait. Il obtint satisfaction.
Puis le v'ehicule s’immobilisa dans l’encombrement classique de la place de l’Op'era.
Deux individus, qui stationnaient sur le trottoir, ayant minutieusement consid'er'e la voiture, y mont`erent. Ils salu`erent d’un clignement d’oeil familier le conducteur.
— C’est bien pour Montmartre ? demanda l’un d’eux.
— C’est bien pour Montmartre, constata le receveur dont la sacoche s’enflait des gros sous recueillis en cours de route.
Les deux nouveaux voyageurs, cependant, demeur'es un instant sur la plate-forme, semblaient h'esiter `a p'en'etrer dans l’int'erieur. L’un d’eux murmura `a l’oreille de son compagnon :