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On a pr'etendu qu’il d'etestait les Allemands. Mais on a confondu les Allemands d’Allemagne avec les Allemands de Russie: ce sont ces derniers qu’il n’aime point.
On a affirm'e qu’il ch'erissait la France avant toutes les nations. Le chauvinisme francais a peut-^etre exag'er'e. Voici la v'erit'e sur cette sympathie qu’on lui pr^ete depuis longtemps:
Avant 1870, il avait montr'e des sentiments tr`es lib'eraux; il paraissait l’alli'e de caeur des r'epublicans francais. L`a-dedans entrait surtout une r'epulsion manifeste pour l’empereur Napol'eon, dont la duplicit'e, les habitudes de ruse et d’intrigue blessaient tous ses instincts loyaux. Mais quand la Commune est arriv'ee, une col`ere indign'ee lui vint contre tous les faiseurs de r'evolutions sanguinaires; et il r'ep'eta `a plusieurs reprises, avec une sorte de regret sur ses convictions 'evanouies: «Voil`a donc `a quoi ces choses aboutissent!»
C’est seulement depuis que la r'epublique commence `a devenir raisonnable qu’une nouvelle r'eaction en faveur de la France semble s’^etre faite en lui.
En somme, la France et l’Allemagne tiennent peu de place dans son amour. Il n’est que Russe. Il n’aime et ne prot`ege que l’art russe, la musique russe, la litt'erature russe, l’arch'eologie russe. Il a fond'e `a Moscou un grand mus'ee national. Pour les m^emes raisons, il est fervent orthodoxe: sa pi'et'e est r'eele et sinc`ere.
En son pays, la plus grande part de son affection est pour le paysan; e’est sur le paysan que tomberont ses plus larges faveurs; c’est au paysan qu’il a pens'e, au moment de rendre son premier ukase, le jour m^eme de la mort de son p`ere, en rappelant que pour la premi`ere fois les hommes de la campagne, devenus libres, 'etaient appel'es `a pr^eter serment.
Mais si ses bienfaits doivent aller aux paysans, ses rigueurs infailliblement atteindront, du haut en bas de l’'echelle, toute la bureaucratie russe, don’t il n’ignore pas la pourriture et les d'epr'edations. Pendant le commandement qu’il exerca, son honn^etet'e, r'evolt'ee, n’a pas pu se contenir devant les exactions dont il fut t'emoin, m^eme dans sa propre famille. Il semble bien r'esolu `a y mettre fin; ce nettoyage de fonctionnaires v'ereux est m^eme d'ej`a commenc'e.
On se demande avec une juste inqui'etude quelle sera son attitude au dedans comme au dehors.
Pour l’int'erieur, on a d'ej`a parl'e d’une constitution; des espoirs grandissent, se bercent; on affirme qu’il s’est, de tout temps, assign'e, r'eserv'e ce r^ole de devenir souverain selon les id'ees europ'eennes. Pour l’ext'erieur, on suppose qu’il s’'eloignera de plus en plus de l’Allemagne et qu’il reprendra la politique du panslavisme.
Ceux qui attendent du nouveau tzar une constitution parlementaire perdront vite leurs illusions, nous en sommes du moins persuad'es. Ses rapports presquer intimes avec le parti ultranational semblent indiquer, au contraire, une certaine d'efiance `a l’'egard des constitutionnels. Les id'ees accept'ees en Europe sur les limites d’autorit'e assign'ees aux rois sont et resteront longtemps encore 'etrang`eres `a la Russie. Le pouvoir imp'erial pr'ef'erera proc'eder par grandes r'eformes octroy'ees par ukase pour arriver peu `a peu `a am'eliorer d’une facon sensible le sort de ses sujets, surtout celui des paysans.
Ces r'eformes, d’ailleurs, sont toutes pr^etes, tout indiqu'ees, et depuis longtemps d'ej`a on les avait mises `a l’'etude. Alexandre II m^eme avait 'et'e sur le point de les appliquer, quand le mouvement nihiliste, s’accentuant, avait arr^et'e ses projets et ajourn'e ind'efiniment ses intentions lib'erates.
Voici quelles seraient ces mesures;
1° Diminution consid'erable dans le payement du rachat des terres par les paysans.
On sait que ce rachat, dans les conditions o`u il s’op`ere, est pour les campagnes une ruine in'evitable.
2 °Changement radical du syst`eme d’imp^ots;
3° Abolition de la capitation;
4° Facilit'e d’'emigration d’une province dans une autre.
Cette mesure peut donner `a l’agriculture en Russie un essor consid'erable. Certaines provinces, en effet, o`u les habitants sont nombreux, demeurent improductives `a cause de la st'erilit'e du sol. En d’autres contr'ees, au contraire, la terre est fertile, mais les travailleurs manquent, et les excessives difficult'es qui entourent l’'emigration menacaient de faire s’'eterniser cet 'etat de choses.
5° Grandes facilit'es pour les passeports.
Cette mesure rentre dans le m^eme ordre de r'eformes que la pr'ec'edente, un paysan ne pouvant se d'eplacer, aller travailler dans une r'egion voisine sans ^etre astreint `a des formalit'es de passeport compliqu'ees et co^uteuses.
6° Fondation de banques rurales.
Cette derni`ere cr'eation est destin'ee `a d'ebarasser le pays d’un fl'eau rongeur, les petits usuriers, qui mangent le paysan et d'evastent les campagnes comme une arm'ee de sauterelles.
L’ensemble de ces r'eformes am`enera infailliblement un soulagement consid'erable pour le travailleur rural. Elles sent urgentes, absolument urgentes, et il est probable qu’elles s’ex'ecuteront avant la fin de l’ann'ee.
Il est probable 'egalement que la scrupuleuse probit'e du nouvel empereur le d'ecidera presque imm'ediatement `a faire aussi dans les finances des r'eformes consid'erables. Elles s’'etendront m^eme, sans doute, au budget de l’arm'ee; et elles arr^eteront les distributions scandaleuses des terres de la Couronne qui avaient lieu au moyen de ventes fictives et de mille autres proc'ed'es frauduleux.