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Том 7. О развитии революционных идей в России
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Герцен Александр Иванович

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Bakounine pouvait parler des heures enti`eres, disputer depuis le soir jusqu'au matin sans se fatiguer, sans perdre ni le fil dialectique de l'entretien, ni Г ardeur de la persuasion. Et il 'etait toujours pr^et `a commenter, 'eclaircir, r'ep'eter, sans le moindre dogmatisme. Cet homme 'etait n'e missionnaire, propagandiste, pr^etre. L'ind'ependance, l'autonomie de la raison, telle 'etait sa banni`ere alors, et, pour 'emanciper la pens'ee, 1 faisait la guerre `a la religion, la guerre `a toutes les autorit'es. Et comme chez lui l'ardeur de la propagande s'alliait `a un tr`es grand courage personnel, on pouvait d`es lors pr'evoir que, dans e 'epoque telle que la n^otre, il deviendrait un r'evolutionnaire fougueux, ardent, h'ero"ique. Toute, son existence n''etait qu'une oeuvre de propagande. Moine de l''eglise militante de la r'evolution, il allait par le monde pr^echant la n'egation du christianisme, l'approche du dernier jugement de ce monde f'eodal et bourgeois, pr^echant le socialisme `a tous et la r'econciliation aux Russes et aux Polonais. Il n'avait pas d'autre vocation dans sa vie, ni d'autre int'er^et; il 'etait compl`etement indiff'erent aux conditions ext'erieures de son existence.

Quittant sa patrie, Bakounine ne s'est jamais souci'e de ce qu'il abandonnait son h'eritage. Il n'a jamais pens'e comment il ferait pour d^iner le lendemain. Avait-il un peu d'argent – il le d'epensait, sans compter, follement; il le donnait `a d'autres. N'en avait-il pas? Cela n'abattait pas son courage, il en riait avec ses amis, il savait r'eduire sa vie `a presque rien, il se refusait tout, et non seulement il ne s'en plaignait pas beaucoup, mais en effet il souffrait moins que les autres, il acceptait le manque d'argent, comme une maladie.

Il 'etait jeune, beau, il aimait faire des pros'elytes parmi les femmes, beaucoup 'etaient enthousiasm'ees de lui, et pourtant aucune femme n'a jou'e un grand r^ole dans la vie de cet asc`ete r'evolutionnaire; son amour, sa passion 'etaient aillieurs.

J'ai fait la connaissance de Bakounine en 1839. Je revenais alors `a Moscou d'un premier exil et commencais `a travailler dans des 'ecrits p'eriodiques, dirig'es par B'elinnski, ami intime de Bakounine. Nous pass^ames ensemble une ann'ee. Bakounine me poussait de plus en plus dans l''etude de Hegel, je t^achais d'importer plus d''el'ements r'evolutionnaires dans sa science aust`ere.

L'automne de 1840 Bakounine quitta la Russie; il se rendit a Berlin pour terminer ses 'etudes. Seul de ses amis, j'allais le reconduire jusqu'`a Gronstadt. A peine le bateau `a vapeur fut-il sorti de la Neva, qu'un de ces ouragans baltiques, accompagnes de torrents d'une pluie froide, se d'echa^ina contre nous.

Force fut au capitaine de retourner. Ce retour fit une impression extr^emement p'enible sur nous deux. Bakounine regardait tristement comment le rivage de P'etersbourg, qu'il pensait avoir quitt'e pour des ann'ees, s'approchait de nouveau avec ses quais parsem'es de sinistres figures de soldats, de douaniers d'officiers de police et de mouchards, grelottant sous leurs parapluies us'es.

Etait-ce un signe, un avis providentiel?.. Une circonstance semblable retint Cromwell, lorsqu'il voulait s'embarquer pour J'Am'erique. Mais Cromwell quittait l'Old England et il 'etait au fond enchant'e d'avoir trouv'e un pr'etexte pour y rester. Bakounine quittait la nouvelle cit'e des tzars. Ah! Monsieur, il faut voir l'enthousiasme sans bornes, la joie, les larmes aux yeux, chaque fois qu'un Russe passe la fronti`ere de sa patrie et pense qu'il se trouve maintenant hors du pouvoir de son tzar!

Je montrai `a Bakounine l'aspect lugubre de P'etersbourg et je lui citai ces vers magnifiques de Pouchkine, o`u il jette les mots comme des pierres, sans les lier entre eux, en parlant de P'etersbourg: «Cit'e splendide, cit'e pauvre, air de contrainte, aspect r'egulier, la vo^ute des cieux gris^atre et verte… Ennui, bise et granit». Bakounine ne voulut pas descendre sur le rivage, il pr'ef'era attendre dans la cabine du bateau l'heure du d'epart. Je le quittai et me rappelle encore sa haute et grande figure, envelopp'ee dans un manteau noir et battue par une pluie inexorable, comme il se tenait sur le devant du bateau et me saluait pour la derni`ere fois avec son chapeau, lorsque je m'enfoncais dans une rue de traverse…

Bakounine 'etonna d'abord par sa fougue, par ses talents et par la hardiesse des cons'equences qu'il osait accepter, les professeurs de Berlin; mais bient^ot il s'ennuya et rompit avec le qui'etisme de la science allemande. Bakounine ne voyait d'autre moyen de r'esoudre l'antinomieentre la pens'ee et le fait, que la lutte, et il devint de plus en plus r'evolutionnaire. Il fut au nombre des jeunes litt'erateurs qui protest`erent dans les Annales de Halle, dirig'ees par Arnold R"uge, contre la mani`ere st'erile, aristocratique et inhumaine des professeurs allemands de comprendre la science, contre leur fuite dans les sph`eres de l'absolu, contre leur abstention sans coeur qui ne voulait participer en rien aux fatigues de l'homme contemporain

Les articles de Bakounine, 'ecrits avec beaucoup de verve et de hardiesse, 'etaient sign'es Jules Elysard. Au reste il 'ecriait tr`es peu et travaillait difficilement quand il fallait recourir `a la plume.

En 1843 Bakounine, poursuivi par les r'eactionnaires suisses, fut d'enonc'e par l'un d'eux, Bl"untchli, et recut aussit^ot la sommation de rentrer en Russie. Bl"untchli, journaliste et membre du gouvernement `a Zurich, lors de l'affaire du communiste Weitling, compromit une quantit'e de personnes. Ayant entre ses mains les dossiers de Weitling et de ses amis, il fit une brochure, o`u il rendit public tout ce qu'il devait garder secretr comme magistrat. Il n'y avait aucune lettre adress'ee `a Bakounine ou adress'ee par lui `a Weitling, mais dans je ne sais quel billet Weitling parlait de Bakounine, socialiste russe. Cela a suffi `a Bl"untchli. Apr`es cette d'enonciation il 'etait impossible de rentrer; Bakounine refusa par cons'equent d'obtemp'erer `a l'ordre imp'erial. Alors le tzar le fit juger par son S'enat; on le condamna `a la perte de tous ses titres et `a la d'eportation perp'etuelle des qu'il rentrerait «pour avoir d'esob'ei aux ordres de S. M. et pour avoir tenu une conduite inconvenante `a un officier russe». Bakounine remercia l'empereur par une lettre qu'il fit ins'erer dans les journaux de Paris, o`u il vint se fixer, de lui avoir retir'e ses titres de noblesse.

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