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Delphine 'etait bien trop intelligente pour ne pas se douter qu’il y avait l`a quelque myst`ere qu’il lui fallait 'elucider avec adresse.
— Faites entrer cette personne dans le petit salon, dit-elle, je vais aller la rejoindre.
La bonne ob'eit. Timol'eon Fargeaux se disposait `a suivre sa femme dans le petit salon, et il n’'etait pas autrement f^ach'e `a l’id'ee de voir l’institutrice.
Mme Fargeaux l’en emp^echa :
— Toi, fit-elle, reste ici, ca n’est pas l’affaire des hommes de s’occuper du personnel de la maison, et ca m’agace de t’avoir tout le temps sur mes talons.
— Bien, bien, r'epondit l’excellent Fargeaux, qui renonca aussit^ot `a son projet. Ne te f^ache pas, je n’irai pas voir la personne, seulement je sors pour aller fumer ma pipe dans le jardin.
— C’est cela, va fumer ta pipe.
Quelques instants apr`es, Mme Fargeaux p'en'etra dans le petit salon. `A peine y fut-elle entr'ee qu’elle poussait un cri :
— Ah mon Dieu, la femme de cette nuit.
Mme Fargeaux reconnaissait en effet la myst'erieuse personne qu’elle avait trouv'ee en t^ete `a t^ete avec l’infant d’Espagne, dans les appartements de ce dernier, `a l’Imp'erial H^otel. Mme Fargeaux tressaillit de col`ere :
Par exemple, c’'etait plus fort que tout :
— Eh bien, Madame, s’'ecria-t-elle, incapable de rester calme, devant cette personne, vous avez un fameux toupet. Non seulement je vous trouve hier soir l`a o`u je devais ^etre, mais je vous revois aujourd’hui, chez moi. Vous avouerez que c’est un peu raide, et que je suis en droit de me f^acher. D’abord, que voulez-vous ?
— Vous auriez pu commencer. Madame, par me demander ce que je voulais, cela vous aurait 'evit'e des paroles inutiles, et quelque peu compromettantes, non pas tant pour moi que pour vous.
— Il suffit. Alors Madame, que voulez-vous ?
— C’est, bien simple, fit H'el`ene, je veux que vous m’accordiez pendant quelques jours, votre hospitalit'e.
— Vous ^etes folle ?
— J’ai mon enti`ere raison. Toutefois, pour dissimuler ce que la chose pourrait avoir d’'etrange, vous me ferez passer pour l’institutrice de vos enfants.
— Mais je n’ai pas d’enfants.
H'el`ene r'eprima un sourire :
— Peu importe, Madame, je serai alors gouvernante de votre personnel, la soeur de la femme de chambre, la ling`ere charg'ee de quelques r'eparations. Je n’ai pas de vanit'e. Je passerai pour ce que vous voudrez. L’essentiel pour moi, c’est d’habiter ici, chez vous.
— Vous vous moquez du monde, Madame ?
— Je vous assure que non.
— Madame, je ne veux plus entendre vos propositions, allez-vous-en.
— Je ne sortirai pas.
— Pourtant, il le faudra bien.
Les deux femmes se mesur`erent du regard. H'el`ene reprit d’un ton tr`es pos'e :
— Vous allez accepter de me garder chez vous. Si vous vous y refusez encore, j’irai de ce pas, r'ev'eler `a votre mari, votre conduite de cette nuit.
Delphine Fargeaux baissa les yeux, se tordit les mains :
— C’est du chantage, fit-elle.
H'el`ene rougit. Elle r'epliqua embarrass'ee, mais sur un ton d’absolue sinc'erit'e :
— Vous avez dit le mot, Madame, c’est du chantage, mais soyez assur'ee qu’il n’est inspir'e par aucun mauvais sentiment, bien au contraire. Je ne tiens pas `a vous trahir, et cependant, il est indispensable que j’obtienne de vous ce que je veux. Il est n'ecessaire que j’habite votre maison pendant quelques jours, il y a, `a cela, des motifs graves que je ne puis vous r'ev'eler pour le moment. Je m’en excuserai plus tard aupr`es de vous, je me justifierai, et vous reconna^itrez que si j’ai agi de la sorte c’est parce que j’y 'etais contrainte et forc'ee, il y va d’ailleurs de votre int'er^et et de votre honneur.
— Qu’est-ce qu’ils ont tous, `a s’occuper ainsi de mon honneur ?
N'eanmoins, se rendant compte que cette jeune femme avait d'ecid'ement des motifs graves, pour lui faire son 'etrange requ^ete avec autant d’insistance, Delphine Fargeaux r'epondit :
— Soit, en principe, je ne dis pas non. Supposons donc que j’accepte de satisfaire `a votre d'esir et que vous allez passer d'esormais pour la gouvernante de la maison. Est-ce tout ce que vous voulez ?
H'el`ene hocha la t^ete :
— Non, Madame, il y a autre chose.
— Quoi, grands dieux ?
— Il s’agit de votre fr`ere. M. Martial Altar`es, spahi, est bien votre fr`ere, n’est-ce pas ?
— Oui.
— Savez-vous qu’il est arr^et'e ?
Cette question 'etait si brusque que Delphine Fargeaux vacilla sur ses jambes et dut s’asseoir sur un fauteuil.
— Que racontez-vous l`a, Madame ?
— Mademoiselle.
Mme Fargeaux reprit :
— Que racontez-vous l`a. Mademoiselle ? Mon fr`ere est arr^et'e ? Pourquoi ? qu’a-t-il fait ?