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Taxi 'etait d'ej`a parti. Le bruit de son chariot, vigoureusement pouss'e, s’'etait perdu dans la nuit. Un `a un, les compagnons se retir`erent.
Hilaire croyait la salle vide. Il 'etouffa un juron en s’apercevant qu’il y restait deux joueurs de dominos.
— Et vous, commenca le patron, qu`eque vous faites l`a encore ? j’ai donc pas dit qu’il 'etait l’heure de fermer ? allez, raquez voir votre d^u ! C’est quatorze sous que vous me redevez et puis, videz, nom de Dieu, c’est compris ?
L’un des deux hommes leva la t^ete, toisa le patron avec un sourire ironique. Il ordonna :
— La paix, cabaretier, et pas de cris comme ca ! On s’en ira quand on voudra.
— Tout de suite ! hurla Hilaire.
— Cela d'epend, r'epondit l’homme.
Sans affectation, avec un calme imperturbable, il avait mis la main dans sa poche et maintenant `a la lueur du seul bec de gaz demeur'e allum'e dans le bouge, le bronze d’un revolver miroitait sur ses genoux.
— Un instant, dit encore l’homme.
En m^eme temps, de sa main gauche il fouilla sous sa veste boutonn'ee, au col relev'e, prit dans son gousset une montre en or :
— Une heure, murmura-t-il. Il ne peut plus ^etre loin. C’est bien le moment.
Hilaire n’avait pas encore eu le temps de fulminer contre l’inconnu qui ne semblait tenir aucun compte de ses ordres, que celui-ci s’adressait `a son compagnon :
— Paie et viens.
— C’est l’heure ?
— C’est l’heure.
Le second inconnu paya. Il se leva. Les deux hommes, sans un mot, travers`erent la salle basse pour sortir sur l’avenue de Saint-Denis.
Au sortir du cabaret les deux hommes, apr`es avoir sembl'e h'esiter une seconde, avaient travers'e la grande avenue, puis, `a petits pas, ils remont`erent dans la direction de Paris.
— Si j’ai bien calcul'e mon affaire, disait l’homme `a la montre en or, si je ne me suis pas tromp'e, il faut `a peu pr`es un quart d’heure pour venir de la barri`ere jusqu’ici. Le dernier tramway part `a une heure moins le quart, il a d^u le manquer. S’il l’a manqu'e, il ne peut que revenir `a pied. S’il revient `a pied il va ^etre l`a.
— Et s’il ne revenait pas `a pied ?
— C’est la chance `a courir.
— Arr^ete, 'ecoute… Tu entends ?
— Rien du tout. Non ?
— Le voil`a.
— Tu crois ?
— Regarde.
La main tendue, il d'esignait au lointain une ombre qui s’avancait.
— C’est peut-^etre un passant ?
— C’est lui, je t’assure, je reconnais son pas.
En m^eme temps il forcait son compagnon `a s’aplatir contre la balustrade qu’ils longeaient.
— 'Ecoute, reprit l’homme `a la montre, tu as bien compris ? J’ai m^urement r'efl'echi, c’est n'ecessaire et c’est forc'e. En tout cas, ne m’appelle pas par mon nom, `a aucun prix, on ne sait pas. On se croit seul, et puis…
— Je ne sais pas pourquoi, j’ai peur.
— Idiot. Tiens, je te disais de m’appeler… voyons… Albert, Albert ? tu y penseras ? Moi, j’t’appellerai, hum, Louis. Albert et Louis, des noms comme tout le monde. Maintenant, silence, ne bouge plus, je vais regarder o`u il en est.
`A cinquante m`etres, le passant arrivait, marchant vite, les mains dans ses poches. Alors brusquement Albert se renfonca dans la nuit.
D’un coup de coude il attira l’attention de son compagnon. Il avait p^ali. C’est d’une voix blanche qu’il souffla :
— Attention.
— C’est lui ?
— C’est lui.
Les pas se rapproch`erent. L’homme qui venait fut `a la hauteur des deux hommes embusqu'es.
Au moment o`u le passant allait s’'eloigner, Albert avanca de deux pas au milieu du trottoir, tournant le dos au r'everb`ere voisin, il avait le visage dans l’ombre et ne pouvait pas ^etre vu, mais il discernait parfaitement l’individu qu’il allait accoster.
— Monsieur ?
Le passant s’arr^eta.
— Monsieur ? continua Albert.
L’homme se retourna.
— Quelle heure est-il ?
Le passant, peut-^etre, allait r'epondre. Mais comme il ouvrait la bouche, Albert le frappa d’un coup de poing `a la tempe. Sans pousser un cri, sans un g'emissement, tant l’attaque avait 'et'e soudaine et prompte, le passant tomba. Et ce fut Albert, qui appela `a mi-voix :
— `A moi. Il en tient.
Comme son compagnon arrivait `a la rescousse, Albert se jetait `a genoux sur la poitrine de l’homme qu’il venait d’abattre, il levait son poing, arm'e d’une sorte de massue de fer, il allait frapper encore. Albert, cependant avait mal calcul'e son affaire. Il croyait l’homme tu'e, l’autre n’'etait qu’'etourdi. Au m^eme moment, tandis que Louis accourait, le passant parut reprendre ses esprits. Son corps eut un brusque soubresaut. Il 'echappa `a l’'etreinte de son agresseur, para son nouveau coup de poing, parvint `a se remettre debout, 'etreignit Albert `a la gorge.