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— Tu aurais d^u la pr'evenir plus t^ot.
— Pourquoi ?
— Elle t’attend peut-^etre ce soir, tu aurais d^u rentrer, oui, tu devrais m^eme rentrer, qui sait apr`es tout si ta m`ere n’a pas chang'e d’opinion, si elle n’est pas d'ecid'ee `a s’arranger avec toi.
— J’en doute, on voit que tu ne la connais pas.
— C’est 'egal, fit Blanche, tu ferais mieux de partir, demain tu reviendras pour ne plus me quitter, mais ce soir, crois-moi, rentre chez ta m`ere.
Didier h'esitait.
Perplexe, Didier se leva apr`es avoir achev'e sa lettre :
— Je descends, dit-il, mais je crois bien que je remonterai.
— Tu auras tort, fit Blanche, crois-moi, rentre chez ta m`ere, ce soir au moins.
Didier prit son chapeau. Il embrassa sa ma^itresse.
— Je ne sais pas du tout ce que je vais faire, dit-il, et c’est tr`es d'elicat pour moi de choisir. 'Ecoute, c’est bien simple : si, dans un quart d’heure, je ne suis pas remont'e, c’est que j’aurai suivi ton conseil et alors, je ne te reverrai plus que demain.
Assur'ement sa r'esolution 'etait prise lorsqu’il arriva rue de la Chapelle, car il courut `a la poste et jeta sa lettre dans la bo^ite. Il rebroussa chemin, ensuite revint dans la direction de l’impasse Urbain. Mais Didier s’arr^eta encore.
— `A quelle heure sera-t-elle distribu'ee ? se demandait-il.
Il revint au bureau, lut l’inscription : sa lettre ne parviendrait `a sa m`ere que le lendemain vers onze heures.
— C’est bien tard, pensa-t-il, et malgr'e tout elle se tourmentera inutilement. Si seulement je pouvais la faire pr'evenir.
Mais Didier ne s’arr^eta pas `a ce projet, il savait que sa m`ere et ses fr`eres se couchaient de bonne heure :
— Quel scandale si j’envoyais un messager quelconque. Il ne parviendrait `a l’usine que vers minuit. Non il faut 'eviter cela.
Retourner, remonter chez Blanche, c’'etait 'evidemment la solution qui tentait le plus Didier, mais il ne s’y arr^eta pas encore. La jeune femme avait eu raison en lui conseillant de ne pas exasp'erer la col`ere de sa m`ere. Mieux valait, peut-^etre encore, essayer de s’arranger avec elle et s’efforcer par cons'equent de lui d'eplaire le moins possible.
Pendant une bonne demi-heure, Didier qui n’'etait pas l’homme des d'ecisions rapides, erra sur le trottoir de la rue de la Chapelle. Il s’apercut enfin du temps perdu et son incertitude ne fit que s’accro^itre.
— Je monte chez Blanche, se dit-il, tant pis.
Mais une pens'ee l’arr^eta. Il y avait d'ej`a pr`es d’une heure qu’il avait quitt'e sa ma^itresse et il ne poss'edait pas la clef du logement, il allait donc falloir la troubler dans son sommeil, r'eveiller aussi peut-^etre le petit Jacques.
Brusquement, Didier apr`es avoir pris cette r'esolution adopta le parti contraire :
— Je rentre `a Saint-Denis, fit-il.
Et, pour ne pas changer d’avis, il courut jusqu’`a la barri`ere dans l’intention de prendre le dernier tramway. Au moment o`u il franchissait la grille d’octroi, il vit partir le v'ehicule, celui-ci 'etait trop loin d'ej`a pour que le jeune homme put le rattraper. Cette malchance aurait d^u d`es lors modifier sa d'ecision, il n’en fut rien !
— Tant pis, se dit Didier, je rentrerai `a pied, ca me changera les id'ees.
4 – LUI, TOUJOURS LUI ET SA GRANDE OMBRE
`A mi-chemin de la grande avenue qui joint la barri`ere de la Chapelle `a Saint-Denis se trouve une voie d'eserte et sinistre, plant'ee d’arbres maigres et sans branches, bord'ee par des terrains vagues o`u la Compagnie des Chemins de fer du Nord a construit ses ateliers pour la r'eparation des wagons et des locomotives. La nuit, cette partie de l’avenue est noire. Seul un point se trouve 'eclair'e. C’est la facade des ateliers de la Compagnie du Nord.
L`a, dans un renfoncement de palissade, se dresse un cabaret. Ce n’est pas un des honn^etes mastroquets de la banlieue parisienne, mais un bouge qui sue le vice et le crime, pouss'e l`a comme un champignon v'en'eneux. Sa client`ele se compose de tous les r^odeurs des fortifications, de tous les trimardeurs vivant de besognes louches aux portes de l’octroi, les « apaches », quoi !
Le troquet ne porte aucune enseigne. Dans la journ'ee, mal clos par des volets de bois que le vent agite et secoue, il para^it d'esert, abandonn'e, et le plafond de la boutique est si bas qu’il semble pr^et `a rentrer sous le sol pour y cacher sa honte.