Le roman traite principalement de la relation amoureuse troubl?e entre deux jeunes gens : Efra?n, un fermier de la r?gion de Cauca, et Mar?a, sa s?ur adoptive. Cette histoire d'amour se d?roule dans une belle r?gion de Colombie. L'histoire du roman suit Mar?a et Efra?n et leur amour parfait. Les lieux o? se d?roulent les ?v?nements sont ?galement d?crits : la nature du Cauca et l'apparence de la ferme appel?e El Para?so. Cela cr?e trois environnements, tous r?els, mais vus d'une mani?re particuli?re. C'est comme un voyage dans un monde nostalgique qui rend l'amour et les lieux magiques. La fin de l'histoire modifie le c?l?bre conte antique du jardin d'Eden. Dans ce cas, elle signifie la perte de la maison, de l'?tre aim? et du beau paysage. En dehors de cette histoire principale, il y a ?galement de nombreuses histoires courtes qui s'entrecroisent. Beaucoup parlent d'amour, comme l'amour de Marie et d'Ephra?m, et se d?roulent dans le m?me monde.
Chapitre I
J'etais encore un enfant lorsqu'on m'a enleve de la maison de mon pere pour commencer mes etudes a l'ecole du Dr Lorenzo Maria Lleras, etablie a Bogota quelques annees auparavant et celebre dans toute la Republique a l'epoque.
La veille de mon voyage, apres la soiree, une de mes soeurs entra dans ma chambre et, sans me dire un mot d'affection, car sa voix etait remplie de sanglots, elle me coupa quelques cheveux : lorsqu'elle sortit, quelques larmes avaient roule sur mon cou.
Je m'endormis en pleurant, et j'eus comme un vague pressentiment des nombreux chagrins que j'aurais a subir par la suite. Ces cheveux arraches a la tete d'un enfant, cette mise en garde de l'amour contre la mort en face de tant de vie, ont fait errer mon ame dans mon sommeil sur tous les lieux ou j'avais passe, sans le comprendre, les heures les plus heureuses de mon existence.
Le lendemain matin, mon pere detacha les bras de ma mere de ma tete, mouillee de larmes. Mes soeurs les essuyerent avec des baisers en me disant adieu. Mary attendit humblement son tour et, en balbutiant ses adieux, pressa sa joue rosee contre la mienne, refroidie par la premiere sensation de douleur.
Quelques instants plus tard, j'ai suivi mon pere, qui a cache son visage de mon regard. Les pas de nos chevaux sur le chemin caillouteux etouffaient mes derniers sanglots. Le murmure des Sabaletas, dont les prairies se trouvaient a notre droite, diminuait de minute en minute. Nous contournions deja l'une des collines du chemin, sur laquelle les voyageurs desirables avaient l'habitude d'etre vus de la maison ; je tournai les yeux vers elle, a la recherche d'un des nombreux etres chers : Maria se trouvait sous les vignes qui ornaient les fenetres de la chambre de ma mere.
Chapitre II
Six ans plus tard, les derniers jours d'un mois d'aout luxueux m'ont accueilli a mon retour dans ma vallee natale. Mon coeur debordait d'amour patriotique. C'etait deja le dernier jour du voyage et je profitais de la matinee la plus parfumee de l'ete. Le ciel etait d'un bleu pale : a l'est, au-dessus des cretes imposantes des montagnes, encore a demi endeuillees, erraient quelques nuages dores, comme la gaze du turban d'une danseuse dispersee par un souffle amoureux. Au sud, flottaient les brumes qui avaient recouvert les montagnes lointaines pendant la nuit. Je traversais des plaines de prairies verdoyantes, arrosees par des ruisseaux dont le passage etait obstrue par de belles vaches, qui abandonnaient leur paturage pour se promener dans les lagunes ou sur des sentiers voutes par des pins en fleurs et des figuiers feuillus. Mes yeux s'etaient fixes avec avidite sur ces lieux a demi caches au voyageur par la voute des vieux bosquets ; sur ces fermes ou j'avais laisse des gens vertueux et aimables. Dans ces moments-la, mon coeur n'aurait pas ete emu par les airs du piano de U*** : les parfums que je respirais etaient si agreables compares a ceux de ses robes luxueuses ; le chant de ces oiseaux sans nom avait des harmonies si douces a mon coeur !
Je suis reste sans voix devant tant de beaute, dont j'avais cru conserver le souvenir parce que certaines de mes strophes, admirees par mes camarades, en avaient de pales reflets. Lorsque dans une salle de bal, inondee de lumiere, pleine de melodies voluptueuses, de mille parfums meles, de chuchotements de tant de vetements de femmes seduisantes, nous rencontrons celle dont nous revions a dix-huit ans, et qu'un de ses regards fugitifs nous brule le front, et que sa voix rend muettes pour nous toutes les autres voix pendant un instant, et que ses fleurs laissent derriere elles des essences inconnues, alors nous tombons dans une prostration celeste : notre voix est impuissante, nos oreilles ne l'entendent plus, nos yeux ne peuvent plus la suivre. Mais quand, l'esprit rafraichi, elle revient a notre memoire quelques heures plus tard, nos levres murmurent son eloge en chantant, et c'est cette femme, c'est son accent, c'est son regard, c'est son pas leger sur les tapis, qui imite ce chant, que le vulgaire croira ideal. Ainsi le ciel, les horizons, la pampa et les sommets du Cauca, font taire ceux qui les contemplent. Les grandes beautes de la creation ne peuvent etre vues et chantees en meme temps : elles doivent revenir a l'ame, palie par une memoire infidele.
Avant le coucher du soleil, j'avais deja apercu la maison de mes parents, blanche sur le flanc de la montagne. En m'en approchant, je comptais d'un oeil inquiet les bouquets de ses saules et de ses orangers, a travers lesquels je voyais les lumieres qui s'etalaient dans les pieces traversees un peu plus tard.
Je respirais enfin cette odeur jamais oubliee du verger forme. Les fers de mon cheval etincelaient sur les paves de la cour. J'ai entendu un cri indefinissable, c'etait la voix de ma mere : quand elle m'a serre dans ses bras et m'a attire contre son sein, une ombre est tombee sur mes yeux : un plaisir supreme qui a emu une nature vierge.
Quand j'ai essaye de reconnaitre dans les femmes que je voyais, les soeurs que j'avais quittees quand j'etais enfant, Mary se tenait a cote de moi, et ses yeux ecarquilles etaient voiles par de longs cils. C'est son visage qui s'est couvert du rougissement le plus remarquable lorsque mon bras a quitte ses epaules pour effleurer sa taille ; et ses yeux etaient encore humides lorsqu'elle a souri a ma premiere expression d'affection, comme ceux d'un enfant dont les pleurs ont etouffe les caresses d'une mere.
Chapitre III
A huit heures, nous nous rendimes dans la salle a manger, pittoresquement situee sur le cote est de la maison. De la, nous pouvions voir les cretes denudees des montagnes sur le fond etoile du ciel. Les auras du desert traversaient le jardin en recueillant des senteurs pour venir s'ebattre avec les rosiers autour de nous. Le vent capricieux nous laissait entendre le murmure de la riviere pendant quelques instants. Cette nature semblait deployer toute la beaute de ses nuits, comme pour accueillir un hote amical.