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Bel-Ami / Милый друг
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Bel-Ami / Милый друг

Мопассан Ги Де

Прочее

:

зарубежная классика

.
Аннотация

«Милый друг! Лорина вас удачно окрестила. Это будет вашим прозвищем. Я вас тоже буду звать нашим Милым другом!»

Милый друг был беден и зауряден. Милый друг никогда не шел на сделку с совестью, потому что совести у него не было, жаждал успеха, славы и богатства, но, увы, был абсолютно бездарен. Из серой массы таких же амбициозных пустышек милого друга отличало только одно: он умел нравиться женщинам.

И этого оказалось достаточно, чтобы сделать головокружительную карьеру.

«Милый друг» – один из самых известных романов Ги де Мопассана. В настоящем издании оригинальный текст произведения приводится с параллельным переводом Анастасии Николаевны Чеботаревской и сопровождается выразительными литографиями иллюстратора Фердинанда Бака.

Для удобства чтения каждая строка на русском языке стоит напротив соответствующей строки на французском. Параллельно расположенный текст позволит без труда сравнивать оригинал с переводом, обращать внимание на трудности, с которыми сталкивалась переводчица, и отмечать наиболее точно переведенные фрагменты.

Твердый переплет с золотым тиснением, изящно украшенный текст, белая бумага, иллюстрации, золотистая лента ляссе добавляют книге изысканность. Ее можно приобрести не только для своей коллекции, но и в качестве подарка дорогим и близким людям.

В формате PDF A4 сохранен издательский макет книги.

Bel-Ami

Premiere partie

I

Quand la caissiere lui eut rendu la monnaie de sa piece de cent sous, Georges Duroy sortit du restaurant.

Comme il portait beau, par nature et par pose d'ancien sous-officier, il cambra sa taille, frisa sa moustache d'un geste militaire et familier, et jeta sur les dineurs attardes un regard rapide et circulaire, un de ces regards de joli garcon, qui s'etendent comme des coups d'epervier.

Les femmes avaient leve la tete vers lui, trois petites ouvrieres, une maitresse de musique entre deux ages, mal peignee, negligee, coiffee d'un chapeau toujours poussiereux et vetue d'une robe toujours de travers, et deux bourgeoises avec leurs maris, habituees de cette gargote a prix fixe.

Lorsqu'il fut sur le trottoir, il demeura un instant immobile, se demandant ce qu'il allait faire. On etait au 28 juin, et il lui restait juste en poche trois francs quarante pour finir le mois. Cela representait deux diners sans dejeuners, ou deux dejeuners sans diners, au choix. Il reflechit que les repas du matin etant de vingt-deux sous, au lieu de trente que coutaient ceux du soir, il lui resterait, en se contentant des dejeuners, un franc vingt centimes de boni, ce qui representait encore deux collations au pain et au saucisson, plus deux bocks sur le boulevard. C'etait la sa grande depense et son grand plaisir des nuits; et il se mit a descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette.

Il marchait ainsi qu'au temps ou il portait l'uniforme des hussards, la poitrine bombee, les jambes un peu entr'ouvertes comme s'il venait de descendre de cheval; et il avancait brutalement dans la rue pleine de monde, heurtant les epaules, poussant les gens pour ne point se deranger de sa route. Il inclinait legerement sur l'oreille son chapeau a haute forme assez defraichi, et battait le pave de son talon. Il avait l'air de toujours defier quelqu'un, les passants, les maisons, la ville entiere, par chic de beau soldat tombe dans le civil.

Quoique habille d'un complet de soixante francs, il gardait une certaine elegance tapageuse, un peu commune, reelle cependant. Grand, bien fait, blond, d'un blond chatain vaguement roussi, avec une moustache retroussee, qui semblait mousser sur sa levre, des yeux bleus, clairs, troues d'une pupille toute petite, des cheveux frises naturellement, separes par une raie au milieu du crane, il ressemblait bien au mauvais sujet des romans populaires.

C'etait une de ces soirees d'ete ou l'air manque dans Paris. La ville, chaude comme une etuve, paraissait suer dans la nuit etouffante. Les egouts soufflaient par leurs bouches de granit leurs haleines empestees, et les cuisines souterraines jetaient a la rue, par leurs fenetres basses, les miasmes infames des eaux de vaisselle et des vieilles sauces.

Les concierges, en manches de chemise, a cheval sur des chaises en paille, fumaient la pipe sous des portes cocheres, et les passants allaient d'un pas accable, le front nu, le chapeau a la main.

Quand Georges Duroy parvint au boulevard, il s'arreta encore, indecis sur ce qu'il allait faire. Il avait envie maintenant de gagner les Champs-Elysees et l'avenue du bois de Boulogne pour trouver un peu d'air frais sous les arbres; mais un desir aussi le travaillait, celui d'une rencontre amoureuse.

Comment se presenterait-elle? Il n'en savait rien, mais il l'attendait depuis trois mois, tous les jours, tous les soirs. Quelquefois cependant, grace a sa belle mine et a sa tournure galante, il volait, par-ci, par-la, un peu d'amour, mais il esperait toujours plus et mieux.

La poche vide et le sang bouillant, il s'allumait au contact des rodeuses qui murmurent a l'angle des rues: «Venez-vous chez moi, joli garcon?» mais il n'osait les suivre ne les pouvant payer; et il attendait aussi autre chose, d'autres baisers moins vulgaires.

Il aimait cependant les lieux ou grouillent les filles publiques, leurs bals, leurs cafes, leurs rues; il aimait les coudoyer, leur parler, les tutoyer, flairer leurs parfums violents, se sentir pres d'elles. C'etaient des femmes enfin, des femmes d'amour. Il ne les meprisait point du mepris inne des hommes de famille.

Il tourna vers la Madeleine et suivit le flot de foule qui coulait accablee par la chaleur. Les grands cafes, pleins de monde, debordaient sur le trottoir, etalant leur public de buveurs sous la lumiere eclatante et crue de leur devanture illuminee. Devant eux, sur de petites tables carrees ou rondes, les verres contenaient des liquides rouges, jaunes, verts, bruns, de toutes les nuances; et dans l'interieur des carafes on voyait briller les gros cylindres transparents de glace qui refroidissaient la belle eau claire.

Duroy avait ralenti sa marche, et l'envie de boire lui sechait la gorge.

Une soif chaude, une soif de soir d'ete le tenait, et il pensait a la sensation delicieuse des boissons froides coulant dans la bouche. Mais s'il buvait seulement deux bocks dans la soiree, adieu le maigre souper du lendemain, et il les connaissait trop, les heures affamees de la fin du mois.

Il se dit: «Il faut que je gagne dix heures et je prendrai mon bock a l'Americain. Nom d'un chien! que j'ai soif tout de meme!» Et il regardait tous ces hommes attables et buvant, tous ces hommes qui pouvaient se desalterer tant qu'il leur plaisait. Il allait, passant devant les cafes d'un air crane et gaillard, et il jugeait d'un coup d'oeil, a la mine, a l'habit, ce que chaque consommateur devait porter d'argent sur lui. Et une colere l'envahissait contre ces gens assis et tranquilles. En fouillant leurs poches, on trouverait de l'or, de la monnaie blanche et des sous. En moyenne chacun devait avoir au moins deux louis; ils etaient bien une centaine par cafe; cent fois deux louis font quatre mille francs! Il murmurait: «Les cochons!» tout en se dandinant avec grace. S'il avait pu en tenir un au coin d'une rue, dans l'ombre bien noire, il lui aurait tordu le cou, ma foi, sans scrupule, comme il faisait aux volailles des paysans, aux jours de grandes manoeuvres.

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