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Ils 'etaient seuls, bien seuls, et Juve, qui avait fait passer devant lui le baron, savait que cette pi`ece n’avait qu’une seule issue. Si jamais de Naarboveck voulait employer la force ou la ruse pour en sortir, il lui faudrait d’abord 'eloigner Juve de la porte devant laquelle il se trouvait.
Certes, il y avait bien, `a l’autre extr'emit'e de la biblioth`eque, la fen^etre donnant sur l’Esplanade des Invalides, mais cette fen^etre 'etait dissimul'ee par les rideaux que l’on avait ferm'es, et Juve ne craignait pas de voir son adversaire s’'echapper par l`a : il savait – il 'etait le seul `a le savoir – qu’entre cette fen^etre et ces rideaux, se trouvait quelque chose… quelqu’un…
— Vous souvient-il, monsieur de Naarboveck, de cette soir'ee au cours de laquelle la police vint ici chez vous, pour proc'eder `a l’arrestation de Vagualame ?
— Oui, r'epliqua de Naarboveck… et c’est vous, monsieur Juve, qui vous ^etes fait prendre sous ce d'eguisement…
— En effet… Est-ce que vous vous souvenez, monsieur de Naarboveck, d’une certaine conversation qui eut lieu entre le policier Juve et le vrai Vagualame au domicile de J'er^ome Fandor ?
— Non, d'eclara le baron, pour cette bonne raison que la conversation 'etait un dialogue entre deux personnes : Juve et Vagualame.
— Pourtant ce Vagualame n’'etait autre que Fant^omas.
— Eh bien ?
Juve, apr`es un silence d’une seconde, br^ula ses vaisseaux :
— Naarboveck, s’'ecria-t-il, inutile de ruser plus longtemps : Vagualame, c’est Fant^omas, Vagualame c’est vous, Fant^omas, c’est vous ! Nous le savons, nous vous avons identifi'e et demain matin l’anthropom'etrie prouvera, aux yeux de tous, ce qui est aujourd’hui une conviction, une certitude pour certains seulement. Depuis longtemps, vous vous voyez poursuivi, traqu'e, vous avez remarqu'e que le cercle ferm'e autour de vous se resserrait chaque jour et, jouant votre dernier atout, tentant l’impossible m^eme, vous avez m'edit'e cette abominable com'edie qui consistait `a duper un souverain et `a vous faire nommer son ambassadeur, afin de b'en'eficier pour un temps plus ou moins long de l’inviolabilit'e diplomatique… ah ! 'evidemment, ca n’est pas mal trouv'e…
— N’est-ce pas ?…
— Vous avouez donc ?…
— Et quand ca serait ?… d'eclara le myst'erieux personnage. Puisque vous avez d'ecouvert la v'erit'e… sans doute, monsieur Juve, avez-vous l’intention de me d'enoncer, de prouver que le baron de Naarboveck n’est autre que Fant^omas ? Ah ! je reconnais votre adresse, j’avoue m^eme qu’il se peut fort bien que vous obteniez l’autorisation de m’arr^eter d’ici quelques jours.
— Non ! pas dans quelques jours, interrompit Juve, brusquement, mais imm'ediatement.
— Pardon, les lettres de cr'eance que je poss`ede sont authentiques et nul au monde ne peut me relever de mes fonctions…
— Si ! fit Juve…
— Qui ?
— Le roi, dit Juve.
De Naarboveck hocha la t^ete malicieusement :
— Frederick-Christian, en effet, seul peut m’enlever ma qualit'e d’ambassadeur, mais… qu’il vienne donc…
Juve, `a ce moment, s’arr^eta de parler. Il leva le doigt lentement vers le fond de la biblioth`eque, vers la fen^etre.
Et de Naarboveck qui suivait machinalement ce mouvement ne put retenir un cri de stup'efaction, un cri d’angoisse !
Le rideau dissimulant la fen^etre venait en effet de s’'ecarter et lentement, aux yeux du mis'erable, apparaissait la silhouette majestueuse et digne, du roi de Hesse-Weimar, Frederick-Christian II.
Le souverain 'etait bl^eme et l’on sentait qu’une col`ere sourde bouillonnait dans son coeur.
Le policier s’'etait rapproch'e de lui et Frederick-Christian sortant de sa poche une large enveloppe, la tendit `a Juve :
— Je suis victime, d'eclara-t-il, de l’imposture de ce monstre, mais je sais reconna^itre mes erreurs et aussi les r'eparer, monsieur Juve : voici le d'ecret que vous m’avez demand'e annulant la nomination du baron de Naarboveck !
Fant^omas, au cours de cette br`eve sc`ene, s’'etait peu `a peu recul'e dans un angle de la pi`ece, le visage contract'e.
Mais, aux derniers mots du roi, Fant^omas se redressa. Lui aussi tira de sa poche un document et avec un sourire f'eroce, il le tenait au souverain :
— Sire, d'eclara-t-il, `a mon tour de vous donner ceci… C’est le plan vol'e chez le capitaine Brocq… le plan de mobilisation de toute l’arm'ee francaise, que votre 'Etat-Major…
— Assez, monsieur ! hurla le roi qui, dans un geste d’indignation, jeta `a terre le papier que lui pr'esentait Fant^omas.
Cependant, Juve, sans le moindre souci des attitudes protocolaires, ramassait avec empressement le document.
Le roi qui l’avait vu faire poursuivait, en h^ate, comme pour s’excuser et pr'evenir le soupcon que l’on aurait pu formuler `a son 'egard :