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Le jeune homme connaissait Rouen.
— Si nous ne d'evions pas de notre chemin, se disait Fandor, si nous faisons halte `a l’un des garages qui se trouvent le long des quais, tout ira bien… en cas d’alerte, j’imagine qu’au bout de cent m`etres de course, je rencontrerai certainement un de ces tramways 'electriques qui pullulent `a Rouen… je sauterai `a bord… c’est bien le diable s’il ose me courir apr`es et me rattraper…
Or, tandis que le jeune homme m'editait la facon dont, le cas 'ech'eant, il 'echapperait `a son myst'erieux compagnon de route, la voiture atteignait le pont qui prolonge, au travers de la Seine, la rue Jeanne-d’Arc. Les voyageurs 'etaient maintenant au centre m^eme de Rouen, le m'ecanicien tournait la t^ete :
— Monsieur me permet-il d’arr^eter ? interrogeait-il en regardant le pr^etre. Il faut que je fasse mon plein…
L’abb'e, du doigt, indiqua un garage :
— Stoppez l`a…
L’automobile s’'etait `a peine rang'ee au long du trottoir que le pr^etre, sautant sur le sol, s’avancait dans l’int'erieur du garage.
— Ah ! ca fait du bien de se d'egourdir les jambes ! d'eclara Fandor, qui, sans autre excuse, embo^ita franchement le pas `a l’abb'e…
L’eccl'esiastique n’en semblait nullement inquiet. Il marchait vers le patron de la boutique :
— Dites-moi, mon ami, vous n’auriez pas recu par hasard une d'ep^eche au nom de l’abb'e Gendron ?
— Si fait, monsieur l’abb'e, serait-ce vous ?
— C’est moi… j’avais pri'e que l’on m’adress^at ici des nouvelles au cas o`u ce serait n'ecessaire…
Tandis que le pr^etre d'echirait le pointill'e du t'el'egramme qu’on venait de lui remettre, Fandor, qui grillait une cigarette de l’air le plus flegmatique qu’il put, s’'evertuait `a trouver un moyen pour lire la d'ep^eche que son compagnon de route examinait, le visage soudain contract'e, les sourcils fronc'es, l’oeil mauvais…
Mais le jeune homme eut beau loucher dans les glaces, changer de place pour t^acher d’apercevoir en transparence le t'el'egramme, passer derri`ere l’abb'e en faisant semblant d’examiner les affiches qui garnissaient les murs du garage, en r'ealit'e pour lire par-dessus son 'epaule, il en fut pour ses frais. Impossible d’apercevoir le texte.
— Vous ne recevez pas de f^acheuses instructions ? demanda Fandor, tandis qu’`a nouveau l’auto d'emarrait.
— Non point…
— Un t'el'egramme c’est toujours inqui'etant.
— Celui-ci ne m’apprend rien que je ne savais d'ej`a… dont je me doutais au moins… Seulement, au lieu d’aller au Havre demain, nous irons `a Dieppe…
Fandor n’insistait pas…
— Vous allez quitter Rouen, disait le pr^etre au m'ecanicien, non par la grande c^ote, mais par la petite route qui serpente… la nouvelle route… vous nous arr^eterez `a l’h^otel que vous allez trouver sur la droite et qui s’appelle, si je me rappelle, auberge du Carrefour Fleuri…
— Un joli nom, remarquait Fandor…
— Un nom stupide, r'epondit simplement le pr^etre : la maison n’est nullement `a un carrefour et l’endroit est `a vrai dire aussi peu fleuri que possible… D’ailleurs, vous allez pouvoir en juger, voici l’auberge.
L’auto venait, en effet, d’obliquer brusquement et s’engageait sous une porte coch`ere.
Un gros homme, chauve `a faire rire, s’avanca. C’'etait l’h^otelier.
— Vous allez pouvoir nous servir `a d^iner ? demanda le pr^etre.
— Mais certainement, monsieur le cur'e…
— Vous avez une remise pour la voiture ?
D’un geste large, l’h^ote montra la cour… les charrettes de ses clients habituels y demeuraient.
— Enfin, demanda l’abb'e, vous pourrez nous r'eserver trois chambres ?
— Trois chambres ? ah ! non, monsieur le cur'e !… ca, c’est tout `a fait impossible. Mais il y a bien moyen de faire quand m^eme… j’ai une mansarde pour votre m'ecanicien, et puis une chambre `a deux lits pour vous et M. le caporal qui vous accompagne… Ca ira, je pense ?
— Mais oui, tr`es bien, tr`es bien !… affirmait Fandor, enchant'e de l’occasion qui s’offrait `a lui de ne point perdre de vue son compagnon de route.
Celui-ci semblait infiniment moins satisfait…
— Comment donc ?… vous n’avez pas deux chambres pour nous ?… J’ai horreur de dormir avec quelqu’un ; je n’en ai pas l’habitude…
— Monsieur le cur'e, tout est plein… J’ai une noce…
— Eh bien, il n’y a pas un h^otel `a c^ot'e, o`u je pourrais, par exemple…