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— Ah c`a ! mais Michel est donc compl`etement idiot ?
— Allons, en route pour le D'ep^ot ! ordonnait Michel en secouant le faux Vagualame par l’'epaule.
Un instant, le policier faillit arracher sa fausse barbe, se faire conna^itre et, renversant soudain les r^oles, d'ecider ses coll`egues `a arr^eter Bobinette. Toutefois, Juve se ravisa.
Il avait eu, quelques instants auparavant, le soupcon que la jeune femme doutait de son authenticit'e. Cette arrestation sous ses yeux devait d'esormais la rassurer et la persuader que le Vagualame qu’on menait en prison 'etait bien le vrai Vagualame. Mieux valait donc laisser s’accr'editer chez elle cette opinion. Juve, une fois sorti de l’h^otel de Naarboveck, s’expliquerait avec ses coll`egues, et ca ne serait pas long.
Cependant, le prisonnier, encadr'e des agents de la S^uret'e, descendit l’escalier, gagna la rue.
Au premier 'etage, il avait apercu, dissimul'e dans un coin de l’antichambre, le baron de Naarboveck, tr`es digne, et Wilhelmine, terroris'ee. D’autre part, n’ayant pas jug'e opportun de se faire conna^itre des ma^itres de la maison, la pseudo-m`ere entra^inait son fils, criant `a tue-t^ete :
— En voil`a une boutique ! je ne veux pas que tu restes l`a-dedans !… Sosth`ene, mon enfant, viens-t’en avec ta bonne m`ere qui te trouvera une place plus tranquille !
***
Bobinette 'etait tomb'ee assise dans un fauteuil, `a demi morte d’'emotion. Les id'ees se pressaient en foule dans son esprit, mais elle 'etait incapable d’en pr'eciser une seule, tant ces 'ev'enements 'etranges s’'etaient pr'ecipit'es, ne lui permettant pas de s’y reconna^itre. N'eanmoins, deux grands faits lui apparaissaient.
Le premier, c’est que Vagualame 'etait arr^et'e, tandis qu’elle 'etait libre, et le second, c’est qu’on n’avait pas cherch'e dans sa chambre le fameux d'ebouchoir vol'e `a l’arsenal, et que, le lendemain, elle irait selon les ordres recus transporter au Havre en compagnie du caporal Vinson, porteur, lui, du plan de l’appareil.
19 – LE MYST'ERIEUX ABB'E
Fandor pensa r^ever en ouvrant les yeux…
Depuis que les hasards de l’enqu^ete polici`ere `a laquelle il se livrait l’avaient contraint `a adopter la personnalit'e de Vinson, il s’habituait `a la vie militaire. La chambr'ee 'etait devenue pour lui : « sa chambre ». Au r'eveil il ne s’'etonnait plus d’apercevoir `a sa droite le grand mur nu, blanchi `a la chaux, `a gauche le bat-flanc, attribut de son grade de caporal, sur lequel 'etaient grav'ees de multiples inscriptions : « Plus que 653 jours `a tirer… Vive la classe ! »…
Or, ce matin-l`a, J'er^ome Fandor se r'eveillait dans de tout autres conditions…
Les yeux `a peine entrouverts, il voyait autour de lui des meubles, de vrais meubles, point comme ceux qui se trouvent `a la caserne, mais plut^ot comme ont coutume d’en fournir `a leurs clients les h^oteliers…
Et il 'etait en effet dans une chambre d’h^otel, d’h^otel fort modeste `a coup s^ur. Des rideaux de cretonne tamisaient le jour. Un rayon de lumi`ere se r'efl'echissait `a une glace de dimension exigu"e, 'ebr'ech'ee, suspendue au-dessus d’une table de toilette dont le marbre sale, fendu, 'etait garni d’une cuvette, d’un savonnier en porcelaine d'epareill'ee.
Fandor h'esitait `a se r'eveiller. Le peu de confort de son appartement ne l’engageait gu`ere, il est vrai, `a sortir de la somnolence o`u il se trouvait encore mollement plong'e. Il faisait chaud dans son lit, la chambre semblait glac'ee, au contraire, par tous ces courants d’air qui y p'en'etraient librement par la chemin'ee, la fen^etre disjointe, la porte fendue.
— C’est tout de m^eme malheureux, pensa Fandor apr`es avoir d’un regard perspicace appr'eci'e l’'etat du logis o`u il se trouvait ; c’est tout de m^eme malheureux de payer r'eguli`erement son terme, de poss'eder rue Richer un appartement qui, sans ^etre luxueux, est cependant habitable, et d’^etre oblig'e de venir coucher `a l’ H^otel de l’Arm'ee et de la Marine, dans une chambre `a quarante sous la nuit…
Il s’'eveilla tout `a fait cependant. Il ne pouvait plus se faire illusion sur la n'ecessit'e prochaine qui l’obligerait `a se lever.
Fandor s’assit, puis soudain se recoucha, fermant les yeux, mais cette fois non plus par sommeil, mais afin de se recueillir…
— Caporal Vinson, avait appel'e l’adjudant deux jours avant, vous avez une permission de huit jours… Vous pourrez quitter la caserne demain `a midi…
Tant de fois d'ej`a, Fandor avait recu d’une facon aussi impr'evue des permissions qu’il n’avait nullement sollicit'ees qu’il n’en 'etait plus `a s’'etonner de la chose.
— Merci, mon lieutenant !…
Fandor avait r'epondu d’un ton machinal, puis attendait impatiemment l’arriv'ee du vaguemestre qui, sans aucun doute, lui apporterait une carte postale lui donnant un myst'erieux rendez-vous avec les espions pour le compte desquels il 'etait cens'e d’agir.
Or, ce n’'etait point une carte postale, mais bel et bien une lettre que lui avait remis le sergent faisant office de vaguemestre.
Fandor avait ouvert l’enveloppe f'ebrilement et tout d’abord n’avait pu s’emp^echer de tressaillir en constatant le style, pour le moins inf'erieur, de cette 'ep^itre.