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En arrivant boulevard Barb`es, Fandor trouvait un pneumatique adress'e au caporal Vinson. Il l’ouvrit : ce pneumatique n’'etait pas sign'e, il imitait toujours l’'ecriture et le style d’une amoureuse.
On lui disait :
« Mon bon ch'eri, mon amour, excuse-moi de ne pas ^etre venu te prendre ce matin rue de Rivoli, comme il 'etait convenu. Cela m’a 'et'e impossible. Reviens `a deux heures au m^eme endroit, je te promets que je serai exacte… Bien entendu, viens en uniforme, je veux voir comme tu es beau sous l’habit militaire… »
Fandor lut ce pneumatique, un pli soucieux au front.
— Je n’aime pas beaucoup cela, se dit-il… Pourquoi me faire venir en uniforme ? Savent-ils que je suis venu en civil ce matin ? Mais alors… ?
Le jeune homme avait de plus en plus l’impression qu’il se trouvait impliqu'e dans des aventures o`u la plaisanterie n’'etait plus de mise.
— Allons-y, murmura-t-il, mais, pour Dieu, je crois qu’il commence `a ^etre grand temps que je rentre dans la vie civile…
***
Il 'etait deux heures juste `a l’horloge qui orne le refuge dress'e au milieu de la rue de Rivoli, `a l’extr'emit'e du minist`ere de la Marine, lorsque Fandor traversa la chauss'ee, sortant du m'etropolitain, pour se rendre `a nouveau au coin de la rue Castiglione.
— Cette fois, pensait-il, j’ai mon uniforme, je suis exact, rien ne doit emp^echer que nous ne nous rencontrions…
Le journaliste avait `a peine fait quelques pas, en effet, sous les arcades, qu’une main finement gant'ee se posait sur ses 'epaules :
— Mon cher caporal !… comment allez-vous ?…
Fandor tournait vivement la t^ete, et non sans une certaine stupeur reconnaissait la personne qui venait de l’aborder : un pr^etre !
— Tr`es bien !… et vous-m^eme, monsieur l’abb'e ?…
Mais Fandor identifiait `a la minute l’eccl'esiastique ; il l’avait d'ej`a vu dans la voiture en panne sur la route de Verdun `a la fronti`ere… le jour o`u il avait rencontr'e pour la premi`ere fois les espions, o`u il avait 'et'e par eux pr'esent'e aux imprimeurs Noret…
— Votre ami est l`a, monsieur l’abb'e ?
— Non pas, mon cher caporal… non pas !… il m’a charg'e de bien des choses pour vous, mais, en v'erit'e, il est trop accabl'e de besognes pour pouvoir voyager…
— Il est donc `a Verdun ?
— J’ignore o`u il est, r'epondit le pr^etre d’un ton sec… Ceci n’a d’ailleurs pas d’importance puisque nous devons faire route ensemble et qu’il ne part pas avec nous…
— Nous partons donc ? interrogea Fandor, interloqu'e.
— Oui, nous allons faire un petit voyage…
Tout en parlant, le pr^etre avait saisi famili`erement le bras du caporal et l’entra^inait.
— Vous m’excuserez, disait-il, de n’avoir pu venir ce matin, mais cela m’a 'et'e compl`etement impossible… Ah ! passez-moi le document promis… l`a !… tr`es bien ! je vous remercie… Tenez, caporal, vous voyez notre chemin de fer ?…
Le pr^etre montrait du doigt `a Fandor, qui riait sous cape en livrant un plan de d'ebouchoir imaginaire, une superbe automobile qui stationnait au long du trottoir…
— Voulez-vous monter ? La route est longue.
— Maudit cur'e ! se disait Fandor. Je lui donnerais bien dix fois de suite l’absolution, rien que pour savoir o`u il va me mener avec cette voiture-l`a…
Mais ce n’'etait pas le moment de r'efl'echir. Le pr^etre pria Fandor de s’asseoir, et tr`es aimablement lui tendit une lourde couverture de voyage.
— Enveloppons-nous, caporal, il ne fait pas chaud sur la route… Chauffeur, vous pouvez partir, nous sommes pr^ets…
Tandis que la voiture d'emarrait, le pr^etre expliquait, en d'esignant un volumineux paquet qui emp^echait le soldat d’'etendre les jambes :
— Nous changerons de place de temps en temps, si vous le voulez, car vous devez ^etre fort mal, avec ce paquet qui encombre…
— Bah ! r'epondit Fandor, `a la guerre comme `a la guerre… d’ailleurs, monsieur l’abb'e, il me semble que nous pourrions tous les deux nous installer plus confortablement en attachant ce colis sur le si`ege avant, `a c^ot'e de votre chauffeur…