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Mais le policier en se documentant par lui-m^eme, en 'etudiant par lui-m^eme les d'etails d’ameublement, de disposition des lieux de la maison du crime, en faisant parler les t'emoins, avait 'et'e en r'ealit'e tr`es fid`ele `a sa ligne de conduite ordinaire.
Selon Juve en effet, les t'emoins directement int'eress'es aux affaires criminelles fournissent toujours de faux renseignements `a la police.
— Ils nous trompent, disait Juve, de bonne foi ou de parti pris, mais en fin de compte, ils nous trompent. Parbleu. Quiconque est victime d’une tentative d’assassinat est si directement int'eress'e `a la chose qu’il ne voit plus rien et se trouve incapable d’apporter la moindre lumi`ere `a l’enqu^eteur. Il faut se rendre compte par soi-m^eme et apr`es, apr`es seulement, 'ecouter ce que l’on vous dit et t^acher d’en tirer les cons'equences utiles.
Sur le grand lit de milieu, dont les couvertures d'efaites gisaient un peu de tous les c^ot'es, dont les draps blancs, orn'es de broderies et de dentelles, apparaissaient tach'es de larges plaques de sang, la t^ete de S'ebastien, ce n’'etait plus une t^ete humaine, c’'etait un boursouflement de chair, br^ul'ee, corrod'ee par l’acide, saignante. Les yeux 'etaient ferm'es, disparaissaient presque sous l’enflure des chairs qui rejoignaient les jou'ee distendues et violac'ees. Une l`evre pendait et de la gorge, montait un hurlement indistinct o`u passait une consonance, un appel :
— Rita, Rita.
— Alors docteur, demanda Juve, que dites-vous de l’'etat du malade ?
— 'Etat tr`es grave, d'eclara-t-il, tr`es inqui'etant. Ce jeune homme a recu sur le visage une grande quantit'e d’acide sulfurique, commun'ement appel'e vitriol. 'Evidemment, on a d^u op'erer au moyen d’un r'ecipient de grande dimension qui a permis de diriger le jet du liquide avec une parfaite libert'e d’action. Voyez plut^ot. La face n’est plus qu’une plaie. L’acide a tout attaqu'e et les chairs seront longues `a se reconstituer. Si ce malheureux jeune homme en r'echappe toutefois.
— Vous le croyez donc perdu ?
— Hum, oui et non, je crois qu’il gardera la vie, mais je crois aussi qu’il restera aveugle. Les deux yeux sont atteints.
— Bon, fit Juve, alors il s’agit bien d’un drame au vitriol. Et tout en parlant, Juve examinait la pi`ece, notait qu’une somptueuse armoire `a glace avait 'et'e fractur'ee : ce qui me chiffonne, voyez-vous, c’est qu’en r'ealit'e un drame du vitriol, cela ne suppose gu`ere un vol. Enfin le bless'e comprend-il ce qu’on lui dit ?
— Difficilement, r'epondait le praticien. Il n’a pas perdu connaissance, mais enfin…
D'ej`a, Juve 'etait aupr`es du lit, pench'e sur la malheureuse victime :
— Monsieur Marquet-Monnier, commencait Juve, vous m’entendez ? Je suis inspecteur de police. Dites-moi, que vous est-il arriv'e ?
Un g'emissement 'epouvantable s’'echappa des l`evres de S'ebastien :
— Je ne sais pas. J’ai 'et'e attaqu'e. Je n’ai rien vu. Rita ? o`u est Rita ?
— C’est votre amie que vous demandez ?
— Ma ma^itresse oui, je veux Rita. Dites `a Rita de venir.
— Cet homme est dans un 'etat tr`es grave, murmura le m'edecin `a l’oreille de Juve, il est absolument impossible que vous le fassiez parler maintenant. Laissez-moi deux heures pour lui administrer des calmants, faire les pansements. `A l’heure qu’il est, votre intervention pourrait lui ^etre fatale.
Des l`evres du bless'e la m^eme plainte montait toujours :
— Je ne sais pas ce qui m’est arriv'e, je rentrais dans ma chambre, je n’avais pas encore allum'e l’'electricit'e, on s’est jet'e sur moi. Rita ? o`u est Rita ? je la veux, elle me soignera.
— Ne vous inqui'etez pas, murmura Juve, Mme Rita d’Anr'emont va venir, vous la verrez dans quelques instants.
Il s’'ecarta du lit, tira le m'edecin par la manche, gagna l’escalier du petit h^otel :
— Docteur, demandait le policier, vous ^etes le m'edecin habituel de cette maison ?
— Je suis depuis longtemps le m'edecin de Mme d’Anr'emont, mais il y a un an tout au plus qu’elle conna^it M. Marquet-Monnier. Je ne l’ai vu, lui, qu’une seule fois.
— Docteur, lui ne m’int'eresse pas. C’est cette Mme d’Anr'emont qui m’intrigue. Quel ^age peut-elle avoir ?
— Elle avoue trente-cinq ans.
— Elle doit avoir d'epass'e la quarantaine ?
— Je ne crois pas, trente-sept, trente-huit.
— Oui, une femme m^ure avec pour amant un petit jeune homme. Hum, je n’aime pas beaucoup ca. (Juve pensait tout haut).
— Ah c`a, commenca l’homme de l’art, qu’imaginez-vous donc ? Je connais Mme d’Anr'emont depuis d'ej`a pas mal de temps. Je peux me porter garant de sa parfaite honorabilit'e. Quand elle conna^itra le malheur survenu `a son amant…