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— Mme d’Anr'emont est parfaitement estimable, mais enfin o`u est-elle ? Car enfin, tout ca est extravagant. Nous sommes en pr'esence d’un malheureux terriblement bless'e, au domicile de sa ma^itresse et seul dans ce domicile. Mme d’Anr'emont, j’imagine, devait passer toutes ses nuits chez elle en compagnie de son amant : M. Marquet-Monnier. Ce nom est connu, il doit ^etre apparent'e au banquier du m^eme nom.
— C’est son fr`ere.
— Par cons'equent il devait, certainement entretenir richement cette Mme d’Anr'emont et si celle-ci le trompait, elle ne le devait faire qu’en cachette, sans d'ecoucher.
— Ah c`a, o`u voulez-vous donc en venir ?
— Mais `a quelque chose de bien simple, que diable. C’est que Mme d’Anr'emont devrait ^etre l`a. Il est inexplicable qu’elle n’y soit pas ou du moins que son absence ne puisse ^etre expliqu'ee que d’une seule mani`ere…
— Laquelle ?
— Ne serait-elle pas en fuite ? Voyons, ne trouvez-vous pas cela assez naturel, assez limpide, Mme d’Anr'emont, femme d'ej`a sur le retour, ma^itresse d’un jeune homme, ayant besoin d’argent, se venge sur lui, d’un abandon prochain peut-^etre, en le vitriolant, puis dispara^it apr`es avoir cambriol'e les objets de valeur ?
— Monsieur l’inspecteur vous parlez de choses 'epouvantables avec un sang-froid qui me r'evolte et d’abord, pourquoi Mme Rita d’Anr'emont aurait-elle cambriol'e chez elle ? car cet h^otel lui appartient.
— Son amant avait peut-^etre les cl'es de certains meubles o`u il enfermait les objets pr'ecieux qui lui 'etaient propres.
— C’est inconcevable.
C’'etait au tour de Juve de ne rien r'epondre. 'Evidemment, il 'etait difficile de supposer que Rita d’Anr'emont f^ut r'eellement l’auteur de la tentative d’assassinat dont venait d’^etre victime son amant. Mais o`u 'etait-elle ?
Juve quitta le praticien qui retournait dans la chambre du bless'e alors que lui-m^eme se h^atait vers le bas de l’h^otel. Assis sur les marches, se trouvait M. Casimir, le concierge :
— Eh bien, interrogea le brave homme, comment va-t-il ?
— Mal, r'epondit Juve, je ne sais pas si on le sauvera.
Puis, comme si, tout `a coup il e^ut 'et'e illumin'e par une pens'ee bien simple qui lui venait brusquement `a l’esprit, il interrogea :
— Mais o`u donc sont les domestiques ? Je suppose tout de m^eme qu’il doit y avoir, dans un h^otel comme celui-ci, cuisini`ere et femme de chambre ?
— Il n’y a en ce moment qu’une femme de chambre. Mme d’Anr'emont vient de rentrer de voyage, elle n’a encore engag'e qu’une bonne.
— Et o`u est-elle, cette bonne ?
— C’est vrai, elle n’est pas l`a la bonne. Je ne l’ai m^eme pas vue depuis ce matin, hier soir elle est venue un peu bavarder dans ma loge, me causer de ses nouveaux ma^itres et puis, elle est rentr'ee apr`es avoir 'et'e voir un des agents de son bureau de placement. Ce matin, Je ne l’ai pas vue.
Juve grommela quelque chose, une phrase que M. Casimir n’entendit pas :
— Voil`a une maison o`u habitent trois personnes, un jeune homme, sa ma^itresse, une jeune bonne. Le jeune homme est victime d’une abominable agression, l’appartement est cambriol'e et personne n’est l`a, sauf la victime. La ma^itresse et la bonne sont en fuite. Oui, ca m’a bien l’air de ca. C’est bizarre : est-ce que Rita d’Anr'emont devrait bient^ot faire connaissance avec les cellules du D'ep^ot ?
En grommelant, Juve arpentait le vestibule du petit h^otel sans m^eme tenir compte de la figure stup'efaite de M. Casimir :
— C’est bizarre, continuait le policier, c’est bizarre, mais ce n’est peut-^etre pas incompr'ehensible, ce crime-l`a. Le vitriol c’est une arme de femme et il y a deux femmes. Laquelle est la complice de l’autre ?
Juve suspendit sa promenade, se retourna.
M. Casimir venait de pousser une exclamation. La porte du vestibule s’'etait soudain ouverte.
3 – « AUX ENFANTS DU LIORAN »
Cependant, une vive animation r'egnait au sommet des Buttes-Chaumont, `a proximit'e de Belleville, dans cette partie de Paris diam'etralement oppos'ee par la situation, l’aspect, le caract`ere des habitants, au quartier de l’'Etoile. Ce m^eme matin, un mouvement populaire agitait la rue de la Mouza"ia.
Il 'etait huit heures et demie, les enfants du quartier se rendaient en courant `a l’'ecole voisine, les m'enag`eres faisaient le march'e.
Les boutiques des marchands de vins et des caf'es-bars qui pullulent dans ce quartier, n’'etaient pas d'esertes, bien que la plupart des hommes fussent partis au travail. Il en restait toujours qui ch^omaient, et que le programme d’une journ'ee de repos poussait tout naturellement au cabaret.
Le bar qui donnait sur la rue de la Libert'e 'etait particuli`erement achaland'e. Il avait une apparence myst'erieuse. De petits rideaux d'efra^ichis en dissimulaient aux passants la client`ele. C’'etait une salle basse, enfum'ee, 'etroite, elle-m^eme divis'ee en deux parties par une 'etroite cloison en carreaux de pl^atre, recouverts d’un papier jadis rose tendre.