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— Demi-tour, ordonna-t-elle vivement, ou je tire.
Apr`es quoi, elle reprit sa marche et gagna la rue Ravignan.
Les deux individus, deux apaches, avaient, rien qu’`a la vue du revolver, tourn'e les talons. Toutefois, ils semblaient fort heureux de ce qui venait de leur arriver.
— Eh bien, mon vieux Bedeau, fit l’un, tu l’as reconnue ? Tu es s^ur que c’est elle ?
— Probable, B'eb'e. Je te l’avais d’ailleurs d'ej`a dit dans la taule du bistrot. Y a pas deux femmes au monde pour avoir cette facon de vous regarder. On dirait les mirettes d’un juge d’instruction.
— Enfin, c’est toujours ca et nous savons o`u est la fille de Fant^omas.
— Oui, dit le Bedeau en riant, on s’en fout de cavaler derri`ere elle, on sait o`u l’oiseau perche, et si jamais on a besoin de le d'enicher, la chasse sera facile.
5 – LES RENCONTRES
Encore 'emue de la rencontre qu’elle venait de faire, H'el`ene, qui avait press'e le pas, s’arr^eta stup'efaite au seuil de son domicile.
Devant elle se dressait la silhouette d’une femme, jeune, 'el'egante, `a la toilette tapageuse : Sarah Gordon.
— Enfin ! dit l’Am'ericaine, cependant que dans ses yeux brillait un 'eclair de triomphe.
— Que voulez-vous de moi ? Comment se fait-il que vous soyez ici ?
— Que vous importe ? J’ai simplement besoin de vous parler. Oserez-vous me recevoir chez vous ?
— Suivez-moi.
Quelques instants plus tard, les deux femmes 'etaient dans la modeste demeure de la fille de Fant^omas.
C’'etait un appartement 'etriqu'e, petit, compos'e de deux pi`eces qu’H'el`ene avait lou'ees meubl'ees, et dans lesquelles s’affirmait nettement le mauvais go^ut banal d’un logeur qui visait `a l’'economie. L’Am'ericaine croisa les bras et fixant H'el`ene de son regard soupconneux charg'e de col`ere, elle interrogea :
— Oserez-vous me soutenir encore, mademoiselle, que vous ^etes la ma^itresse de Dick ?
H'el`ene avait donn'e sa parole, et il lui 'etait impossible de rompre le pacte myst'erieux qu’elle avait conclu avec Dick. Sans regarder son interlocutrice, courbant les 'epaules et baissant les yeux, la jeune fille d'eclara :
— Dick est mon amant.
— Vous ^etes odieuse, mademoiselle, d’avouer semblable chose devant moi. Moi qui suis aim'ee de Dick, moi qui l’aime.
— Je n’y puis rien, les faits sont l`a indiscutables, et le pass'e ne nous appartient ni `a l’une ni `a l’autre.
— Mademoiselle, aimez-vous Dick ?
Cette fois, `a cette question, H'el`ene pouvait r'epondre honn^etement :
— Non, dit-elle de la facon la plus cat'egorique.
Sarah soupira profond'ement :
— Alors pourquoi ^etes-vous sa ma^itresse ?
— Parce que… parce que cela est, voil`a tout.
— Vous ^etes la ma^itresse de Dick et vous ne l’aimez point ? Alors, je vous en prie, promettez-m6i de le quitter, promettez-moi que vous ne serez d'esormais plus rien pour lui. Si vous saviez combien je suis 'eprise. Tenez, je vous avais dit, l’autre jour, que j’'etais d'ecid'ee `a retourner en Am'erique, `a partir avec ou sans lui, eh bien, j’y ai renonc'e. Je n’ai pas pu le faire, je suis rest'ee, l^achement.
H'el`ene, cependant, se sentait peu `a peu gagn'ee par la douleur tr`es sinc`ere de cette malheureuse, `a qui la richesse n’apportait 'evidemment pas le bonheur. Et elle faillit lui avouer qu’elle 'etait toute pr^ete `a acc'eder `a ses d'esirs. Elle aussi ne demandait qu’une chose, c’'etait de ne plus jamais voir Dick, de ne plus le rencontrer. Mais elle se souvenait du serment terrible qu’elle avait fait, quinze jours auparavant, lorsqu’elle 'etait en t^ete `a t^ete avec ce myst'erieux personnage. Et puis, un doute lui venait. Comment Sarah Gordon se trouvait-elle chez elle ? Qui avait pu lui communiquer son adresse ? Quelle 'etait la nouvelle machination que l’on ourdissait contre elle ? Et, r'esolue d'esormais `a ne rien modifier aux promesses qu’elle avait faites, H'el`ene, dissimulant ses v'eritables intentions, d'eclara :
— Je ne peux rien vous promettre, mademoiselle, bien au contraire, et je continuerai `a ^etre la ma^itresse de Dick, tant qu’il lui plaira d’^etre mon amant.
— C’est bien, prof'era l’Am'ericaine, la guerre est d'eclar'ee entre nous, mademoiselle.
— Comme il vous plaira.
— Puisque vous ne voulez pas c'eder, je ne c'ederai pas non plus. Je me suis abaiss'ee, voici un instant, `a vous supplier et vous m’avez montr'e que vous n’aviez point de coeur, tant pis ! Puisque la douceur n’agit pas sur vous, j’agirai par la force. Ah vous ^etes bien la digne fille de votre p`ere.
H'el`ene bl^emit, mais se mordit les l`evres pour ne pas r'epondre. L’Am'ericaine continua :
— Fant^omas est en prison, tant mieux, mais vous y manquez et votre libert'e, mademoiselle, je vous en pr'eviens, ne durera pas longtemps. J’ai des motifs suffisants pour vous faire arr^eter. Croyez que rien d'esormais ne pourrait m’en emp^echer. Ah, vous ne savez pas ce que c’est que la t'enacit'e d’une femme jalouse. Et ce que j’ai manqu'e `a Enghien, je le r'eussirai `a Paris.
Sarah Gordon venait de bondir vers la porte du modeste appartement, elle la claqua derri`ere elle, on entendit son pas menu et pr'ecipit'e tr'ebucher dans l’escalier sombre.