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— Je me pr'esenterai moi-m^eme, voil`a tout, se dit le b^atonnier.
Le b^atonnier sonna `a la grille, par discr'etion, car celle-ci 'etait ouverte. Il entendit le son d’une cloche gr^ele se r'epercuter au lointain et il attendit. Mais nul ne vint au-devant de lui, et le b^atonnier, impatient, las d’attendre, l’introduisit dans le jardin.
Il remarqua qu’`a travers les all'ees poussaient de longues herbes.
— Maison d'elabr'ee, gens dans la mis`ere, pensa-t-il, J’ai bien fait d’apporter de l’argent, j’obtiendrai la potiche `a meilleur compte.
Le b^atonnier h'esita quelques instants, mais il remarqua qu’au fond de la propri'et'e se trouvait la maison. Au milieu de la tache sombre qu’elle formait, pointait une petite lumi`ere qui tendait `a prouver qu’il y avait l`a quelqu’un.
— Ma foi, pensa l’avocat, entrons. On verra bien.
Il avait `a peine fait quelques pas dans la direction de la maison, que soudain il poussa un hurlement de surprise et de terreur. Puis, il s’'ecroula.
Mario Isolino, d’une part, et Nadia, de l’autre, avaient surgi en effet derri`ere leurs buissons, au moment o`u Me Faramont, qui ne se doutait de rien, passait `a proximit'e.
L’agression avait 'et'e combin'ee de la facon suivante : c’'etait Nadia qui devait attaquer la premi`ere, elle 'etait munie d’un solide foulard, elle devait s’'elancer sur le b^atonnier et lui passer ce foulard autour du cou. Puis, tirer violemment afin de le faire tomber en arri`ere.
Mario Isolino devait se jeter sur l’homme `a terre et lui fouiller les poches.
Malgr'e l’'emotion, Nadia, qui 'etait 'egalement terroris'ee par l’attitude de son amant, avait r'ealis'e sans trop de difficult'e la premi`ere partie du programme. Et alors que le b^atonnier tombait par terre, la Circassienne se f'elicitait de son adresse, s’'etonnait m^eme de la facilit'e avec laquelle une faible femme pouvait renverser un homme, lorsque celui-ci ne s’y attendait pas. Une foule de pens'ees se pressait en m^eme temps dans l’esprit de Nadia qui songeait aussit^ot :
— Du moment que j’ai r'eussi `a le renverser, Mario Isolino ne le tuera pas.
En pr'ecipitant `a terre le b^atonnier, la Circassienne 'etait tomb'ee, elle aussi, mais `a genoux, dans l’all'ee. Elle se releva. `A ce moment, elle poussa un cri terrible et, de m^eme, elle entendit deux autres cris. L’un pouss'e par le b^atonnier, l’autre par son amant : une effroyable douleur la prenait aux yeux, il lui semblait que du feu courait sous ses paupi`eres, lui incendiait la pupille. Puis, soudain, elle se sentit entra^in'ee par la main. Tr'ebuchant, aveugle, et souffrant le martyre, elle se laissa emmener en g'emissant. Quelques secondes apr`es, elle se rendait compte qu’elle 'etait hors de la propri'et'e, dans l’avenue d'eserte. La personne qui l’entra^inait, qui l’avait pour ainsi dire arrach'ee de l’all'ee, emport'ee, c’'etait son amant.
Et Mario Isolino, d’une voix contract'ee par l’angoisse, articulait cependant qu’il geignait, lui aussi :
— Sauvons-nous, sauvons-nous, c’est du sortil`ege.
***
— Eh bien, comment vous sentez-vous, mon pauvre Faramont ?
Le b^atonnier ouvrit les yeux, puis les referma aussit^ot, il 'eprouvait aux paupi`eres une intol'erable cuisson. Il avait reconnu, cependant, la voix de son beau-fr`ere.
Il se sentait immens'ement las, fatigu'e, bris'e, comme apr`es un violent effort ou une grande maladie. Il se rendit compte qu’il 'etait 'etendu sur quelque chose de souple et de doux, une chaise longue ou un canap'e. Puis, il 'eprouva une sensation r'econfortante, deux l`evres s’appuyaient sur son front, cependant qu’il percevait la voix angoiss'ee de sa femme qui murmurait :
— Mon pauvre Henri, que vous est-il donc arriv'e ?
Le b^atonnier fit un nouvel effort, ouvrit encore les yeux, et regarda autour de lui. Il 'etait dans la chambre de son beau-fr`ere, sur le lit et, `a son chevet, se trouvaient, ind'ependamment de M. de Keyrolles et de Mme Faramont, son fils Jacques, sa soeur, Mme de Keyrolles, et enfin un personnage qu’il ne connaissait pas, un homme en bras de chemise, qui prenait des compresses et les lui passait sur les tempes.
— Le m'edecin, dit M. de Keyrolles `a son beau-fr`ere.
Et le b^atonnier, alors, se souvint de ce qui lui 'etait arriv'e.
Au moment o`u il p'en'etrait dans la propri'et'e voisine, il avait 'eprouv'e un choc violent, une secousse, puis un blanc. Le b^atonnier 'eprouva une 'emotion. Il savait qu’il avait d'ej`a un certain ^age et, raffermissant sa voix, pour ne pas montrer qu’il avait peur, il interrogea, regardant fixement le m'edecin :
— C’est une attaque, n’est-ce pas ? De la congestion ? Oh, il vaut mieux me le dire, je suis fort, je n’ai pas peur de mourir.
Mais le m'edecin le rassurait :
— Pas le moins du monde, monsieur.
— Une attaque, peut-^etre, mon cher beau-fr`ere, lui dit Keyrolles, mais pas du genre de celle que vous croyez. Vous avez 'et'e victime d’une attaque au sens propre du mot, mon pauvre ami. Qu’alliez-vous faire dans cette maison voisine de la n^otre ?
— J’allais voir une potiche ancienne.
Dans son entourage on s’entre-regarda. Mme Faramont, nettement d'eclara :
— Vous le voyez, je m’en doutais, c’est un guet-apens.