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— Monsieur, peu importe, il faut que ce document nous revienne, il est indispensable que le portefeuille rouge soit rendu par mon interm'ediaire `a Sa Majest'e l’Empereur, il faut, par tous les moyens possibles, rejoindre le Skobeleff, reprendre ce qu’il contient. ^Etes-vous l’homme de cette mission ?
Une seconde d’h'esitation. Puis Juve r'epondit, cat'egorique :
— C’est une affaire entendue, monsieur, je m’efforcerai de rattraper ce document avant que le Skobeleff ait rejoint Sa Majest'e le Tsar.
— M^eme au prix des plus grands p'erils ?
— M^eme au prix des plus grands p'erils.
Les deux hommes 'echang`erent une chaleureuse poign'ee de mains.
Juve allait s’en aller, simple et calme comme `a son ordinaire, mais l’ambassadeur l’arr^eta :
— Un instant encore, monsieur.
— `A vos ordres.
— Il faut, poursuivit l’ambassadeur, que l’entretien que nous venons d’avoir soit `a la fois le premier et le dernier.
— Ah ?
— Une discr'etion absolue s’impose. Il faut un tiers entre nous, pour que nous puissions correspondre `a l’insu de tous. Lorsque vous aurez retrouv'e le portefeuille, – et je ne doute pas que vous n’y parveniez –, vous le remettrez `a quelqu’un que vous ne connaissez pas encore et dont voici le nom. C’est le lieutenant Prince Nikita, petit-cousin du Tsar. Vous le rencontrerez dans quatre jours, `a votre domicile `a Paris.
— C’est donc le d'elai que vous m’accordez, monsieur, pour retrouver le portefeuille ?
— Avec l’aide de Dieu, j’esp`ere que vous aurez r'eussi, ou sans cela…
— Sans cela ? fit Juve.
— Sur l’ic^one que vous voyez l`a, monsieur, je jure de prier le Ciel de toute la force de mon ^ame, et j’ai la foi que Dieu vous aidera `a r'eussir.
Quelques instants apr`es, Juve, descendait l’escalier.
— Le Ciel, grommelait-il, c’est parfait, sans doute, mais j’ai confiance 'egalement en mon revolver.
Et le policier caressait machinalement la crosse de son browning :
— Et dire que je n’ai pas pu leur annoncer `a l’un ou `a l’autre, ni `a M. Annion, ni `a l’ambassadeur extraordinaire, que le faux commandant du Skobeleff, que l’homme au sort duquel le portefeuille rouge est d'esormais li'e, n’est autre que le plus sinistre bandit que la terre ait jamais port'e, n’est autre que…
Cependant, l’ambassadeur n’avait pas encore regagn'e le salon de r'eception o`u se tenaient ses invit'es. Le diplomate, qui avait repris sa physionomie impassible et de morgue hautaine, venait de faire appeler son secr'etaire :
— Serge, fit-il, 'ecrivez, je vous prie.
Le secr'etaire du diplomate s’installa. Son ma^itre lui dicta la d'ep^eche suivante :
Lieutenant Prince Nikita. Palais Ducal Moscou.
Urgence rentrer, vous ai trouv'e excellent parti pour mariage d'esir'e.
Marguerite.
— Est-ce que c’est bien ca Serge ? demanda l’ambassadeur.
— Oui. Excellence.
L’ambassadeur se prit `a sourire :
— Mon petit, fit-il en appuyant affectueusement la main sur l’'epaule du jeune homme, j’esp`ere que dans quatre jours le prince sera ici et que, vingt-quatre heures apr`es, il aura rendu un tel service `a notre pays que Sa Majest'e l’Empereur, qui le tient en disgr^ace depuis plusieurs ann'ees d'ej`a pour des fredaines, ne pourra pas lui garder rigueur plus longtemps.
— Il faut l’esp'erer, Excellence.
Le comte Vladimir Saratov quitta alors son cabinet et rejoignit enfin les invit'es qu’il venait d’abandonner pendant pr`es d’une heure.
***
Cependant, deux des h^otes de l’ambassadeur extraordinaire n’avaient pas tard'e `a 'ecourter la soir'ee.
La princesse Sonia Danidoff, pr'etextant une violente migraine, avait demand'e l’autorisation de retourner chez elle. Puis, quelques instants plus tard, Ellis Marshall s’'etait 'eclips'e, s’apercevant soudain qu’il avait encore deux soir'ees dans le monde o`u il devait faire acte de pr'esence. Ce pr'etexte n’avait dup'e personne et l’on s’imaginait – `a tort d’ailleurs – que le baronnet 'etait all'e rejoindre la princesse Sonia Danidoff qui passait pour sa ma^itresse.
Il n’en 'etait rien, mais, `a coup s^ur, ce ne devait pas ^etre de la faute de l’Anglais.
Cependant que la princesse, mont'ee dans un 'el'egant coup'e automobile, regagnait son h^otel, Ellis Marshall avait saut'e dans un taxi et s’'etait fait conduire au coquet rez-de-chauss'ee qu’il occupait aux environs de la place de l’'Etoile.
Il avait demand'e `a son valet de chambre d’aller r'eveiller le m'ecanicien et de faire amener avant une heure la voiture automobile devant la porte.
L’Anglais poss'edait une puissante quarante chevaux, gr'e'ee en voiture de course, avec laquelle il sillonnait les routes de France.
Puis, Ellis Marshall 'echangea en h^ate son habit de soir'ee contre un costume de voyage. Il se fit conduire par taxi-auto `a Neuilly, arr^eta le v'ehicule `a un carrefour, donna l’ordre d’attendre et, `a pas furtifs, se dirigea vers l’entr'ee de service du somptueux h^otel habit'e par la princesse Sonia Danidoff.
Ellis Marshall tira une cl'e de sa poche, ouvrit la grille qui communiquait avec les communs, p'en'etra dans la propri'et'e. Une masse sombre s’'elevait au milieu du parc : l’h^otel de la princesse.