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— Donc, conclut-il lorsque ce fut termin'e, nous avons actuellement deux missions : l’une officielle, celle qui consiste `a retrouver le portefeuille, l’autre officieuse, celle qui consiste – et ce n’est pas la moins importante –, `a nous emparer de Fant^omas et `a mettre le bandit hors d’'etat de nuire ?
— Exactement.
Les deux hommes, seuls heureusement dans leur compartiment, continu`erent `a s’entretenir des d'etails 'eventuels de la p'erilleuse mission qu’ils allaient entreprendre.
C’est `a peine s’ils s’accord`erent quelques instants pour d^iner sur le pouce. Ils causaient encore, la nuit venue, et `a onze heures moins dix, le train atteignait Quimper.
— Nous sommes arriv'es, s’'ecria le policier. Voici la premi`ere 'etape de notre voyage termin'ee, c’est aussi la plus facile. En route.
`A peine les deux hommes 'etaient-ils sortis de la gare que Juve s’immobilisa, en constatant qu’`a part trois omnibus d’h^otel et une mis'erable tapissi`ere attel'ee d’un cheval, rien.
— Et l’automobile ?
En vain Juve s’adressait-il `a des employ'es de la gare, ceux-ci ne pouvaient le renseigner ; ils n’avaient pas vu d’automobile, ils ne savaient pas ce que Juve voulait dire.
Le policier r'eveilla le cocher de la tapissi`ere :
— H'e l`a, mon brave, fit-il, qu’attendez-vous ?
— Je ne sais pas, fit le Breton, c’est l’patron qui m’a dit comm’ ca : « Yvonnik, tu iras au train de 10 h. 50 avec la tapissi`ere attendre un voyageur… »
Yvonnik donnait le nom de son patron.
Juve grommela :
— Mais c’est pr'ecis'ement `a ce bonhomme-l`a que j’avais command'e une automobile.
— Ah, c’est vous qui vouliez une automobile, j’ai entendu parler de ca, en effet, m^eme que l’patron m’a dit comme ca : « Yvonnik, tu diras au voyageur qu’on n’a pas d’automobile `a louer, except'e pendant la saison, tu le conduiras avec le cheval o`u il voudra. »
— Sacr'e bon Dieu ! jura Juve, nous sommes fichus.
— Quelle distance y a-t-il, interrogea-t-il, exactement entre Quimper et la pointe du Raz ?
— Au moins dix lieues. Oh, mon bidet est r'esistant, c’est pas qu’il aille bien vite, mais on peut faire trois lieues `a l’heure, et des fois que vous voudriez d'ejeuner `a la pointe du Raz, en partant de bonne heure demain matin…
— Mais, triple animal ce n’est pas demain matin, c’est tout de suite qu’il faut y aller.
— Dans la nuit ?
— Dans la nuit, oui, certainement.
Apr`es dix minutes de pourparlers, gr^ace `a un g'en'ereux pourboire offert d’avance, Juve d'ecida le Breton `a le conduire le plus rapidement possible. Mais, `a peine avait-on pass'e les derni`eres maisons des faubourgs que la tapissi`ere ralentit, le cheval se mit au pas. On montait une c^ote.
— Une c^ote longue d’au moins quatre kilom`etres, dit le conducteur.
Soudain, le policier poussa une exclamation 'etouff'ee :
— Une auto, dit-il `a Fandor…
Le journaliste se pencha pour mieux voir : `a cinquante m`etres devant eux, se trouvait, en effet, une voiture arr^et'ee sur le bord de la route :
— C’est m^eme une auto en panne.
— En panne, pas absolument, ils ont eu une crevaison de pneus.
— Ca m’a l’air d’une voiture puissante, on dirait une voiture de course, faudrait d'ecider ces gens-l`a `a nous prendre avec eux, `a nous conduire co^ute que co^ute.
— Mais s’ils refusent ? demanda Juve.
— Bah, c’est douteux, on leur expliquera.
Mais Juve pinca le bras de Fandor :
— Ils refuseront.
— Et pourquoi donc ?
— Parce que je sais qu’ils refuseront.
Juve, b'en'eficiant de la lueur d’une lanterne qui 'eclairait en plein visage l’homme en train de changer sa roue, l’avait reconnu.
C’'etait le baronnet Ellis Marshall, que, la veille au soir, il avait apercu dans l’entreb^aillement de la porte du cabinet o`u il s’entretenait avec l’ambassadeur extraordinaire de Russie.
Or, Juve, avec la perspicacit'e qui lui 'etait habituelle, avait `a ce moment-l`a, dans l’espace d’une seconde, acquis la conviction nette que le riche gentilhomme anglais ne s’'etait pas du tout 'egar'e dans l’h^otel de l’ambassadeur et que son pr'etexte de chercher le fumoir n’'etait qu’une excuse.
Juve connaissait trop le monde de la police politique secr`ete et de l’espionnage international pour ne pas avoir soupconn'e aussit^ot le baronnet anglais d’^etre l’agent d’une puissance 'etrang`ere.