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Ah ! si Fandor avait su !… Si `a cet instant il avait devin'e l’effroyable drame qui se d'eroulait pr`es de lui, tout pr`es de lui, si pr`es qu’un incident fortuit pouvait le lui r'ev'eler `a l’improviste !
Mais Fandor ne soupconnait rien, ne pouvait point se douter de la v'erit'e, et seulement tortur'e d’angoisse, ab^eti de souffrance, demeurait prostr'e, accabl'e, sanglotant.
Juve et Fandor avaient `a peine quitt'e la pi`ece pour accompagner la reine jusqu’au tr^one et la sauver, si besoin 'etait, des p'erils nouveaux que pouvait faire na^itre pour elle sa brusque apparition parmi les courtisans, qu’H'el`ene, rest'ee seule dans le salon orange, avait frissonn'e des pieds `a la t^ete.
La jeune femme, `a cette minute, 'etait profond'ement 'emue, violemment troubl'ee m^eme, `a la pens'ee de l’accueil que la reine Wilhemine avait daign'e lui faire. H'el`ene avait vivement senti le prix qu’il fallait attacher aux paroles de la souveraine.
Si elle s’'etait d'evou'ee pour Wilhemine, elle trouvait, en sa d'elicatesse, que la r'ecompense accord'ee `a son d'evouement 'etait superbe ; cette r'ecompense consistait dans ce mot de la souveraine :
— Vous serez d'esormais plus que mon amie, vous serez ma soeur…
Or, tandis qu’H'el`ene r'efl'echissait ainsi, tandis que, le coeur battant un peu, elle se d'epouillait des bijoux qu’elle avait rev^etus pour mieux incarner le personnage de la reine aux yeux des courtisans, tandis qu’elle songeait que c’en 'etait fini des tourments de ces derni`eres semaines et que Fandor, son mari, viendrait, quelques instants plus tard, la prendre pour remporter vers le bonheur, brusquement elle entendait un appel qui la glacait d’effroi des pieds `a la t^ete.
Une voix, une voix grave, une voix d’homme rude et autoritaire, avait simplement dit :
— H'el`ene !…
Et comme la jeune femme se retournait, elle croyait `a cet instant d'efaillir. Devant elle 'etait un personnage dont l’'enigmatique silhouette ne lui 'etait, h'elas ! que trop connue…
Grand, mince, souple, il se croisait les bras, fixant la jeune femme d’un regard de feu qui la br^ulait jusqu’`a l’^ame. Il portait un maillot noir qui moulait 'etroitement son corps ; ses mains 'etaient gant'ees de noir ; une cagoule noire dissimulait son visage, ne laissant voir de ses traits qu’un peu de ses prunelles.
— H'el`ene !… r'ep'etait l’apparition.
Reculant devant cet homme qui l’appelait, H'el`ene g'emit, affol'ee :
— Fant^omas !… Fant^omas !
Et, certes, moins que tout autre, H'el`ene pouvait s’y tromper. Combien de fois, h'elas ! l’avait-elle vu en cette livr'ee de nuit qui 'etait sa livr'ee de crimes, le g'enial et monstrueux Fant^omas !
Combien de fois s’'etait-il dress'e sur sa route ? Combien de fois d'ej`a avait-elle fr'emi en entendant cette voix, cette voix qui faisait peur et qui 'eprouvait quelque peine, semblait-il, `a s’adoucir pour r'ep'eter son nom, rien que son nom :
— H'el`ene !…
La jeune femme reculait, la sueur au front. Livide, les mains jointes dans un geste de supplication, H'el`ene r^alait :
— Que me voulez-vous, Fant^omas ?
Et il paraissait alors qu’un instant le G'enie du crime h'esitait.
Fant^omas tardait `a r'epondre.
Fant^omas avait-il donc peur lui-m^eme de ce qu’il devait dire ? La monstruosit'e de ses propos, l’ignominie de ses desseins, l’effrayaient-elles `a son tour ?
Ce fut d’un ton dur, d’une voix qui n’admettait pas de r'eplique, de sa voix de ma^itre que Fant^omas r'etorqua :
— Ce que je veux, H'el`ene, tu le sais… C’est ton bonheur, ton bonheur avant tout et par-dessus tout… Viens…
Il avait fait un pas vers la jeune femme, il tendait la main, sa main gant'ee de noir, comme s’il eut voulu prendre H'el`ene par le bras.
La femme de Fandor pr'ecipitamment se recula.
— Venir ? fit-elle d’une voix rauque… Allons donc… Vous suivre ? Vous accompagner ? Jamais…
Et comme Fant^omas ne bronchait point en l’'ecoutant, comme il gardait son impassibilit'e coutumi`ere, H'el`ene se h^atait de reprendre :
— Fant^omas, il est inutile de vouloir peser sur mes r'esolutions. Vous ne m’^etes rien… Gr^ace `a Dieu, je suis d'elivr'ee de l’horrible cauchemar que j’ai connu lorsque je me croyais votre fille. Vous ne m’^etes rien, vous n’avez aucun droit sur moi, je vous hais…
Elle 'etait fr'emissante, elle 'etait superbe, H'el`ene, `a l’instant o`u elle osait, elle, faible femme, d'efier ainsi le Ma^itre de l’effroi, et lui crier sa haine, cette haine qui 'etait sans doute si cruelle `a la pens'ee de Fant^omas.