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L'assassin de lady Beltham (Убийца леди Бельтам)
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Аллен Марсель

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Juve versa une nouvelle rasade `a T^ete-de-Lard puis, comme l’apache prenait son verre `a deux mains, car l’ivresse le faisait trembler au point qu’il n’avait plus les gestes assur'es, Juve se jeta sur lui :

— Tu m’entends bien, r'ep'eta-t-il, je m’en fous, moi, de Fant^omas, parce que j’ai la clef et qu’il ne l’aura pas ; quant `a toi, dans cinq minutes, tu seras au D'ep^ot.

Et Juve, tout en parlant, renversait sur le sol le malheureux T^ete-de-Lard, lui ligotait les jambes avec sa serviette, lui ficelait les mains avec une tirette de rideau, et le bourrait de coups de pied.

— Tu m’entends, hein T^ete-de-Lard, lui dit-il d’un air triomphant, je vais chercher les flics pour te faire coffrer.

Et avec un grand geste de menace, laissant T^ete-de-Lard tomber sur le plancher, Juve sortit de la salle `a manger, claquant la porte derri`ere lui.

`A peine Juve 'etait-il dans l’antichambre, qu’il appelait d’une voix tr`es calme :

— Jean.

— Monsieur.

Le domestique venait d’accourir.

— Jean, reprenait Juve, vous allez me faire le plaisir de monter illico au sixi`eme, je sors.

— Bien, monsieur, mais…

— Mais quoi, Jean ?

— L’invit'e de monsieur, est-ce qu’il couche ici ?

Juve partait d’un grand 'eclat de rire.

— C’est peu probable, disait-il, et en tout cas, cela ne te regarde pas. Allez, grouille, fiche le camp !

Le domestique partit sans mot dire. Jean en avait bien vu d’autres depuis qu’il 'etait au service du policier.

Juve descendait l’escalier, il avisa la concierge qui fl^anait sur le pas de la porte.

Depuis que Juve 'etait le locataire de la maison, la brave femme avait appris `a l’estimer. Elle professait pour lui le plus grand respect.

— Madame, d'eclarait Juve, avec son petit air tranquille et 'enigmatique, je tiens `a vous pr'evenir qu’il va bient^ot passer devant vous un individu de mauvaise mine qui, sans doute `a peine dehors, s’enfuira en courant.

— Seigneur J'esus !

— Attendez, madame, laissez-moi achever. Cet individu aura peut-^etre sous les bras des paquets, peut-^etre vous semblera-t-il inquiet et anxieux. Vous n’y ferez pas attention s’il vous pla^it, vous le laisserez aller. C’est bien entendu ?

Juve cligna de l’oeil, la concierge r'epliqua, croyant comprendre :

— C’est entendu, monsieur. Probablement qu’il s’agit d’un agent de la S^uret'e, d'eguis'e ?

— Probablement, r'epondit Juve.

Et, sans s’expliquer davantage, le policier descendit jusqu’au coin de la rue de Steinkerque, o`u 'etait 'etabli un mastroquet qui vendait d’excellent cidre. Juve avait achet'e des journaux, il s’attabla et commenca `a lire, souriant, satisfait.

Or, tandis que Juve demeurait ainsi en face d’un pichet de cidre, T^ete-de-Lard, rest'e seul dans l’appartement du policier, se d'egrisait petit `a petit. L’apache, auquel Juve avait fait boire des vins probablement truqu'es, recouvrait relativement vite sa pr'esence d’esprit.

Si b^ete qu’il f^ut, T^ete-de-Lard se rendait compte qu’il 'etait en f^acheuse posture.

— Je suis fait, murmurait T^ete-de-Lard, mon compte est bon.

Et il sentait des petits frissons lui courir au long de l’'echine `a la seule pens'ee que, d’un instant `a l’autre, des agents allaient arriver pour le saisir et l’emmener au D'ep^ot.

Du temps passait, cependant. T^ete-de-Lard se d'egrisait de plus en plus et m^eme commencait `a s’'etonner.

— Mais Juve ne revient pas, nom d’un chien !

Il pr^eta l’oreille. L’appartement 'etait silencieux, semblait abandonn'e.

— Si je tombe dans les mains d’un curieux, songeait T^ete-de-Lard, je pourrais bien aller faire connaissance avec le rasoir de Deibler.

Une sueur froide, `a cette pens'ee, lui perlait en grosses gouttes aux tempes.

— Je suis fichu, se disait T^ete-de-Lard.

Puis, soudain une esp'erance.

— Ah, si seulement je pouvais me trotter avant le retour de Juve…

T^ete-de-Lard se prit alors `a tendre violemment ses muscles, `a faire effort pour se d'eligoter. Et c’est `a l’improviste qu’il y r'eussit.

`A coup s^ur, Juve s’'etait trop h^at'e en lui liant les jambes et le noeud fait dans la serviette n’'etait pas solide. T^ete-de-Lard fut libre en quelques instants.

Il avait coup'e avec un couteau les tirettes qui lui liaient les mains, il 'etait alors debout dans la salle `a manger. T^ete-de-Lard respira profond'ement.

— Jusque-l`a, ca va bien, murmura-t-il, mais comment sortir d’ici sans me faire pincer ?

Il courait jusqu’`a la porte du cabinet de travail et y colla l’oreille.

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