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— Qui ?
13 – VOLEUSE `A LA TIRE
Boulevard Malesherbes, la foule des passant s’'etait arr^et'ee quelques instants, en face du magasin de nouveaut'es Paris-Galeries, pour regarder avec cette curiosit'e b'eate qui est la caract'eristique de la badauderie parisienne, une voiture automobile en panne sur le bord du trottoir.
Puis, comme l’accident paraissait devoir s’'eterniser et que le spectacle ne se modifiait pas, les passants, peu `a peu, s’en 'etaient all'es indiff'erents, peu soucieux de savoir ce qu’il allait advenir des malheureux immobilis'es ainsi sur la voie publique par les myst`eres de la carburation ou les d'efaillances de l’allumage.
Au bout de quelques instants, un homme surgit de dessous la voiture automobile. Il avait tremp'e la moiti'e de son corps dans le ruisseau, de telle sorte que ses v^etements lui moulaient le bras et la jambe d’un c^ot'e seulement. De l’autre, ses habits 'etaient macul'es de cambouis. Il avait de la graisse et du noir sur le visage, sur le col, dans les cheveux. D’une voix caverneuse, il appela d'esesp'er'e, cependant qu’il se dressait `a demi de dessous la voiture :
— Nalorgne, passez-moi la clef anglaise !
C’'etait P'erouzin, dont la voiture, une fois encore, se trouvait en panne et qui s’efforcait de la r'eparer. Il r'ep'eta d’une voix charg'ee d’angoisse :
— La clef anglaise ! Nalorgne, voulez-vous me la passer ? Elle doit ^etre dans le coffre arri`ere, ou sur le coussin de devant.
S’exprimant ainsi, P'erouzin jetait des regards d'esesp'er'es en direction de Paris-Galeries `a son ins'eparable ami qui demeurait plant'e sur le trottoir, `a quelques pas de lui, debout le long d’un arbre, et immobile comme s’il avait 'et'e frapp'e de paralysie soudaine.
— La clef anglaise, r'ep'eta P'erouzin, d’un ton larmoyant.
— Non, dit Nalorgne.
Puis, il reprit sa position immobile, semblant 'etudier fixement quelque chose. P'erouzin, d’abord interdit par, cette br`eve r'eplique, insista de nouveau :
— Qu’est-ce que cela signifie ? Pourquoi ne voulez-vous pas me passer la clef anglaise ? J’en ai pourtant besoin, c’est le tuyau du carburateur qui s’est desserr'e, ca fuit comme un panier, nous perdons toute notre essence. Je vous en prie, la clef anglaise !
Encore une fois, Nalorgne r'epondit :
— Non.
P'erouzin allait protester, puis il r'efl'echit qu’une altercation ne servirait `a rien, sinon `a le ridiculiser, lui et son coll`egue. L’ancien notaire 'etait de bonne composition et peu partisan des discussions.
— Si Nalorgne me refuse la clef anglaise, pensa-t-il, c’est qu’il doit avoir ses raisons pour cela. Peut-^etre a-t-il peur de se salir les mains ?
Et, brave homme, P'erouzin se tira, non sans peine, de dessous l’automobile. Il allait monter sur le marchepied de la voiture pour fouiller sous les coussins et en retirer l’outil qui lui 'etait n'ecessaire, lorsque Nalorgne lui fit un signe, cependant qu’il murmurait imperceptiblement :
— Laissez donc cela tranquille, venez et regardez…
P'erouzin obtemp'era : il suivit des yeux le doigt de Nalorgne qui lui d'esignait quelque chose, quelqu’un plut^ot, dans la foule amass'ee devant les 'etalages de Paris-Galeries.
— Voyez-vous, poursuivit myst'erieusement Nalorgne, cette toute petite personne brune, aux cheveux 'ebouriff'es, qui a l’air de s’int'eresser vivement `a l’'etalage des corsets sold'es `a quatre francs soixante-quinze ?
P'erouzin ouvrit des yeux arrondis de surprise :
— Je la vois, en effet. C’est bien la toute petite femme, celle qui a plut^ot l’air d’une gamine, d’une fillette ?
— C’est cela m^eme.
— Ce n’'etait pas la peine de me d'eranger. J’ai 'enorm'ement `a faire sous la voiture, si c’est tout ce que vous aviez `a me dire… Je suis 'etonn'e qu’un inspecteur de la S^uret'e comme vous, qui, en outre, est un ancien pr^etre, tombe ainsi en arr^et devant la premi`ere petite bonne femme venue et croit n'ecessaire de d'eranger ses coll`egues de leur travail.
— Vous serez toujours plus b^ete que nature, P'erouzin, fit-il, et je me demande comment j’ai pu autrefois m’associer avec vous pour monter un bureau d’affaires.
— Qui n’a pas r'eussi, d’ailleurs…
— Regardez-la ! Sacr'ee gamine, va ! Voyez-vous ce qu’elle va faire ?
— Je devine, elle va faire un coup, un mauvais coup. Sans doute chiper quelque chose `a l’'etalage ?
L’ex-notaire suivit curieusement des yeux la gamine qui, apr`es avoir examin'e sans grande attention les corsets, passait au rayon de fleurs et plumes, semblant s’int'eresser vivement aux d'eclarations enthousiastes que faisait le vendeur pr'epos'e `a l’'ecoulement de cet article. Mais, cependant qu’elle regardait ainsi, ses mains, qu’elle dissimulait sous une sorte de p`elerine, allaient et venaient autour d’elle, ses doigts 'ecart'es fr^olaient sans cesse les gens qui se trouvaient `a proximit'e. La gamine aux cheveux 'ebouriff'es semblait se pr'eoccuper particuli`erement de suivre de tr`es pr`es une dame fort 'el'egante qui s’int'eressait, elle, aux objets expos'es.