Шрифт:
— Madame, commenca-t-elle, excusez-moi de vous retenir, mais je voudrais encore vous parler, puis-je le faire ?
— Je vous 'ecoute.
Rose Coutureau poursuivit :
— Voil`a, madame, je connais un secret, mais je n’h'esite pas `a vous le confier, car, peut-^etre, votre influence parviendra-t-elle `a emp^echer un malheur.
— De quoi s’agit-il ?
— Eh bien voil`a, j’ai appris… Oh, je ne peux pas vous dire comment… Peu importe d’ailleurs. C’est par une indiscr'etion, c’est en lisant `a travers une feuille de papier buvard, qu’une femme qui habite votre maison et que, cependant, votre concierge ne conna^it pas… On disait comme cela, dans la menace, qu’elle serait tu'ee le sept de ce mois, c’est-`a-dire apr`es-demain.
La comtesse de Blangy p^alit.
— Le nom de cette femme ? demanda-t-elle, le connaissez-vous ?
— Oui, r'epliqua Rose Coutureau, j’ai lu sur l’adresse qu’il s’agissait de lady Beltham, 214, avenue Niel.
La comtesse de Blangy devint livide, malgr'e les efforts qu’elle faisait pour faire bonne contenance. Elle se laissa choir sur un canap'e. Ses dents claquaient. Elle prononcait des paroles inintelligibles, incompr'ehensibles tout au moins pour son interlocutrice.
Celle-ci, toute troubl'ee, elle aussi, retint pourtant que la comtesse de Blangy, en r'ep'etant le nom de « lady Beltham » y avait ajout'e celui de Fant^omas.
***
Quelques minutes plus tard, Rose Coutureau qui, par le m'etro rentrait chez elle, r'efl'echissait encore aux 'ev'enements qui venaient de se produire. Elle 'etait perplexe depuis que, dans un bon sentiment, elle avait r'ev'el'e `a la comtesse de Blangy la d'ecouverte faite au sujet de cette myst'erieuse lady Beltham et, en se rem'emorant l’attitude aussi troubl'ee qu’inqui`ete de son interlocutrice, elle pensait :
— Ai-je eu raison ou non de lui avouer ce que je savais ? Comment se fait-il qu’elle ait d’elle-m^eme, prononc'e le nom de Fant^omas ? N’ai-je pas commis une maladresse effroyable en parlant du sinistre projet ?
Un instant, Rose Coutureau en arriva `a se demander si cette grande dame qui paraissait si distingu'ee et si correcte n’'etait pas d'ej`a au courant, avant qu’elle ne lui en e^ut parl'e, du drame qui se pr'eparait.
Rose Coutureau osait presque se dire :
— La comtesse de Blangy n’a-t-elle pas quelque rapport avec Fant^omas ? Et si celui-ci m'edite de tuer lady Beltham, ne serait-elle pas sa complice ? On voit tant de choses bizarres dans la vie… Peut-^etre que cette comtesse qui a l’air si bonne est une criminelle ?
16 – AMOURS ET AMOURS
Rose Coutureau 'etait `a peine partie de l’appartement o`u venait de la recevoir la fausse comtesse de Blangy, que celle-ci, – ou plut^ot lady Beltham, puisque, en r'ealit'e, la comtesse de Blangy n’'etait autre que la myst'erieuse et s'eduisante ma^itresse de Fant^omas – se sentit prise d’une telle faiblesse, qu’elle dut s’appuyer `a un fauteuil et s’y raccrocher presque pour ne point choir sur le sol. Lady Beltham 'etait toujours belle, c’'etait toujours la superbe et hautaine cr'eature qui avait fait la passion de Fant^omas, qui avait aussi, dans tous les salons o`u elle 'etait pass'ee, suscit'e les admirations les plus 'emues, les plus sinc`eres.
Pourtant, la jolie cr'eature 'etait moins s'eduisante que par le pass'e. Peut-^etre cela provenait-il d’une certaine lassitude, plus morale que physique, qui cependant, se devinait sur ses traits et par moments voilait son regard, att'enuait le brillant de ses yeux. Lady Beltham, alors que Rose Coutureau s’'eloignait, parut une seconde presque vieille. Elle 'etait devenue livide, ses sourcils se froncaient, une angoisse secr`ete ridait son front, tirait ses traits, fanait son visage, au teint tout `a l’heure encore 'eclatant. Quel drame se jouait dans l’^ame de lady Beltham ? Il e^ut fallu s’approcher bien pr`es d’elle, 'ecouter bien attentivement pour surprendre les paroles que murmuraient ses l`evres :
— J’ai peur, disait lady Beltham, j’ai terriblement peur.
Et, en effet, la ma^itresse du bandit, celle qui avait 'et'e jadis une noble femme, et qui, petit `a petit, entra^in'ee par une folle passion, avait fini par accepter d’avoir comme amant le criminel sanglant dont le nom 'etait c'el`ebre : Fant^omas, cette femme-l`a devait avoir bien peur pour s’avouer `a elle-m^eme sa crainte, et ne point chercher `a se mentir.
Lady Beltham, plus de cent fois, avait donn'e la preuve d’une 'energie extraordinaire. Elle avait couru de terribles p'erils. Elle avait 'et'e expos'ee aux pires scandales. Toujours, elle avait su se ressaisir, narguer la destin'ee, accepter le sort, vivre sa vie. Mais ce jour-l`a, lady Beltham, au contraire, paraissait ne plus avoir le ressort n'ecessaire pour triompher de l’angoisse de la minute, elle s’abandonnait, elle tremblait.
— J’ai peur, murmurait-elle.
Et, joignant les mains avec effroi, haletante, elle se laissa crouler sur une berg`ere. Lady Beltham fermait les yeux, elle e^ut voulu ne pas voir, ne pas entendre. Mais les paroles menacantes de Rose Coutureau, malgr'e tout, malgr'e ses efforts, l’obs'edaient :
— Lady Beltham doit mourir. On annonce la mort de lady Beltham. Qu’est-ce que tout cela veut dire ?
Qui a pu 'ecrire cette lettre dont le secret a 'et'e surpris ? `A qui enfin annoncait-on ma mort ?