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Les grandes douleurs ne durent pas. D’ailleurs, les grands de l’'Etat s’assembl`erent, et vinrent en corps prier le roi de se remarier. Cette premi`ere proposition lui parut dure, et lui fit r'epandre de nouvelles larmes. Il all'egua le serment qu’il avait fait `a la reine, d'efiant tous ses conseillers de pouvoir trouver une princesse plus belle et mieux faite que feu sa femme, pensant que cela 'etait impossible. Mais le conseil traita de babiole une telle promesse, et dit qu’il, importait peu, de la beaut'e, pourvu qu’une reine f^ut vertueuse et point st'erile ; que l’'Etat demandait des princes pour son repos et sa tranquillit'e ; qu’`a la v'erit'e l’infante avait toutes les qualit'es requises pour faire une grande reine, mais qu’il fallait lui choisir un 'etranger pour 'epoux ; et qu’alors, ou cet 'etranger l’emm`enerait chez lui, ou que, s’il r'egnait avec elle, ses enfants ne seraient plus r'eput'es du m^eme sang ; et que, n’y ayant point de prince de son nom, les peuples voisins pourraient leur susciter des guerres qui entra^ineraient la ruine du royaume. Le roi, frapp'e de ces consid'erations, promit qu’il songerait `a les contenter.
Effectivement il chercha, parmi les princesses `a marier, qui serait celle qui pourrait lui convenir. Chaque jour on lui apportait des portraits charmants, mais aucun n’avait les gr^aces de la feue reine : ainsi il ne se d'eterminait point. Malheureusement, il s’avisa de trouver que l’infante, sa fille, 'etait non seulement belle et bien faite `a ravir, mais, qu’elle surpassait encore de beaucoup la reine sa m`ere en esprit et en agr'ements. Sa jeunesse, l’agr'eable fra^icheur de son beau teint enflamma le roi d’un feu si violent qu’il ne put le cacher `a l’infante, et il lui dit qu’il avait r'esolu de l’'epouser, puisqu’elle seule pouvait le d'egager de son serment.
4. Intitulez ce passage et faites le devoir !
La jeune princesse, remplie de vertu et de pudeur, pensa s’'evanouir `a cette horrible proposition. Elle se jeta aux pieds du roi son p`ere, et le conjura, avec toute la force qu’elle put trouver dans son esprit, de ne la pas contraindre `a commettre un tel crime.
Le roi, qui s’'etait mis en t^ete ce bizarre projet, avait consult'e un vieux druide pour mettre la conscience de la princesse en repos. Ce druide, moins religieux qu’ambitieux, sacrifia, `a l’honneur d’^etre confident d’un grand roi, l’int'er^et de l’innocence et de la vertu, et s’insinua avec tant d’adresse dans l’esprit du roi, lui adoucit tellement le crime qu’il allait commettre, qu’il lui persuada m^eme que c’'etait une oeuvre pie que d’'epouser sa fille. Ce prince, flatt'e par les discours de ce sc'el'erat, l’embrassa, et revint d’avec lui plus ent^et'e que jamais dans son projet : il fit donc ordonner `a l’infante de se pr'eparer `a lui ob'eir.
La jeune princesse, outr'ee d’une vive douleur, n’imagina rien autre chose que d’aller trouver la f'ee des Lilas, sa marraine. Pour cet effet elle partit la m^eme nuit dans un joli cabriolet attel'e d’un gros mouton qui savait tous les chemins. Elle y arriva heureusement. La f'ee, qui aimait l’infante, lui dit qu’elle savait tout ce qu’elle venait lui dire, mais qu’elle n’e^ut aucun souci, rien ne pouvant lui nuire si elle ex'ecutait fid`element ce qu’elle allait lui prescrire. « Car, ma ch`ere enfant, lui dit-elle, ce serait une grande faute que d’'epouser votre p`ere ; mais, sans le contredire, vous pouvez l’'eviter : dites lui que, pour remplir une fantaisie que vous avez, il faut qu’il vous donne une robe de la couleur du temps ; jamais, avec tout son amour et son pouvoir, il ne pourra y parvenir. »
5. Qu’en pensez-vous, la deuxi`eme proposition de la f'ee est bonne ? Pourquoi ? Faites le devoir !
La princesse remercia bien sa marraine ; et d`es le lendemain matin elle dit au roi son p`ere ce que la f'ee lui avait conseill'e, et protesta qu’on ne tirerait d’elle aucun aveu qu’elle n’e^ut une robe couleur du temps. Le roi, ravi de l’esp'erance qu’elle lui donnait, assembla les plus fameux ouvriers, et leur commanda cette robe, sous la condition que, s’ils ne pouvaient r'eussir, il les ferait tous pendre. Il n’eut pas le chagrin d’en venir `a cette extr'emit'e ; d`es le second jour ils apport`erent la robe si d'esir'ee. L’empyr'ee n’est pas d’un plus beau bleu lorsqu’il est ceint de nuages d’or, que cette belle robe lorsqu’elle fut 'etal'ee. L’infante en fut toute contrist'ee, et ne savait comment se tirer d’embarras. Le roi pressait la conclusion. Il fallut recourir encore `a la marraine, qui, 'etonn'ee de ce que son secret n’avait pas r'eussi, lui dit d’essayer d’en demander une de la couleur de la lune. Le roi, qui ne pouvait lui rien refuser, envoya chercher les plus habiles ouvriers, et leur commanda si express'ement une robe couleur de la lune, qu’entre ordonner et l’apporter il n’y eut pas vingt-quatre heures…
L’infante, plus charm'ee de cette superbe robe que des soins du roi son p`ere, s’affligea immod'er'ement lorsqu’elle fut avec ses femmes et sa nourrice. La f'ee des Lilas, qui savait tout, vint au secours de l’afflig'ee princesse, et lui dit : « Ou je me trompe fort, ou je crois que, si vous demandez une robe couleur du soleil, ou nous viendrons `a bout de d'ego^uter le roi votre p`ere, car jamais on ne pourra parvenir `a faire une pareille robe, ou nous gagnerons au moins du temps. »
< image l:href="#"/>6. Dites si la suite du conte est telle que vous l’avez imagin'ee. Faites le devoir !
L’infante en convint, demanda la robe, et l’amoureux roi donna, sans regret, tous les diamants et les rubis de sa couronne pour aider `a ce superbe ouvrage, avec ordre de ne rien 'epargner pour rendre cette robe 'egale au soleil. Aussi, d`es qu’elle parut, tous ceux qui la virent d'eploy'ee furent oblig'es de fermer les yeux, tant ils furent 'eblouis. C’est de ce temps que datent les lunettes vertes et les verres noirs. Que devint l’infante `a cette vue ? Jamais on n’avait rien vu de si beau et de si artistement ouvr'e. Elle 'etait confondue ; et sous pr'etexte d’avoir mal aux yeux, elle se retira dans sa chambre, o`u la f'ee l’attendait, plus honteuse qu’on ne peut dire. Ce fut bien pis : car, en voyant la robe du soleil, elle devint rouge de col`ere. « Oh ! pour le coup, ma fille, dit-elle `a l’infante, nous allons mettre l’indigne amour de votre p`ere `a une terrible 'epreuve. Je le crois bien ent^et'e de ce mariage qu’il croit si prochain, mais je pense qu’il sera un peu 'etourdi de la demande que je vous conseille de lui faire : c’est la peau de cet ^ane qu’il aime si passionn'ement, et qui fournit `a toutes ses d'epenses avec tant de profusion ; allez, et ne manquez pas de lui dire que vous d'esirez cette peau. »
L’infante, ravie de trouver encore un moyen d’'eluder un mariage qu’elle d'etestait, et qui pensait en m^eme temps que son p`ere ne pourrait jamais se r'esoudre `a sacrifier son ^ane, vint le trouver, et lui exposa son d'esir pour la peau de ce bel animal. Quoique le roi f^ut 'etonn'e de cette fantaisie, il ne balanca pas `a la satisfaire. Le pauvre ^ane fut sacrifi'e, et la peau galamment apport'ee `a l’infante, qui, ne voyant plus aucun moyen d’'eluder son malheur, s’allait d'esesp'erer, lorsque sa marraine accourut. « Que faites-vous, ma fille ? dit-elle, voyant la princesse d'echirant ses cheveux et meurtrissant ses belles joues ; voici le moment le plus heureux de votre vie. Enveloppez-vous de cette peau ; sortez de ce palais, et allez tant que terre pourra vous porter : lorsqu’on sacrifie tout `a la vertu, les dieux savent en r'ecompenser. Allez, j’aurai soin que votre toilette vous suive partout ; en quelque lieu que vous vous arr^etiez, votre cassette, o`u seront vos habits et vos bijoux, suivra vos pas sous terre ; et voici ma baguette que je vous donne : en frappant la terre, quand vous aurez besoin de cette cassette, elle para^itra `a vos yeux ; mais h^atez-vous de partir ; et ne tardez pas. »