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Я завел несколько знакомств среди дипломатического корпуса и даже среди местного общества, но все это так бессвязно, так бестолково.
Скажите, для того ли родился я в Овстуге, чтобы жить в Турине? Жизнь, жизнь человеческая, куда какая нелепость! Ох, простите — целую ваши ручки от всего сердца.
Ф. Тютчев
Тютчевым И. Н., Е. Л. и Эл. Ф., 13/25 декабря 1837*
С Новым годом
поздравляю!
Ce 13/25 d'ecembre 1837
Ces distances sont vraiment accablantes. Voici devant moi votre lettre du 16/28 novembre qui n’est qu’une r'eponse `a la premi`ere que je vous ai 'ecrite `a mon arriv'ee ici. Eh bien, cette lettre, je ne l’ai recue qu’avant-hier. Deux mois entiers pour que la parole parvienne d’un interlocuteur `a l’autre. Comme c’est fait pour animer la conversation. Cependant en d'epit de l’'enormit'e de la distance, je ne concois rien `a la lenteur de vos lettres, votre derni`ere est rest'ee 25 jours en chemin, tandis que la gazette de P'etersb<ourg> nous arrive ici deux fois par semaine, le 17`eme jour. Quant `a la correspondance de ma femme, c’est encore pis. Je vois par sa lettre de 16/28 nov<em>bre incluse dans la v^otre, qu’`a cette 'epoque elle n’avait pas encore recu un seul des cinq ou six — non pas lettres — mais volumes que je lui ai 'ecrites d’ici et que <je> lui ai adress'ees par la voie de l’Ambassade de France, ainsi qu’elle-m^eme me l’avait recommand'e. Je ne puis supposer que ces lettres ne lui soient pas parvenues. Il me tarde beaucoup toutefois d’^etre compl`etement rassur'e `a ce sujet. En attendant, veuillez-lui communiquer celle-ci. Je lui 'ecrirai sous peu de jours et si, comme il est probable, la lettre devient volumineuse, je l’adresserai de nouveau `a Sercey*.
En vous donnant de mes nouvelles, je voudrais bien pouvoir vous dire que je commence `a me plaire `a Turin, mais ce serait l`a faire un tr`es grand mensonge. Non, en v'erit'e je ne m’y plais gu`eres et il n’y a que l’absolue n'ecessit'e qui puisse me faire accepter une existence pareille. Elle est vide de toute esp`ece d’int'er^et et me fait l’effet d’un mauvais spectacle et qui est d’autant plus insipide, quand il ennuie, que le seul m'erite qu’il pourrait avoir, c’est serait d’amuser. Il en est de m^eme de l’existence `a Turin. Elle est nulle sous le rapport des affaires et plus nulle encore sous le rapport de l’agr'ement. Revenu dans les premiers jours de ce mois de G^enes* qui m’a infiniment plu, j’ai fait quelques tentations pour 'elargir un peu le cercle de mes connaissances d’ici. Parmi celles que j’ai faites en dernier lieu il y a assur'ement quelques femmes aimables et dont la soci'et'e dans tout autre pays serait d’une grande ressource. Mais ici tout cela 'echoue contre un ensemble d’habitudes inhospitali`eres et insociables. Ainsi, p<ar> ex<emple>, d`es aujourd’hui toute r'eunion cesse, l’ombre m^eme de soci'et'e va dispara^itre. Et savez-vous pourquoi? C’est qu’aujourd’hui le th'e^atre se rouvre. Or, ici le th'e^atre c’est tout. Sans exag'eration aucune, la soci'et'e toute enti`ere va pour les deux mois du carnaval s’y 'etablir `a demeure. Ce n’est plus que l`a qu’on peut la rencontrer. Il ne reste en ville que les infirmes et les mourants. Hier soir on a pris formellement coup les uns des autres, et tous les salons se sont ferm'es jusqu’`a la fin du carnaval. On pourrait supposer d’apr`es cela que le spectacle, au moins, un grand amusement. Il n’en est rien pourtant. Car nous n’aurons pour nous amuser pendant deux mois entiers que deux pi`eces toujours les m^emes qu’apr`es la 4–5`eme repr'esentation personne, comme de raison, ne se donne la peine d’'ecouter. Le plaisir consiste de courir de loge en loge, en restant cinq minutes dans chacune. Il y a, comme je vous l’ai dit, quelques femmes fort aimables et je crois que ceux qui ont l’honneur d’^etre leurs amants se trouvent tr`es bien de leur soci'et'e. Mais il faut n'ecessairement ou l’^etre, ou l’avoir 'et'e, ou pr'etendre `a l’^etre pour ^etre admis chez elles. C’est si vrai, que l’homme que vous avez le moins de chances de rencontrer dans une maison, c’est le ma^itre de la maison. En g'en'eral on ne se fait nulle id'ee au-del`a des Alpes du rel^achement de moeurs qu’on trouve dans ce pays-ci. Mais le d'esordre dans ce genre y est si g'en'eral, si uniforme qu’il a pris toutes les apparences de l’ordre, et il faut du temps pour s’en apercevoir. Tout cela, il est vrai, m’'etait d'ej`a connu. Mais on a beau savoir une chose, il faut s’^etre mis en sa pr'esence pour savoir au juste l’effet qu’elle produira sur vous. C’est dans ce pays qu’il faudrait envoyer toutes les gens `a imagination romanesque. Rien ne serait plus propre `a les gu'erir que la vue de ce qui se passe ici. Car ce qui partout ailleurs est mati`ere `a roman, l’effet de quelque passion qui bouleverse l’existence et finit par l’ab^imer est ici le r'esultat darrangement `a l’amiable et ne d'erange pas plus l’ordre habituel de la vie, que ne le fait de d'ejeuner ou de d^iner… Je n’ai pas entendu parler ici d’une femme perdue. Mais je n’en ai pas rencontr'e une seule, dont on ne m’ait pas officiellement d'esign'e l’amant ou les amants. Et cela sans nulle intention de m'edisance, pas plus que si on m’avait dit, en me montrant une voiture passer dans la rue: c’est la voiture de Mad. une telle… Tout ce que je vous dis l`a, une fois 'ecrit, para^it un lieu commun. Mais vu en r'ealit'e et de pr`es, cela ne laisse pas que d’^etre assez piquant. Il en est de m^eme d’une autre circonstance propre au pays. C’est `a c^ot'e de cette facilit'e de moeurs, l’extr^eme d'evotion qu’il y a ici, dans les femmes surtout. Aussi pendant le temps de l’avent, qui vient de finir, les 'eglises 'etaient combles. La ville enti`ere avait l’air d’un couvent. Pas de spectacle, de bal, ni de concert. Pour toute r'ecr'eation le sermon le matin. Aussi les femmes, je parle de celles de la plus haute soci'et'e, y 'etaient-elles en foule. Et quel sermon! Quelle rigueur, quelle aust'erit'e, quelle intol'erance! Le soir, il est vrai, personne n’y songeait plus.
Mes rapports avec la famille Obrescoff sont toujours de la nature la plus satisfaisante. Je d^ine tous les jours chez eux comme par le pass'e et j’y passe ordinairement ma soir'ee. Ce n’est pas que je m’y amuse excessivement. Cette intimit'e forc'ee a m^eme quelque chose qui me g^ene parfois. Mais ce n’est pas `a changer. Il leur venait un peu plus de monde dans ces derniers temps. Mais maintenant que le th'e^atre s’est rouvert tout cela va cesser. Sa femme est d'ej`a tr`es avanc'ee dans sa grossesse. C’est `a la fin de janvier qu’elle doit accoucher. Elle est tr`es bien jolie, ayant beaucoup de tact, de la tenue. Mais elle d'ep'erit d’ennui ici. En effet, il n’est pas agr'eable, apr`es cinq ans du s'ejour dans un pays, de s’y trouver aussi 'etrangers qu’ils le sont ici. Et il faut le dire, la faute n’en est pas toute enti`ere `a la soci'et'e de Turin. Obrescoff, je dois le reconna^itre, est loin d’avoir dans ses rapports avec les indig`enes la m^eme obligeance que celle, p<ar> ex<emple>, dont il fait preuve envers moi. Il ne leur dissimule pas assez le peu de sympathie qu’ils lui inspirent et son d'esir extr^eme de les quitter.
La mission vient de s’accro^itre d’un jeune attach'e, un Mr Tom-Have, hanovrien, autrefois secr'etaire du Prince d’Oldenbourg* et que celui-ci, pour s’en d'ebarrasser, je crois, vient de lancer d’un coup de pied dans la carri`ere diplomatique. C’est un bon diable, grand, raide, candide, un peu poitrinaire et se sentant malheureux, comme doit l’^etre un homme qui tombe des nues `a Turin. Faute de mieux il s’est tendrement attach'e `a moi et a 'elu domicile dans la maison o`u je me suis log'e. Car, `a mon retour de G^enes, j’ai quitt'e l’auberge pour me mettre en garni. J’occupe un appartement, compos'e de deux pi`eces, avec une toute petite chambre pour le domestiqie que je paie 100 fr<ancs> par mois — meubl'e bien entendu. C’est tout ce que j’ai pu trouver de moins cher.
Simonetti* est ici depuis quelques jours. Il me para^it ici moins endormi, moins solennel qu’`a P'etersb<ourg>, mais non, certes, moins r'eserv'e. On dit ici qu’il ne retourne plus `a son poste. Mais c’est un bruit dont on ne manque jamais de saluer ici tout diplomate du pays qui revient en cong'e `a Turin. C’est une coutume locale. Il me charge de mille tendresses pour Nelly.
J’ai recu derni`erement une lettre de Potemkine en r'eponse `a celle que je lui avais 'ecrite de G^enes*. Il ne ferait qu’arr^eter `a Rome, et s’y trouvait encore tout d'epays'e. Sa lettre, comme d’ordinaire, est pleine d’amiti'e. Il en a 'ecrit en m^eme temps et de son propre mouvement, une autre `a Obrescoff pour me recommander instamment `a lui, le brave, cher homme. C’est un crime au Vice-Chancelier de d'esunir deux coeurs, si bien faits l’un pour l’autre.
Je suppose, d’apr`es ce que vous me dites de la prolongation de cong'e accord'e `a Nicolas, que cette lettre ne le trouvera plus `a P'etersb<ourg>. Qu’en avez-vous fait, qu’en avez-vous obtenu? Se pr^ete-t-il au mariage? Mille amiti'es `a Doroth'ee et `a son mari. Lprosp`ere-t-il?
Maintenant j’en viens `a ma femme. Patience, mon ami. Je t’'ecrirai dans quelques jours. Mais ce que je puis te certifier d`es `a pr'esent, c’est que le retard de tes lettres me fait passer de rudes moments. L’avant-derni`ere 'etait du 13 novembre, et ce n’est que le 23 d'ecembre que j’ai recue la derni`ere qui est du 16/28 n<ovem>bre. Toutes celles que tu m’'ecrivais par Sercey prennent le chemin de Paris et n’arrivent ici qu’au bout de 22 jours. Ce sont-l`a les enjolivements de l’absence. Dans ma prochaine lettre je te parlerai `a fond de ma position tant au-dehors qu’`a l’int'erieur. Qu’il te suffise de savoir qu’il n’y a pas de moment dans la journ'ee o`u tu ne me manques. Je ne souhaite `a personne d’apprendre `a <1 нрзб> et par sa propre exp'erience tout ce que cette phrase renferme. Je t’ai parl'e de mon projet*. Je saurai dans quelques jours par la r'eponse de Rome et de Naples, s’il peut ^etre mis `a ex'ecution. Au cas que non, j’ai une autre proposition `a te faire. Soigne bien ta sant'e. Vas-tu dans le monde? Chez la Comtesse Nesselrode, p<ar> ex<emple>. Fais-le, je t’en prie. C’est essentiel pour moi. Les affaires d’argent sont-elles r'egl'ees de la mani`ere que je l’avais d'esir'e? Comment se portent les enfants? Que font les Kr"udener? Dans ma prochaine lettre pour toi il y en aura une incluse pour Am'elie. J’ai eu des nouvelles de Maltitz. Il se sent tr`es malheureux de sa position. Clotilde est, je crois, all'ee avec sa tante `a Farnbach. Dans la lettre que je lui ai 'ecrite en r'eponse `a la sienne* je lui parle beaucoup de ta soeur et suis curieux de voir quel en sera le r'esultat.
Adieu, mon amie, `a bient^ot. Ah, l’absence, l’absence!
И вы, любезнейшие папинька и маминька, простите.
Целую ваши ручки.
Ф. Тютчев
С Новым годом
поздравляю!
13/25 декабря 1837
Эти расстояния поистине удручающи. Вот предо мной ваше письмо от 16/28 ноября, которое является лишь ответом на мое первое письмо, написанное вам по приезде моем сюда. Ну, так это письмо я получил только третьего дня. Ровно два месяца, чтобы слова одного собеседника дошли до другого! Нечего сказать, хороший способ оживлять беседу. Однако, несмотря на безмерность расстояний, я не постигаю, чему приписать медлительность ваших писем: ваше последнее письмо пробыло в пути 25 дней, тогда как петербургская газета получается здесь два раза в неделю на 17-й день. Что касается моей переписки с женой, то тут дело обстоит еще хуже. Из ее письма от 16/28 ноября, вложенного в ваше, я вижу, что в то время она не получала еще ни одного из пяти или шести — не писем, а томов, которые я писал ей отсюда и отправлял через французское посольство, как она сама мне советовала! Не могу предположить, чтоб эти письма до нее не дошли. Мне не терпится, однако, вполне успокоиться на этот счет. Пока же благоволите сообщить ей это. Я напишу ей на днях и, если письмо будет объемистым, что очень вероятно, я опять адресую его г-ну Серсэ*.