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Les hommes tournent ces questions ardues comme les vieilles femmes et les enfants tournent les cimeti`eres et les maudits endroits o`u se produisent des crimes de sang. Les uns ont peur des esprits noirs et impurs, les autres – de la clart'e et de la pure v'erit'e.
L'unit'e manque totalement dans notre mani`ere d'envisager les rapports des deux sexes – c'est le m^eme d'esordre, le mеmе dualisme que nous importons de nos th'eories vagues dans toutes les sph`eres pratiques de la vie. L''eternelle tentation de concorder, d'amalgamer la moralit'e chr'etienne, – qui a pour point de d'epart le m'epris du corps, du terrestre, du temporel, qui a pour but de vaincre, de fouiller aux pieds la chair, pour parvenir `a l’autre monde – avec notre moralit'e terrestre, r'ealiste, moralit'e exclusivement de ce monde. D'ennui et de d'epit – que cela ne va pas, et pour ne pas trop se tourmenter – on garde ordinairement – au choix et au go^ut – ce qui nous plait de la doctrine religieuse et on laisse de c^ot'e – ce qui g^ene trop ou n'a pas l'avantage de nous plaire. Les hommes qui ne mangent pas maigre les journ'ees de Car^eme – f^etent avec ferveur les f^etes de P^aques, de No"el. Est-ce que le temps n'est pas arriv'e – d'avoir un peu plus de courage, de cons'equence, de franchise et d'harmonie dans notre conduite?
Que celui qui respecte la loi – reste sous la loi – sans l''etreindre par caprice. Mais aussi que celui qui ne la reconna^it pas – qu'il le dise le front haut, qu'il ne soit pas un fuyard – qui craint la pers'ecution, mais homme libre – le verbe haut.
Apporter cette mani`ere de voir dans la vie priv'ee est extr^emement difficile – et presque insurmontable pour la femme. Les femmes sont beaucoup plus profond'ement tromp'ees par l''education que nous ne le sommes – et connaissent beaucoup moins la vie – et voil`a la raison qu'elles s''emancipent plus rarement qu'elles ne font des faux pas, qu'elles sont en 'etat de mutinerie – et d'esclavage perp'etuel, aspirent passionn'ement `a sortir de la position actuelle – et se cramponnent `a elle avec un conservatisme acharn'e.
Depuis l'enfance la petite fille est effray'ee – d’un myst`ere terrible et impur, d'un monstre qui la gu^ete et contre lequel on la prot`ege, on l'arme, on la pr'evient, on la pr^eche… comme si le monstre 'etait dou'e d'une puissance d'attraction et avait besoin d'exorcisme. Peu `a peu – l''eclairage change – le magnum ignotum – qui fl'etrit tout ce qu'il touche, dont le seul nom est une tache, l'allusion auquel est un acte impudique – fait rougir… il devient le seul but de l'existence de la fille… un soleil levant, vers lequel tout montre du doigt – le p`ere, la m`ere, la famille, la bonne.
Au petit garcon qui commence `a courir on s'empresse de donner une bandouli`ere et un sabre de bois… Va, cher petit, et joue avec l’assassinat fictif, porte des plaies `a tes joujoux… en attendant que tu en porteras `a ton semblable – d`es six ans il ne r^eve aussi qu'^etre soldat, tueur d'hommes en costume de mascarade. Mais la petite fille est berc'ee par des r^eves tout oppos'es `a l'assassinat.
Dors, dors, mon enfant, Jusqu'`a l'^age de quinze ans, A quinze ans faut te r'eveiller, A quinze ans faut te marier.Et m^eme avant quinze ans elle marie d'ej`a sa poup'ee et lui ach`ete un petit trousseau. La poup'ee aura aussi un enfant en porcelaine avec un petit brin…
Il faut s''etonner de la nature humaine qui ne c`ede pas enti`erement, qui r'esiste et ne se d'eprave pas par 'education. On pourrait s'attendre comme cons'equence de ces provocations, de ces excitations que toutes les petites filles, `a quinze ans – iront se marier `a des petits assassins pour remplacer les hommes qu'ils ont tu'es.
D'un c^ot'e, la doctrine chr'etienne dans sa ferveur de faire une horreur de la chair… r'eveille dans l'enfant une question dangereuse, pr'ecoce, jette dans son ^ame <un> trouble… et quand le temps de la r'eponse arrive – une autre doctrine met d'une mani`ere grossi`ere le mariage comme l'id'eal glorieux, le but de l''education d'une jeune personne.
L''ecoli`eredevient fille `a marier, promessa sposa, Braut – et le myst`ere trois fois maudit, le grand p'ech'e 'epur'e devient non seulement le desideratum de la famille, le couronnement de l''education… le but de toutes les aspirations – mais presque un devoir civique. Les arts et les sciences, la culture et l'intelligence, la beaut'e, la richesse, la gr^ace – tout cela ne sont que des roses, des fleurs pour faciliter le chemin de la chute officielle, de la perp'etration d'un crime – d'un crime immonde – penser auquel 'etait un p'ech'e – mais qui chemin faisant a 'et'e m'etamorphos'e en vertu et devoir… Comme la viande qu'on servit `a un pape en voyage un jour maigre se transforma – par sa b'en'ediction – en plat maigre.
En un mot, positivement et n'egativement toute l''education de la femme – n'est que l''education, le d'eveloppement des rapports sexuels, et c'est autour de ce pivot que tourne toute son existence ult'erieure… Elle fuit ces rapports. Elle les poursuit, elle en est fl'etrie – elle s'en glorifie… Aujourd'hui elle garde avec terreur la saintet'e n'egative de son innocence, elle b'egaie rougis-sante, `a voix basse – `a sa plus proche amie – de son amour – et demain aux sons des fanfares, `a la clart'e de centaines de boi gies, – dans la pr'esence d'une foule d'invit'es – elle se livre `a un homme.
Fille `a marier… 'epouse, m`ere – la femme ne commence `a s''emanciper et `a ^etre soi-m^eme que devenant grand'mere (et cela si le grand'p`ere est d'ej`a enterr'e)… Quelle existence… Touch'ee par l'amour, la femme ne lui 'echappe pas de sit^ot… la grossesse l'alaitement, les premiers soins et la premi`ere 'education – ne sont que les cons'equences du grand myst`ere qu'elle craignait tant l'amour continue dans la femme par la maternit'e, non seulement dans sa m'emoire, mais dans son sein, dans son sang, elle fermente en elle, l'envahit, la domine – et m^eme en s'en s'eparant – ne se d'etache pas d'elle.