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R. Owen voit dans le fait m^eme qu’on s’en ait apercu – le dernier succ`es, l’ach`evement de l’histoire, la grande acquisition gagn'ee par le chemin douloureux des si`ecles, il salue la tendance d’en sortir comme l’aurore d’un nouveau jour – qui n'a jamais 'et'e – et n’'etait jamais possible – car l’intelligence n’'etait jamais `a la hauteur de cette question.
La constitution de 1793 ne l’entendait pas ainsi – ni Babeuf non plus. Elle d'ecr'etait la r'eint'egration – des droits naturels oubli'eset perdus,elle rentrait dans une possession l'egitime – l’Etat actuel n’'etant qu’un fruit ill'egitime de l’usurpation, venue `a la suite d’une conspiration tram'ee par les tyrans et les riches. Le temps est venu de ch^atier les ennemis du peuple, et restituer les biens d'etenus par eux au seul souverain l'egitime qui manque de tout et qu’on appelle `a cause de cela – sans culotte. Il faut le r'eint'egrer dans ses droits perdus.
– Mais quand est-ce qu’il les poss'edait et pourquoi est-ce qu’on lui donne le nom de souverain – et quel droit a-t-il sur les biens des tra^itres `a la patrie?
– Vous doutez, vous n’avez pas de civisme, vous ^etes suspects – prenez garde `a vous – on peut appeler le premier souverain de la rue… Il vous m`enera chez le citoyen juge et le citoyen bourreau – et vous ne douterez plus de rien.
…La pratique de l’op'erateur Babeuf ne pouvait g^ater la pratique de l’accoucheur R. Owen.
Babeuf voulait d'etruire par la force ce qui 'etait impos'e par la violence, an'eantir une oeuvre inique. Pour faire sauter le vieil 'edifice, il fit une conspiration, et si elle 'etait parvenue `a avoir le dessus, le «comit'e insurrecteur» aurait impos'e `a la France sa r'epublique 'egalitaire – comme les Turcs ont impos'e `a Byzance leur monarchie islamique. L’esclavage – que nous avons vu dans les d'ecrets – aurait fait na^itre une opposition acharn'ee, – qui aurait fini par une nouvelle insurrection et la R'epublique 'egalitaire succomberait en l'eguant `a l’humanit'e une grande id'ee et une forme absurde – une id'ee – qui n’est que sous les cendres et quoique `a peine visible – trouble la qui'etude des satisfaits.
R. Owen ne voulait que soulager et acc'el'erer le d'eveloppement – par lequel la soci'et'e passait d’un 'etat `a un autre; il commenca ses 'etudes avec une grande cons'equence – par une cellule, par un cas particulier, comme un naturaliste. New Lanark 'etait son laboratoire, son microscope… il agrandissait ses vues avec la connaissance de la cellule et parvint `a la conclusion – que saufquelques palliatifs le seul moyen 'etait l''education.
Une conspiration 'etait inutile pour Owen, une insurrection – pernicieuse. Il pouvait tol'erer tout gouvernement – non seulement le meilleur gouvernement du monde – le gouvernement anglais – il voyait dans les formes us'ees du pouvoir un r'esultat historique, une d'ecr'epitude, une agonie lourde, longue mais non un crime pr'em'edit'e, `a ses yeux l’autorit'e 'etait entre les mains des hommes arri'er'es – mais non d’une bande de brigands et de malfaiteurs. Il ne voulait ni terminer d’une mani`ere violente le vieil ordre des choses gouvernemental – mais il ne voulait non plus le corriger ou l’am'eliorer. Si les saints boutiquiers ne lui auraient mis des b^atons dans les roues – nous aurions maintenant un r'eseau de N. Lanark et de N. Harmony en Angleterre et aux Etats-Unis. La s`eve saine de la population – s’y serait de plus en plus port'ee – en sevrant les hauts parages – il pouvait laisser les agonisants `a leur mort naturelle – connaissant tr`es bien que chaque enfant qu’on apportait dans les 'ecoles `a la N. Lanark – 'etait autant de pris sur l’'eglise et le pouvoir [730] .
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Il y a maintenant en Angleterre quelques 'ecoles et quelques associations d’ouvriers (par ex. `a Rochdale) qui s’accroissent de plus en plus.
Plus loin.
Babeuf et R. Owen se rencontrent encore une fois dans leur insucc`es, quoique leur sort tragique porte le cachet du m^eme contraste que nous avons signal'e.
Babeuf 'etait guillotin'e. Le monstre omnivore, allait'e dans les tombes, o`u l’on avait jet'e p^ele-m^ele les cadavres des C'esars pa"iens et des rois tr`es catholiques, des pr^etres et des chevaliers, – grandissait. L’individu – p^alit devant lui, s’effaca et disparut. Jamais sur le sol de l’Europe depuis les trente tyrans d’Ath`enes – jusqu’`a la guerre de trente ans, et de l`a jusqu’`a la r'evolution – l’homme n’a 'et'e si enti`erement enlac'e dans les filets de la police gouvernementale – si enti`erement livr'e `a l’administration qu’il ne l’а 'et'e par la centralisation.
R. Owen fut peu `a peu pris par les eaux troubles et mar'ecageuses – il se remuait autant <…> [731]
Qui donc gagnait lorsque les deux perdaient?
Vers le temps dans lequel les t^etes de Babeuf et Dorth`es tombaient dans le sac des bourreaux, et R. Owen demeurait avec un autre g'enie m'econnu – plus pauvre encore que lui-m^eme – Fulton, auquel il donnait son dernier argent – pour faire des mod`eles de machines par lesquelles le petit gnome pensait enrichir l’humanit'e, – vers ce temps un jeune officier montrait `a des dames de sa connaissance sa batterie – pour ^etre tout `a fait aimable, il fit lancer quelques boulets (tout cela est racont'e par l’officier lui-m^eme); l’ennemi riposta, quelques hommes tomb`erent, d’autres bless'es – les dames 'etaient tr`es contentes de la secousse nerveuse. L’officier avait un peu de remords – que les gens soient morts inutilement – mais bien peu.
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В рукописи недостает одного листа. – Ред.
Cela promettait… Et en effet le jeune homme `a lui seul versa plus de sang humain que toutes les r'evolutions ensemble, consomma par les conscriptions plus d’hommes qu’il ne fallait d''ecoliers pour Owen – pour r'eg'en'erer le monde entier.
Iln’avait pas de syst`eme, il ne voulait pas de bien aux hommes et ne le feignait pas. Il ne voulait du bien que pour lui seul et par le mot de bien il ne comprenait que le pouvoir. Comparez `a lui les deux nains – Babeuf et Owen… Son nom a suffi trente ans apr`es sa mort – avait encore assez de prestige pour faire 'elire empereur un sien neveu.
Quel secret avait-il donc?
Babeuf voulait imposer le bien-^etre et d'ecr'eter une r'epublique 'egalitaire.
R. Owen voulait 'eduquer l’homme – pour le rendre capable de s’organiser d’une mani`ere intelligente.
Napol'eon ne voulait ni l’un ni l’autre.
Il comprit tr`es bien que s'erieusement les Francais ne d'esiraient ni le potage lac'ed'emonien, ni les moeurs du temps des Brutus l’ancien, qu’ils sont loin `a se contenter, pour tout plaisir – «de se r'eunir les jours de f^ete discuter les lois et enseigner les vertus aux enfants». – De l’autre c^ot'e il observa tr`es bien qu’ils sont d’une humeur tr`es belliqueuse. Au lieu de les emp^echer `a se ferrailler, ou leur pr^echer les douceurs de la paix 'eternelle – Napol'eon profita de cette manie – pour les lancer sur les autres peuples, allant `a la chasse lui-m^eme le premier. Il ne faut pas l’inculper de cela. Les Francais seraient les m^emes sans lui – ils aiment avec passion le triomphe dans le sang, la victoire les grise. Cette sympathie entre Napol'eon et la France explique l’amour par lequel elle l’entoura. Il n’'etait pas un reproche, un acte d’accusation – contre la masse – mais sa gloire splendide, il ne l’offensait point par sa puret'e, ni par ses vertus, il ne pr'esentait point en lui un id'eal transfigur'e devant ses yeux humili'es, il n’apparaissait pas comme un proph`ete fulminant, il n’enseignait rien, – il appartenait lui-m^eme `a la foule – et il lui montra elle-m^eme, avec ses faiblesses et vices, avec ses passions et tendances – potenti'es en un g'enie, couvert de gloire et de puissance. Voil`a la cause de l’amour – touchant, tragique, ridicule que lui portait la masse, le peuple, m^eme la bourgeoisie…