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Il y avait, ce jour-l`a, une dizaine de bi`eres rang'ees les unes `a c^ot'e des autres, ce qui donnait au local un aspect plus sinistre encore. Le p`ere Teulard et Barnab'e n’'etaient pas gens `a s’effrayer d’un pareil spectacle. Toutefois, `a peine avaient-ils p'en'etr'e dans le local que l’un et l’autre poussaient un juron, s’arr^etaient, fig'es de surprise :
— Nom de Dieu ! s’'ecria le p`ere Teulard, cependant que Barnab'e lui faisait 'echo.
— Sacr'e bon sang !
Puis tous deux regardaient devant eux un spectacle inattendu, 'etrange. Un cercueil, pr'ecis'ement le n° 7, avait 'evidemment bascul'e sur ses tr'eteaux et voici qu’il se dressait comme une gu'erite, `a c^ot'e des autres bi`eres allong'ees comme `a l’ordinaire.
— Qu’est-ce que ca veut dire ?
— Je n’y comprends rien, fit Barnab'e, probablement c’est une blague.
Le p`ere Teulard haussa les 'epaules :
— Oui, fit-il, encore une farce des croque-morts, ce sacr'e D'egueulasse n’en fait jamais d’autres.
— `A moins, observa Barnab'e que ce soit Fumier. Il en est bien capable.
— Tout de m^eme, reprit le p`ere Teulard, c’est pas une position pour un mort que de le coller debout.
— Ca tient moins de place.
Puis, machinalement, les deux hommes se rapproch`erent de la bi`ere n° 7 et la firent basculer `a nouveau sur ses tr'eteaux, s’'evertuant `a lui faire reprendre sa position normale.
Mais `a peine avaient-ils termin'e, `a peine s’'eloignaient-ils pour aller chercher le brancard sur lequel ils allaient transporter, dans quelques instants, ce cercueil, qu’un bruit sourd leur fit tourner la t^ete.
— Ah, bon Dieu, s’'ecri`erent-ils ensemble, c’est plus fort que de jouer au bouchon.
Les deux fossoyeurs, en effet, pouvaient ^etre surpris. La bi`ere, perdant l’'equilibre, avait encore une fois bascul'e, elle se dressait encore debout, mais sens dessus dessous, cette fois.
— Nom de Dieu, jura Barnab'e, voil`a le mort qui se met la t^ete en bas maintenant.
— Ce qu’il est r'ecalcitrant grogna le p`ere Teulard, c’est rien de le dire.
Non sans une certaine inqui'etude, les deux camarades se rapproch`erent, surveill`erent la bi`ere. Ils constat`erent que dans sa chute, celle-ci s’'etait l'eg`erement ab^im'ee, le couvercle s’'ecartait de la bo^ite et il sembla `a Barnab'e, qui s’'etait pench'e par terre, que quelque chose filtrait par l’interstice.
— P`ere Teulard, cria-t-il, viens donc voir…
— Qu’est-ce que c’est ? fit le fossoyeur en chef. Barnab'e avait ramass'e quelque chose !
— Du sable, prof'era-t-il, il sort du sable de la bo^ite `a dominos.
— Faut pourtant savoir, sugg'era Barnab'e.
— Oui, fit le p`ere Teulard, car sans doute il se passe quelque chose d’extraordinaire : qu’est-ce que va dire le commissaire des morts lorsqu’il va s’amener ? Probable qu’on va nous mettre encore cette histoire-l`a sur le dos ; faut pas qu’il s’en apercoive.
Le p`ere Teulard proposa :
— On va resserrer le couvercle qui s’est un peu d'efait, probable que c’est l’humidit'e qui l’a fait un peu gondoler.
Barnab'e, se dandinant toujours, se releva, chercha autour de lui, des yeux, un instrument pour faire le travail conseill'e par le chef. Il ne trouva rien, mais, en fouillant ses poches, Barnab'e finit par y d'ecouvrir un solide tournevis.
— Voil`a l’affaire, d'eclara-t-il.
Puis, sans s’occuper du p`ere Teulard, il s’agenouilla aupr`es de la bi`ere.
— Qu’est-ce que tu fais ? interrogea au bout d’un moment le vieil ivrogne qui peu `a peu reprenait son 'etat normal et se d'econgestionnait.
Barnab'e se livrait `a une besogne inattendue. Au lieu de resserrer les vis qui fermaient le cercueil, ils les d'efaisait :
— J’ouvre la bo^ite, d'eclara-t-il, faut tout de m^eme voir ce qui s’est pass'e l`a-dedans.
— Mais, remarqua le p`ere Teulard, timidement, tu sais bien que c’est d'efendu.
Barnab'e, haussant les 'epaules, continuait ; il eut soudain un cri de surprise et se redressa brusquement, cependant qu’il rejetait de c^ot'e le couvercle, d'esormais enti`erement d'etach'e du cercueil.
— La bo^ite est vide, s’'ecria-t-il, on a mis du sable `a la place du macchab'ee.
Et c’'etait exact. Les deux hommes consid'eraient stup'efi'es le spectacle qui s’offrait `a leurs yeux. Es n’y comprenaient rien. `A l’int'erieur de la bi`ere, toute capitonn'ee de satin blanc, se trouvait, en effet, du sable fin qui s’'etait 'echapp'e de deux sacs de toile. L’un d’eux s’'etait crev'e et c’'etait pour cela que le sable avait filtr'e par les interstices du couvercle mal assujetti. Quelqu’un avait subtilis'e un cadavre et, pour donner le change aux fossoyeurs, on avait remplac'e le corps par une charge de sable.