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— Je sais, mon colonel, que j’avais donn'e rendez-vous hier `a cet agent, au Jardin, comme d’habitude, que je l’y ai attendu… qu’il n’est pas venu…
Le colonel Hofferman reprenait le bras du lieutenant, et revenait vers les salons :
— On nous observe peut-^etre, fit-il. Je vous le r'ep`ete : dans ces maudites f^etes, on ne sait jamais au juste qui vous voit et qui ne vous voit pas. Dites-moi, lieutenant, c’est infiniment grave ce que vous m’apprenez l`a… Si Vagualame 'etait v'eritablement en fuite, c’est que Vagualame serait l’assassin de Nichoune, et dans ce cas, rien n’emp^echerait de le soupconner d’une infinit'e de choses que je n’ai pas besoin de vous pr'eciser…
Le colonel Hofferman, en achevant ces mots, d'esignait `a l’officier qui l’accompagnait un personnage qui se tenait `a l’entr'ee de la grande salle :
— Passons de l’autre c^ot'e, dit-il, voil`a M. Havard, je ne tiens pas du tout `a me rencontrer avec lui… Lieutenant, toute affaire cessante, retrouvez-moi Vagualame dans les trois jours, sinon donnez un mandat au service des recherches… Je vous verrai demain `a dix heures, au minist`ere…
Tandis que le colonel Hofferman s’entretenait avec le lieutenant de Loubersac, J'er^ome Fandor, qui assistait – en J'er^ome Fandor naturellement – au bal de l’'Elys'ee, s’occupait de la m^eme affaire.
Arriv'e de bonne heure `a l’'Elys'ee, Fandor se disait que c’'etait bien le diable si, parmi les invit'es de la Pr'esidence, il n’apercevait point quelque ami susceptible de lui fournir des renseignements int'eressants sur l’opinion que se formait actuellement le Deuxi`eme Bureau, quant au caporal Vinson… Fandor, qui se trouvait toujours `a Verdun, n’'etait pas sans inqui'etude sur la substitution de personne qu’il avait risqu'ee. Se doutait-on de quelque chose au Deuxi`eme Bureau ?
Le jeune homme 'etait depuis quelque temps `a son poste d’observation, lorsque quelqu’un lui frappa famili`erement sur l’'epaule :
— Alors, Fandor, vous faites maintenant le compte rendu des f^etes officielles ?
— Vous, Bonnet ? ah ! par exemple ! s’exclamait le journaliste, quelle bonne surprise !
— Ce que je suis devenu, mon cher ? h'e ! je viens d’^etre nomm'e juge d’instruction `a Ch^alons…
— Vous ^etes juge `a Ch^alons ? j’ai pr'ecis'ement des renseignements `a demander au juge d’instruction de Ch^alons.
Et J'er^ome Fandor, passant son bras `a celui du juge d’instruction Bonnet, entra^ina son ami `a l’'ecart.
— Dites-moi, mon cher Bonnet, demanda Fandor lorsqu’ils furent arriv'es dans une sorte de petit fumoir, dites-moi, n’est-ce pas vous qui vous ^etes occup'e de la mort d’une petite chanteuse, nomm'ee…
— Nichoune ? si parfaitement…
— Eh bien, vous allez me dire…
— Mon cher ami, je ne vous dirai pas grand-chose, pour la bonne raison que cette affaire est des plus myst'erieuses et qu’elle me donne beaucoup de tintouin… Vous connaissiez Nichoune, Fandor ?…
— Oui et non… mais je donnerais beaucoup, en revanche, pour conna^itre son assassin.
Bonnet sourit et, se croisant les bras plaisamment :
— Et moi donc !
— Vous n’avez pas une id'ee sur l’auteur possible de l’assassinat ?
— Peuh ! fit-il, une id'ee, si, `a la rigueur… Cette chanteuse avait recu la veille de sa mort, para^it-il, la visite d’un vieillard, un vieux mendiant que je n’arrive pas `a identifier et qui a myst'erieusement disparu… Je me demande si ca ne serait pas… en tout cas, c’est de ce c^ot'e que je vais chercher… Voulez-vous que je vous tienne au courant ? C’est toujours rue Richer qu’il faut vous 'ecrire ?
— Vrai, dit-il, vous seriez tout `a fait gentil, en effet, de m’'ecrire rue Richer d`es que vous aurez du nouveau dans cette affaire. Je ne peux pas vous expliquer toute l’importance que j’y attache, mais elle est 'enorme…
— Eh bien, entendu… comptez sur moi ! Vous venez faire un tour dans les salons, Fandor ?
— Si vous voulez…
Soudain, Fandor quittait son ami :
— Mon cher, je vous dis au revoir, vous m’excusez ? voici quelqu’un qu’il faut que j’interviewe…
Quelques minutes apr`es, le journaliste abordait respectueusement un habit noir qui, solitaire, appuy'e contre une porte, consid'erait, une moue de d'edain aux l`evres, les couples tournoyant au milieu de la pi`ece…
— Je peux vous dire deux mots, monsieur Havard ?
— Quatre si vous voulez, mon bon Fandor, je m’ennuie `a mourir dans cette f^ete, et j’aime encore mieux subir vos questions de journaliste que de continuer `a broyer du noir tout seul…
— Mon Dieu ! monsieur Havard, vous broyez du noir ? Quel est donc votre affreux chagrin ?…