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— Mon affreux chagrin, dit-il, n’exag'erons pas, tout de m^eme, je suis ennuy'e… Oh ! je n’ai pas de motif de vous taire le pourquoi de ma m'elancolie… vous ^etes assez intime avec Juve…
— Vous avez de ses nouvelles ?
— Non, justement…
— Vous ^etes inquiet, alors ?
— Mais non, mais non, rassurez-vous… Tenez, puisque vous ^etes si bien avec Juve, je voudrais vous charger d’une commission.
— Pour Juve ?
— Oui, pour lui… Vous savez, Fandor, n’est-ce pas ? c’est notre meilleur inspecteur… eh bien, il g^ache sa carri`ere… il s’interdit tout avancement en s’obstinant toujours `a chercher son insaisissable Fant^omas…
— Je ne vous comprends pas, monsieur Havard ?…
— Vous allez me comprendre… Savez-vous o`u est Juve en ce moment, Fandor ?…
— Non ! avouait le journaliste…
— Eh bien, moi non plus… et cela est inadmissible ! Juve en prend trop `a son aise. Il m’a affirm'e l’autre jour qu’il 'etait certain que la mort du capitaine Brocq devait ^etre imput'ee `a Fant^omas et, clac !… depuis ce temps-l`a je n’ai plus de ses nouvelles… Juve est `a la poursuite de Fant^omas !… Voyons, Fandor, entre nous, puis-je tol'erer cela ?…
Assez embarrass'e, le journaliste 'evitait de r'epondre.
— Si, cependant, fit-il, Juve avait raison ?
— Raison !… reprenait M. Havard, mais pr'ecis'ement, il se trompe. J’en ai la preuve.
— Vous en avez la preuve ?… mais qui donc, d’apr`es vous, a tu'e le capitaine Brocq ?
M. Havard 'etait de si mauvaise humeur que lui, l’homme rebelle aux interviews par excellence, il se laissa aller `a renseigner Fandor.
— Mon cher, fit-il, pour un esprit logique qui raisonne de sang-froid, qui ne se perd point dans des hypoth`eses `a la Fant^omas, celui qui a tu'e Brocq est assur'ement celui qui a tu'e Nichoune… Brocq, j’imagine, a 'et'e assassin'e par un individu quelconque, embusqu'e sur le haut de l’arc de Triomphe… un complice, pendant ce temps, a d'erob'e le document que recherche le minist`ere… Brocq connaissait le caporal Vinson… vous savez cela, Fandor ?
— Oui… oui… allez toujours !
— Bien. Le caporal Vinson avait pour ma^itresse cette Nichoune, qui vient de p'erir assassin'ee… C’est li'e.
— Mais tout cela ne dit pas que Fant^omas ne soit pas le coupable ?
— Vous allez trop vite, Fandor, je sais qui a tu'e Nichoune…
— Allons donc !
— Si… Parbleu, je ne m’en suis pas tenu `a l’enqu^ete que faisaient ces officiers du Deuxi`eme Bureau… Ils s’imaginent qu’ils sont policiers !
— Vous allez bien loin, il me semble ?…
— Eh non, je ne vais pas trop loin. Qui a fait le coup ? je le sais par les enqu^etes de mes propres agents, par les renseignements du Parquet… eh bien, c’est Vagualame, un vieux faux mendiant qui avait des accointances avec le minist`ere…
En entendant la d'eclaration extraordinaire de M. Havard, J'er^ome Fandor ne put s’emp^echer qu’`a grand-peine d’'eclater de rire.
Vagualame coupable, l’id'ee lui semblait bonne… M. Havard, assur'ement, 'etait incompl`etement renseign'e… il imaginait que Vagualame avait de vagues accointances avec le minist`ere… il ne savait pas que c’'etait, en r'ealit'e, l’un des agents r'eguliers du Deuxi`eme Bureau, l’un des hommes de confiance du colonel Hofferman…
En un 'eclair, J'er^ome Fandor vit l’int'er^et de la conversation…
J'er^ome Fandor se disait :
— Que la S^uret'e paralyse l’action de Vagualame, et je serai, moi, faux caporal Vinson, d’autant plus libre pour agir…
— Vous avez de graves pr'esomptions ?
— Oui, de tr`es graves pr'esomptions, r'epondit M. Havard… Je sais de source certaine qu’il a vu Nichoune la veille de sa mort. Je sais que depuis il a quitt'e Ch^alons et n’y est plus revenu… je sais que cet individu avait des relations suivies avec des gens peu recommandables, qu’on peut soupconner d’espionnage… peut-^etre m^eme espionnait-il personnellement…
— Si j’'etais `a votre place, monsieur Havard, sachant ce que vous avez l’air de savoir, je n’h'esiterais pas une seconde… je d'eciderais l’arrestation de Vagualame…
— Et qui vous dit, Fandor, demanda Havard, que je n’ai pas, en effet, pris cette d'ecision ?
17 – ENFIN DANS LA PLACE.
Premier entracte.
On venait de voir, sur la toile o`u s’effectuaient les projections, se silhouetter le profil d’un coq, signature de l’entreprise cin'ematographique dont le film s’'etait d'eroul'e, et la lumi`ere renaissait dans la salle, 'eclairant les grands murs nus, le plafond d'elabr'e de l’'etablissement connu, dans la rue des Poissonniers, sous le nom de « Cin'ema-Concert Moderne ».
Parmi les spectateurs, un couple compos'e d’un affreux vieillard `a barbe blanche et d’une jolie fille rousse.
`A peine l’'eclairage eut-il 'et'e rendu que le vieillard, s’adressant `a sa compagne, lui murmurait :
— Je vais profiter de l’entracte pour aller fumer une cigarette.
La jeune femme approuva d’un signe de t^ete.
Le vieillard, qui s’acheminait rapidement vers la sortie, attirait un peu l’attention de ses voisins par sa silhouette impr'evue. Il portait en bandouli`ere un accord'eon en ruine, mais cela n’avait pas grande importance. Dans ce milieu, on ne s’'etonne de rien.