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— C’est qui ?
— C’est votre m`ere.
— C’est ma m`ere qui a fait tuer mon fr`ere ? r'ep'eta lentement Paul Granjeard, lorsque apr`es quelques minutes de silence effar'e, il sembla reprendre conscience des paroles du policier. Ah, c’est horrible, ca n’est pas possible. C’est faux !
— Je suis certain de ce que j’avance.
Alors, dans le petit parloir de la prison, Paul Granjeard, comme assomm'e par la r'ev'elation du policier, se dressait, portait les mains `a sa gorge, puis, 'etouffant presque, tomba `a genoux, sanglotant.
Juve, lui les bras crois'es, adoss'e `a la muraille, contemplait ce d'esespoir sans rien dire. C’est seulement quand Paul Granjeard eut longuement sanglot'e, quand il eut en quelque sorte 'epuis'e sa douleur, que Juve recommenca `a parler.
— Monsieur Granjeard, dit Juve, j’ai terriblement piti'e de vous, oh, terriblement, croyez-le. 'Ecoutez, ce qui arrive est abominable. Je suis fautif, moi aussi. D’abord je croyais, oui, je vous l’avoue, je croyais que votre fr`ere et vous, vous 'etiez les coupables, je supposais que votre m`ere 'etait innocente. H'elas, j’ai enqu^et'e, je sais, vous me comprenez bien, je sais que vous, vous ^etes innocent et que votre m`ere est coupable. Que faire ? Ah, oui, j’ai piti'e de vous, car en somme ce n’est pas elle, c’est vous qui allez expier.
— Monsieur, si ma m`ere a r'eellement commis cet horrible forfait, elle n’a pu s’y d'ecider que dans un moment de folie, sauvez-l`a ! Je vous en conjure, sauvez-l`a ! Sauvez-l`a, mon fr`ere et moi, durant notre vie enti`ere nous serons vos esclaves, notre fortune vous appartiendra, mais ne laissez pas accuser ma m`ere. Sauvez-l`a, sauvez-l`a ! Il ne faut pas que vous l’accusiez, il ne le faut pas, ce serait mal, elle est folle. Elle a 'et'e folle.
— Il y a des tiers, monsieur, qui savent comme moi que votre m`ere est coupable, et m^eme si je me laissais fl'echir par votre douleur, ils parleraient, il faudrait acheter leur silence… et…
— Payez-le… donnez-leur tout ce que je poss`ede.
— Il faudrait cinq cent mille francs.
— Vous les aurez. Mais sauvez ma m`ere.
Juve ne r'epondait d’abord ni oui ni non. Un long moment passait, peut-^etre un combat affreux se livrait-il dans l’^ame du policier, il pouvait en effet, s’il voulait, faire remettre en libert'e toute la famille Granjeard, mais le devait-il ? Non certes, les coupables doivent ^etre punis et Juve 'etait trop la droiture et la justice m^eme pour h'esiter un seul instant, cependant le c'el`ebre inspecteur avait certainement un but, une id'ee, puisqu’il r'epondit `a Paul Granjeard en ces termes :
— 'Ecoutez-moi, ordonna le policier, vous ne m’avez pas vu. Ce n’est pas l’inspecteur Juve qui est venu vous rendre visite aujourd’hui, c’est l’inspecteur Binet. Vous ne parlerez de ma visite `a personne, vous me le jurez sur votre honneur ?
— Je vous le jure.
— Bien. Maintenant je vais essayer de sauver votre m`ere, je ne vous promets rien. Je ferai mon possible. L’argent vous importe peu, je le comprends, vous me rembourserez ce que j’aurai d'ebours'e. Voil`a tout. Demain peut-^etre, vous serez tous libres.
Juve appuya sur le bouton de la sonnette et sortit de la cellule du pr'evenu.
***
Le lendemain matin, dans le cabinet de M. Mourier, Mme Granjeard et ses deux fils 'ecoutaient avec ravissement le magistrat instructeur :
— Je signe une ordonnance de non-lieu, d'eclarait en effet M. Mourier, je vous lib`ere tous les trois, car je ne vous le cache pas, la preuve de votre innocence est enti`erement faite. Non, ne me remerciez pas, ce n’est pas moi qui ai d'ecouvert la v'erit'e, c’est un modeste h'eros, c’est le policier Juve qui n’est m^eme pas venu recevoir vos remerciements.
Les Granjeard se regardaient. Mme Granjeard pensait :
— J’ai sauv'e mes fils en acceptant les propositions de Juve.
De son c^ot'e, Paul Granjeard se disait :
— J’ai sauv'e ma m`ere en achetant ce policier.
Mais, M. Mourier poursuivait :
— Juve, en effet a fini par d'ecouvrir le testament de M. Didier Granjeard. Il est en quelque sorte la preuve de la culpabilit'e de Blanche Perrier. Cette femme avait int'er^et au crime, de plus, elle est en fuite. Tenez, lisez ce document.
La m`ere et les deux fils, se saisirent avidement de ce que M. Mourier consid'erait de bonne foi comme 'etant les dispositions testamentaires du malheureux Didier Granjeard. Mais, tandis qu’ils lisaient, sans m^eme les comprendre les phrases 'enoncant les dons et les legs, une m^eme stupeur les paralysait.
Le testament n’avait pas 'et'e 'ecrit par Didier. Mme Granjeard ne reconnaissait pas l’'ecriture de son fils. Paul Granjeard ne reconnaissait pas l’'ecriture de son fr`ere. Ni Paul Granjeard, ni Mme Granjeard pourtant n’os`erent pr'evenir le juge de la falsification qu’ils subodoraient.