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Et French raisonnant de la sorte, concluait :
— J’ai trois personnes `a poursuivre : le Bedeau, qui m’am`enera `a rencontrer Juve, Juve qui me conduira `a M meGarrick, M meGarrick enfin…
Le train filait au long de la voie, avait depuis longtemps d'epass'e Rouen, s’approchait `a toute vapeur de Paris, prenant les aiguilles, en d'epit des r`eglements, `a pleine allure, passant en grand vacarme dans les petites stations de banlieue, franchissant avec un bruit de tonnerre les ponts m'etalliques jet'es sur les boucles de Seine, que French r'efl'echissait toujours.
Il importait de plus en plus, d’ailleurs, de prendre un parti. Dans quelques minutes maintenant l’express allait stopper gare Saint-Lazare, il 'etait huit heures du soir, il convenait de d'ecider le plan de campagne `a suivre.
— Bon ! songeait French, celui que j’ai le plus de chance d’atteindre, est 'evidemment le Bedeau. Donc, commencons par rechercher le Bedeau.
Le Bedeau, avait appris French, 'etait un ancien 'ebouillanteur des abattoirs de Montrouge. `A l’'epoque o`u il n’avait pas encore renonc'e au travail, le Bedeau exercait le sinistre m'etier qui consiste, aux abattoirs, `a 'ebouillanter les porcs fra^ichement abattus.
C’'etait donc l’un de ces grands gaillards qui vivent continuellement dans l’atmosph`ere sanglante des boucheries et qui, du matin au soir, en habit tach'e de rouge, demeurent au milieu des cris des b^etes que l’on 'egorge, que l’on torture un peu m^eme, `a l’occasion, pour rien… pour rire entre camarades.
Or, dans l’esprit de French, l’ancien m'etier du Bedeau avait une importance extr^eme.
D`es lors que le Bedeau avait quelque temps avant 'eprouv'e le besoin de passer en Angleterre, c’'etait 'evidemment qu’en tant qu’apache, il devait ^etre br^ul'e dans le quartier de la Chapelle, qui, les fiches de Scotland Yard le lui avaient appris, avait 'et'e son quartier g'en'eral. Br^ul'e `a la Chapelle, il y avait des chances pour que le Bedeau, revenu en France, n’os^at aller s’y installer tout de suite. O`u irait-il donc ?
French savait fort bien que les individus du genre du Bedeau passent la moiti'e de leur vie dans les cabarets borgnes des barri`eres.
Et French se demandait tout simplement en quel genre de cabaret louche il avait chance de rencontrer le Bedeau dont il poss'edait le signalement…
De la Chapelle aux Halles, les all'ees et venues sont fr'equentes. C’est la m^eme s'erie d’apaches que l’on rencontre en ces deux quartiers… et m^eme une brigade de policiers est charg'ee de la surveillance de ces deux centres de la p`egre…
— Je vote donc pour Vaugirard, se dit French. Il y a gros `a parier qu’il est l`a… ancien ouvrier des abattoirs de la rue des Morillons, il a des camarades de ce c^ot'e, c’est dans les bouges de Vaugirard qu’il doit, ce soir, boire alcool sur alcool…
French, ainsi que son surnom de d'etective l’indiquait, avait longtemps habit'e la France et parlait francais avec un pur accent faubourien, que n’e^ut pas d'esavou'e la plus franche gouape de la capitale.
Il lui 'etait facile de se faire passer pour francais, pour parisien. En sautant sur le quai, French 'etait r'esolu `a commencer cette nuit-l`a m^eme `a visiter les bouges o`u il pensait que devait se trouver le Bedeau…
Perdu dans la foule des voyageurs, French sortit de la gare Saint-Lazare par la rue d’Amsterdam et, ne s’occupant pas du bagage, d’ailleurs fort restreint, qui l’attendait `a la consigne, s’en alla les mains dans les poches, l’air d’un badaud qui se prom`ene, jusqu’`a un petit mastroquet de modeste apparence o`u il fit un d^iner rapide.
Puis il se mit en chasse.
— Les choses les plus b^etes, pensait French, sont parfois celles qui r'eussissent. Il est `a l’heure actuelle neuf heures et demie, les bouges ne sont int'eressants `a visiter qu’`a partir de onze heures, moment o`u la client`ele arrive. Donc, j’ai le temps. Commencons par nous rendre rue Bonaparte, domicile l'egal de Juve, quand ce ne serait que pour n’avoir pas le remords de n’y ^etre pas all'e.
French raisonnait juste en accordant peu de valeur polici`ere `a la visite qu’il tentait ainsi. Rue Bonaparte, la concierge, `a laquelle il demandait : « M. Juve ! », lui rit au nez :
M. Juve 'etait en voyage depuis pr`es de six mois, on n’en avait aucune nouvelle et nul ne savait quand il reviendrait. Les termes de son loyer 'etaient pay'es d’avance…
— Bon, se dit French, aucune importance. Maintenant, `a Vaugirard !
***
Quiconque n’aurait pas 'et'e du quartier, quiconque n’aurait pas connu la maison, aurait certainement pu passer devant l’'etroite entr'ee sans se douter qu’elle menait `a un bar.
C’'etait une porte basse, `a demi dissimul'ee par un avancement de la maison voisine que ne surmontait aucune enseigne. Elle 'etait faite d’un lourd panneau de bois sculpt'e de haut en bas d’inscriptions faites au canif, et repr'esentant dans un pittoresque d'esordre des devises, des noms, des dessins embl'ematiques, coeurs transperc'es d’une fl`eche, oiseaux `a formes d’hirondelles et puis encore couteaux, eustaches, surins…
Cette porte donnait sur un 'etroit couloir qui, au bout de deux m`etres, se coupait d’une s'erie de marches presque us'ees, gluantes, verd^atres de mousse. On avancait de quelques pas, puis on se heurtait `a une nouvelle porte plus 'epaisse que la premi`ere dont il fallait, dans l’obscurit'e, d'ecouvrir le loquet. Cette deuxi`eme porte c’'etait l’entr'ee du Cabaret des 'Egorgeurs.