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Le pendu de Londres (Лондонская виселица)
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Аллен Марсель

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Juve n’'etait pas marin. Il n’aimait pas exag'er'ement m^eme se trouver sur un bateau par une mer agit'ee. Bien qu’`a l’abri des d'esagr'eables effets du tangage et du roulis, Juve avouait franchement pr'ef'erer au sol mouvant que constitue le pont d’un navire, le sol ferme et s^ur d’une route, voire m^eme d’un champ…

Pourtant, comme le Dieppese trouvait au milieu du d'etroit, filant `a pleine allure vers les c^otes anglaises, Juve, la cigarette aux l`evres, allant de bord sur bord, d’avant `a l’arri`ere, semblait d’humeur guillerette.

La travers'ee, il est vrai, 'etait superbe. La mer, calme comme un lac, avait des reflets de moire, des phosphorescences subites. Au ciel pur, piquet'e d’'etoiles, la fum'ee du steamer d'eroulait un long panache noir que ne brisait aucun vent, qui s’inclinait seulement en raison de la marche rapide qui emportait le navire loin de France.

… Juve 'etait d’excellente humeur, parce qu’il se sentait libre, pour une fois, d’agir exactement comme il lui conviendrait. Le chef de la S^uret'e lui avait confirm'e que sa pr'esence `a Paris n’'etait pas n'ecessaire, lui avait volontiers appris que les proc`es en cours, proc`es dont Juve, officiellement, devait s’occuper, ne r'eclamaient pas son activit'e, m^eme il avait obtenu un cong'e r'egulier de plus d’un mois.

— Encore un petit bout de chemin, encore un petit peu de temps et je vais ^etre `a Londres, se disait Juve, ah ! si seulement j’'etais certain d’y rencontrer Fandor… pauvre petit !… que diable a-t-il pu lui arriver ?… Fandor `a Londres… oui, parbleu, mais Fant^omas y est aussi… ah ! quelque jour pourtant il faudra bien que j’arrive `a arracher le masque de cet 'epouvantable bandit.

L’^ame de Juve 'etait, en effet, `a ce point bizarre, qu’au moment m^eme o`u il venait d’apprendre que la silhouette lugubre de Fant^omas se dressait encore `a l’horizon, que la lutte allait reprendre avec ses risques possibles, il se f'elicitait, il s’applaudissait d’avoir encore `a exposer sa vie pour une cause qui lui 'etait ch`ere, la cause du Devoir, la cause du Bien…

Et en cela, Juve pensait exactement de la m^eme facon que Fandor…

***

— Vous avez tous remis vos papiers ? oui ? Vous avez rempli les circulaires ? Vos actes de naissance ? vos recommandations et apostilles ? eh bien, alors, au gymnase !… Il faudra vous raser, mon garcon, cette barbe vous fait une 'etrange figure !… Allons, venez, messieurs !…

L’homme qui tenait ce discours, d’une petite voix s`eche et pointue, d'esagr'eable `a la perfection, incarnait `a merveille le type du fonctionnaire.

C’'etait, d’ailleurs, l’employ'e mod`ele, le bureaucrate parfait. Si son esprit d’initiative laissait `a d'esirer, il avait un respect profond des traditions qui suffisait, `a lui seul, `a lui valoir l’estime de ses chefs, la confiance de ses pairs et le haut emploi qu’il occupait `a Scotland Yard, en qualit'e de pr'esident du jury, `a voix pr'epond'erante, pour le recrutement et l’acceptation des policemen charg'es d’assurer le maintien de l’ordre dans la Capitale anglaise.

On l’appelait mister Chatham ; on s’inclinait en grandes courbettes devant lui, et il en concevait, souvent, beaucoup d’arrogance…

Scotland Yard, d’ailleurs, ressemble peu `a la Police francaise. Il ne s’agit plus l`a d’une administration telle qu’en concoit et en complique l’esprit francais, d’une administration subdivis'ee en quantit'e de bureaux comportant un chef, un sous-chef, un premier exp'editionnaire, etc., mais au contraire un rouage administratif pr'ecis, net, simple, o`u tout homme a une fonction bien d'etermin'ee, suffisante `a employer toute son activit'e et l’employant de son mieux.

C’est ainsi, par exemple, que les policemen – analogues `a nos gardiens de la paix – sont minutieusement choisis, `a Londres, `a la suite d’'epreuves rigoureuses qui permettent de s’assurer, avant leur nomination, de leur capacit'e.

Or, M. Chatham, ce matin-l`a, accompagn'e de deux autres de ses coll`egues, devait pr'ecis'ement proc'eder `a l’examen de quatre candidats.

Il venait d’examiner soigneusement les titres invoqu'es par les candidats, il avait v'erifi'e leur 'etat civil, leurs preuves d’honn^etet'e, maintenant il les conduisait avec ses coll`egues vers un gymnase o`u devaient avoir lieu les 'epreuves pratiques.

M. Chatham, descendu dans les sous-sols de Scotland Yard fit entrer les quatre futurs policemen dans une grande cave am'enag'ee de facon bizarre. Aux murs des agr`es de gymnastique, au fond de la salle des barres parall`eles, une 'echelle, une corde lisse, `a droite, un tremplin, avec une fosse remplie de li`ege en copeaux, contre le mur, des cibles.

— Le gymnase, messieurs !…

Et, tout de suite, Chatham ajouta :

— Vous savez, n’est-ce pas, pourquoi tout `a l’heure, dans mon cabinet, je vous ai fait distribuer des menottes ? vous ^etes pri'es, au cours de ces exercices pratiques, et `a l’improviste, de vous les passer les uns aux autres au commandement… Comme il n’y a que deux places `a prendre et que vous ^etes quatre… j’imagine que deux d’entre vous seulement arriveront `a passer les menottes `a leurs camarades… Ce sera une premi`ere 'elimination…

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