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Et le sinistre 'equarisseur se r'ejouissait `a l’id'ee que dans quelques instants peut-^etre, il allait pouvoir s’occuper, s’occuper `a une besogne sanguinaire, dont son imagination bestiale et cruelle go^utait `a l’avance l’^apre volupt'e.
5 – D'EFI POUR D'EFI
Dans l’infirmerie du Skobeleff, la soeur pr'epos'ee `a la garde des malades du cuirass'e, s’affairait, douce et patiente, aupr`es des deux lits de repos dress'es au centre m^eme de la pi`ece.
— Petit p`ere, disait la brave femme, il faut que tu boives cela. Ne refuse pas, tu me ferais de la peine.
— Mais je ne suis pas malade du tout, que diable.
— Si, si. Tu es fatigu'e, et apr`es l’effroyable aventure que tu as v'ecue ce matin, il importe, je t’assure, que tu fasses attention. Tiens, bois. Qu’est-ce que cela te fait, petit p`ere. C’est du rhum et du tilleul.
— Oui, un dr^ole de m'elange.
— Quelque chose qui te fera fort et solide, petit p`ere. D’ailleurs, regarde, tu aurais tort de refuser ce breuvage : ton ami en a pris et tu vois que maintenant il repose tr`es calme et parfaitement bien portant. Plus pieux que toi, sais-tu, petit p`ere ? Il n’a pas refus'e de saluer les Saintes Images.
Juve, car c’'etait Juve auquel la bonne infirmi`ere du Skobeleff adressait ces puissantes exhortations, se souleva sur sa couchette, se pencha, regarda dans la direction que lui indiquait l’infirmi`ere.
Celle-ci n’avait pas menti.
Docilement, Fandor avait absorb'e la boisson capiteuse qu’on avait pr'epar'ee `a son intention.
Et maintenant, bien tranquille, 'etendu de tout son long sur le lit de repos sur lequel il avait 'et'e d'epos'e, Fandor dormait avec un grand calme.
Le matin m^eme, Juve et Fandor avaient 'et'e miraculeusement rep^ech'es par le Skobeleff, et cela gr^ace `a la manoeuvre ordonn'ee par l’officier de quart, puis par le lieutenant Alexis, alors qu’accroch'es `a leur 'epave, ils couraient grand risque de se noyer, de trouver dans les flots tourbillonnants du raz de Sein une mort cruelle.
Depuis, ni l’un ni l’autre n’avaient 'echang'e une parole et Juve devait s’avouer qu’il n’avait plus, somme toute, qu’une id'ee confuse de la facon dont le sauvetage s’'etait effectu'e.
Il n’en 'eprouvait d’ailleurs qu’une sensation plus p'en'etrante de calme et de paix `a s’'eveiller dans la tranquille infirmerie, en cette petite pi`ece, toute blanche, toute silencieuse, o`u flottaient de vagues relents de potions et de rem`edes et qui semblait un v'eritable asile.
Quelle que f^ut cependant sa fatigue, quel que f^ut l’'etat d’'epuisement o`u il se trouvait, Juve 'etait bien trop 'energique pour se laisser longtemps aller au besoin de somnolence qui l’engourdissait. Aussi, aux injonctions de l’infirmi`ere, le policier qui, brusquement, dans un 'eveil de sa m'emoire venait de songer `a Fant^omas, se contentait-il de r'epondre :
— Ma soeur, vous ^etes infiniment bonne, mais je vous assure que maintenant, je suis parfaitement r'etabli. Je veux bien boire votre potion, mais je ne veux pas dormir.
— Bois toujours, petit p`ere, et on verra.
Des mains de l’infirmi`ere, Juve prenait donc le grand bol fumant, le punch d’un nouveau genre, que la religieuse avait pr'epar'e.
Juve but avidement, puis, tout ragaillardi par l’absorption de cette liqueur, s’assit sur la couchette.
— Ma soeur, d'eclarait le policier, je vous assure qu’il faut m’autoriser `a me lever.
Et avant que la religieuse, qui s’effarait des intentions de ce rescap'e r'ecalcitrant, e^ut pu s’opposer `a ses d'esirs, Juve appelait d’une voix forte, bien timbr'ee :
— Fandor, veux-tu te r'eveiller, paresseux.
Fandor, `a vrai dire, dormait tout son saoul.
Mais le journaliste 'etait trop habitu'e `a toujours se tenir pr^et aux pires 'eventualit'es pour ne pas, m^eme en dormant de toute son ^ame, garder le sentiment de ce qui se pr'eparait.
`A l’appel de Juve, Fandor brusquement se dressa sur son lit et d’une voix comique, encore tout emp^at'ee de sommeil, r'epondit :
— Pr'esent, Juve. Bon Dieu, je dormais bien… Que diable voulez-vous ? Ah oui, voil`a.
Juve, pour toute r'eponse, 'eclata de rire. Et c’'etait la bonne soeur qui intervint :
— Petit p`ere, cria-t-elle, veux-tu bien laisser dormir en paix ton ami.
Mais elle devait elle-m^eme rester interdite car Fandor 'eclata lui-m^eme d’un grand fou rire.
— Petit p`ere, r'ep'eta le journaliste. Ma foi, Juve, cela vous va tr`es bien.
Puis, comprenant ce qu’avait d’irrespectueux son intempestive gaiet'e `a l’endroit de la garde-malade, Fandor s’efforca de rattraper son s'erieux…