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— Ma soeur, d'eclarait le journaliste, d’une voix qu’il voulait raffermir, ne m’en veuillez pas de rire un peu : je ne suis point m'echant, mais je ne puis jamais ^etre s'erieux plus de dix minutes de suite.
Et comme la religieuse hochait la t^ete, souriante, Fandor ajoutait pour Juve :
— Ah ca, mon bon ami, mais savez-vous qu’`a bord du Skobeleff on nous a parfaitement recueillis tous les deux et que pour deux noy'es volontaires, nous apparaissons, somme toute, maintenant, en excellente sant'e.
— Hum.
Et le policier allait ajouter quelques phrases sceptiques, lorsque soudain, la porte de l’infirmerie s’ouvrit : un officier, le m'edecin-chef, faisait son apparition :
— Eh bien, mes gaillards, demanda-t-il, vous voil`a r'etablis, je pense ?
D’un geste spontan'e, Juve tendit la main au praticien.
— Docteur, r'epondait-il, croyez bien que soeur Natacha et vous-m^eme, vous avez fait un miracle. Mon ami et moi, nous voici sur pieds.
— Compl`etement ? pas de malaise ? pas de fi`evre ?
— Mais non, docteur, r'epondit Fandor. Nous sommes m^eme si bien portants que nous 'etions en train d’exiger notre bulletin de sortie.
— Mon bon ami, vous allez vite en besogne. Voyons d’abord votre pouls ?
Juve laissa le docteur tranquillement ausculter Fandor, et se pr^eta lui-m^eme `a l’examen m'edical. Mais comme l’homme de l’art gardait un bon sourire, il demanda :
— Vous nous autorisez `a nous lever, docteur ?
Le m'edecin venait de remettre sa montre dans le gousset de son gilet, il hocha la t^ete :
— Parfaitement ! faisait-il, levez-vous, mes bons amis, il n’y aura d’autre suite `a votre aventure que la perte de votre jolie embarcation. Mais, aussi, quelle dr^ole d’id'ee avez-vous eue d’aller vous promener par le raz de Sein ? D`es que vous serez pr^ets, soeur Natacha vous conduira sur le pont, vous trouverez `a l’escalier de la coup'ee un planton qui vous conduira vers notre Commandant, notre nouveau Commandant, qui d'esire vous parler.
Le m'edecin cependant, apr`es un cordial salut `a la soeur Natacha, venait de quitter l’infirmerie.
— Debout, Juve.
— Debout Fandor.
Les deux amis en un clin d’oeil se jet`erent `a bas de leur couchette.
Mais comme Juve passait sa veste et machinalement t^atait sa poche, il 'etouffait un juron :
— Bigre de nom…
Soeur Natacha accourut.
— Ah ! petit p`ere, d'eclarait la bonne religieuse, tu t’'etonnes de ne point retrouver tout ce que tu avais dans tes poches ? Ne te f^ache pas ! vois-tu, on te rendra tes armes quand tu quitteras le Skobeleff, `a notre prochaine escale, mais, ici, l’ordre est formel : j’ai d^u faire porter ton revolver, ainsi que celui de ton ami `a notre capitaine d’armes.
Il n’y avait rien `a dire. Juve fronca les sourcils.
***
Sous la conduite de soeur Natacha, ainsi qu’il avait 'et'e convenu, Juve et Fandor au sortir de l’infirmerie avaient suivi un 'etroit petit couloir, puis 'etaient arriv'es en une sorte de vestibule o`u d'ebouchait un tortueux escalier menant sur le pont.
Avec un bon sourire, soeur Natacha les quitta alors, en bas des marches :
— Montez, disait l’excellente religieuse, et Dieu vous garde, petits p`eres. Je ne vous oublierai point dans mes pri`eres aux Saintes Images. Pour vous, souvenez-vous quelquefois de soeur Natacha qui fut heureuse de vous soigner. Montez donc, mes petits p`eres, les r`eglements du bord m’interdisent `a moi, pauvre femme, de para^itre sur le pont, mais vous trouverez en haut de ces degr'es un planton qui vous conduira `a notre Commandant.
Que r'epondre ?
— Ma soeur, disait le policier, fouillant dans son portefeuille et en tirant un billet de banque, vous avez bien, quelque part, un pauvre malade `a qui vous vous int'eressez ? Voil`a de quoi am'eliorer son sort.
Et Fandor avait ajout'e :
— Mais ne croyez pas, ma soeur, que nous pensions, avec un peu d’argent, payer vos soins. Vous saurez peut-^etre, quelque jour, que les deux pauvres diables que vous avez aid'es sont de braves gens. Si vous ne les oubliez pas, ils ne vous oublieront pas eux non plus.
L’escalier qui menait au pont 'etait long et 'etroit. Juve marchant devant, Fandor suivant le policier, le gravirent pourtant en moins d’une minute, car il leur prenait une h^ate extr^eme de se trouver en face du commandant du Skobeleff.
Qu’allait-il se passer ?
Fant^omas les avait-il reconnus alors qu’on les rep^echait ?
`A mi-chemin, Juve s’arr^eta et regardant Fandor :
— Mon petit, d'eclara froidement le policier, tu comprends bien, j’imagine, l’importance de la partie que nous allons jouer ? nous n’avons aucune arme. Mat'eriellement, nous sommes dans ses mains. Moralement, nous sommes en son pouvoir. S’il lui fait plaisir de nous envoyer par-dessus le bastingage piquer une t^ete dans l’Oc'ean, rien ne peut s’opposer `a l’accomplissement de sa fantaisie. Par cons'equent…