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Pleine de bonne volont'e, cependant, la princesse fouilla le contenu du sac.
— C’est d'ego^utant, fit-elle, on se salit les doigts.
— Excusez-moi, repartit Ellis Marshall, je ne pouvais pas me douter que vos jolies mains viendraient un jour tremper leurs ongles roses dans cet horrible cambouis, mais, je vous en prie, prenez la cisaille avec laquelle on pourra peut-^etre couper la cha^inette d’acier qui me lie les mains.
Cependant que Sonia Danidoff plongeait courageusement ses mains jusqu’au poignet dans le sac satur'e d’huile et de graisse, un homme silencieux, immobile, s’'etait plant'e devant eux et les regardait faire avec un ahurissement certain.
C’'etait Yvonnick, qui n’avait rien compris aux 'ev'enements. Comme il ne voyait pas revenir ses clients, il s’'etait d'ecid'e `a avancer de vingt-cinq m`etres pour les retrouver.
Or, au lieu de rencontrer les deux hommes mont'es dans sa voiture `a la gare de Quimper, il se trouvait en pr'esence d’une 'el'egante, aux mains noires de cambouis, et d’un Anglais poings li'es derri`ere le dos.
Suivit un dialogue obscur.
La princesse Sonia Danidoff, qui malgr'e la p'enible situation dans laquelle elle se trouvait, r'eprimait difficilement une violente envie de rire, avait d’ailleurs trouv'e la cisaille et, tr`es complaisamment, Yvonnick avait consenti `a d'ebarrasser de ses liens le malheureux Anglais, qui certes 'etait `a cent lieues de se douter de la nature et de la situation sociale des individus qui l’avaient ainsi ligot'e.
Une fois libre, Ellis Marshall mit encore une bonne heure pour faire comprendre `a Yvonnick qu’il comptait sur lui pour le reconduire `a Quimper, o`u il aviserait.
On convint d’un prix, puis Sonia Danidoff et son compagnon grimp`erent dans la tapissi`ere abandonn'ee avec tant de d'esinvolture par Juve et Fandor `a quelques kilom`etres de Quimper. On tourna bride et l’'equipage retourna `a la ville.
L’Anglais et la princesse prirent le train pour Brest.
Mais pourquoi avaient-ils chang'e de destination ?
Ellis Marshall et Sonia Danidoff, qui perp'etuellement se trouvaient ensemble dans diverses circonstances de la vie, n’'etaient pas dupes du r^ole qu’ils jouaient respectivement.
Certes Ellis Marshall 'etait, vis-`a-vis de Sonia Danidoff, un amoureux sinc`ere et convaincu, et peut-^etre la jolie princesse russe n’'etait-elle pas indiff'erente aux hommages du riche baronnet.
Mais l’un et l’autre avaient, en se rapprochant constamment, un autre but que l’amour. L’Anglais et la princesse russe avaient raisonn'e ainsi :
« Le Skobeleff signal'e quelques heures auparavant au sud de la Bretagne allait 'evidemment passer `a proximit'e de Brest et peut-^etre, s’il n’y faisait pas halte, y demanderait-il du charbon. Il s’agissait de s’en assurer et, dans l’affirmative, de s’efforcer de joindre le vaisseau russe s’il faisait escale.
C’est pourquoi ils 'etaient partis pour Brest.
Leur apr`es-midi se passa `a parcourir les nombreux bureaux maritimes du grand port de guerre. Ellis Marshall, fort au courant des usages de la navigation, se renseignait adroitement : le Skobeleff n’avait fait aucune demande de charbon. Toutefois, on avait signal'e son passage `a la pointe du Raz dans la nuit, puis, dans l’apr`es-midi, au cap de la Ch`evre. Ces deux pointes 'etant tr`es peu distantes l’une de l’autre, il 'etait 'evident que le Skobeleff marchait `a tr`es vive allure et qu’il devait de temps en temps stopper en mer.
Vers six heures du soir, Ellis Marshall et Sonia Danidoff, install'es, en bons touristes qu’ils avaient l’air d’^etre, `a l’int'erieur d’un caf'e, discutaient, la carte sous les yeux, des mouvements probables du Skobeleff.
— Il est 'evident, disait Ellis Marshall, qu’il sera dans quelques heures aux environs de la pointe Saint-Mathieu.
Sonia Danidoff approuvait. Ellis Marshall poursuivit :
— C’est l`a sans doute qu’il faudrait nous rendre, mais comment proc'eder pour atteindre le navire ?
Sonia Danidoff avait un petit sourire myst'erieux :
— Ceci, d'eclara-t-elle, me regarde et je ferai le n'ecessaire, soyez-en certain. Tout ce que je vous demande, mon cher Ellis Marshall, c’est de m’amener `a cette pointe Saint-Mathieu dans le plus bref d'elai.
***
Il 'etait dit que les deux agents myst'erieux de l’Angleterre et de la Russie ne parviendraient pas `a accomplir paisiblement leur voyage.
Apr`es leur conversation au caf'e, Ellis Marshall s’en 'etait all'e d'ecouvrir un loueur de voitures. C’est en vain qu’il avait cherch'e `a se procurer une auto, il n’avait pu y r'eussir. En revanche, on lui avait trouv'e une voiture attel'ee, et le cocher assurait qu’il lui fallait deux heures `a peine pour se rendre `a la pointe Saint-Mathieu.
Apr`es un rapide d^iner, Ellis Marshall et Sonia Danidoff avaient pris place dans ce v'ehicule et on 'etait parti `a travers la r'egion aride et montagneuse qui s'epare Brest de l’extr'emit'e nord du Finist`ere.
Le temps avait chang'e. Aux rafales d’un vent violent succ'edait une pluie lourde et froide, la brume montait.
Depuis trois heures d'ej`a, ils roulaient, cahot'es dans de mauvaises routes lorsque Sonia Danidoff se d'ecida `a interroger le conducteur.
— Ah ca, dit-elle, mon ami, o`u nous conduisez-vous ?