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Visiblement, le vieil habilleur faisait toutes sortes d’efforts pour parler clairement et s’exprimer avec nettet'e, mais cela lui 'etait difficile, les vapeurs de l’ivresse et la fatigue qu’il 'eprouvait ne lui permettaient gu`ere d’^etre pr'ecis. Nalorgne et P'erouzin, d’ailleurs, l’'ecoutaient sans grande attention. Ils 'etaient bien trop troubl'es pour cela. L’un et l’autre, toutefois, 'eprouvaient une grande satisfaction, se sentant tr`es fiers de voir leur importance s’accro^itre soudain. 'Evidemment, le hasard venait de les mettre sur une piste fort int'eressante. Mais il fallait jouer serr'e et ne pas agir en imb'eciles, comme `a l’ordinaire.
Et Nalorgne traduisait la pens'ee de P'erouzin, lorsque affectant un air cordial et sympathique, il dit au p`ere Coutureau :
— Dites donc, vieux copain, c’est pas tout ca, on 'etait venu dire `a votre fille qu’elle en avait fini avec ces histoires de vol. Eh bien, m’est avis qu’il faut arroser cette bonne nouvelle !
— Sans doute, prof'era le p`ere Coutureau qui, se levant avec effort du si`ege sur lequel il 'etait tomb'e, allait au buffet pour prendre une bouteille de vin.
Nalorgne et P'erouzin profitaient de cet instant pour s’entretenir `a voix basse :
— C’est une affaire superbe, et nous allons faire une capture sensationnelle.
P'erouzin interrogeait :
— Vous ^etes donc, comme moi, de l’avis qu’il faut le mettre en 'etat d’arrestation ?
— Oui, poursuivit Nalorgne. Cet homme-l`a a des renseignements qui feront plaisir `a Juve, mais nous ne pouvons pas le cuisiner ici, et il ne faut pas lui donner de soupcons. Emmenons-le boire dehors et, au fur et `a mesure qu’il sera ivre, on le fera causer. Apr`es quoi, on le conduira `a la S^uret'e.
— Bravo, s’'ecria P'erouzin, je n’aurais pas raisonn'e autrement. C’est une affaire superbe que nous allons traiter l`a.
Les deux hommes, apr`es avoir affect'e des mines farouches, reprirent des visages riants pour recevoir le p`ere Coutureau qui rentrait dans la pi`ece.
Et le voyant venir avec une bouteille, les deux amis feignirent une extr^eme surprise.
— Non par exemple ! C’est vous qui r'egalez ?
— Bien s^ur, d'eclara Coutureau.
Nalorgne et P'erouzin protest`erent :
— Mais non, mais non, nous ne pouvons pas accepter ou alors, ce sera `a charge de revanche !
D'ej`a le vieil habilleur avait rempli les verres :
— Comme vous voudrez, fit-il.
On but une premi`ere bouteille, on en but encore une autre, et le p`ere Coutureau, qui n’'etait pas avare, s’applaudissait de la d'ecision prise par sa fille quelques heures auparavant, et qui avait eu pour r'esultat de garnir tr`es copieusement sa cave.
Le plus dur toutefois 'etait `a faire, car il s’agissait de d'ecider le p`ere Coutureau `a quitter son logis et `a accompagner les agents de la S^uret'e jusque chez les mastroquets les plus proches.
Au bout de quelques instants, il s’y d'ecidait cependant :
— Si je fais des mani`eres, messieurs, d'eclara-t-il, ce n’est point pour vous fausser compagnie, mais bien parce que je tombe de sommeil. Cela se comprend, je n’ai pas ferm'e l’oeil de la nuit.
Cependant qu’il allait qu'erir son chapeau, P'erouzin dit `a l’oreille de Nalorgne.
— Vous voyez, il n’a pas ferm'e l’oeil de la nuit ! C’est le remords qui le travaille. S^urement qu’il a tremp'e dans l’affaire.
Tous trois descendirent l’escalier, gagn`erent la rue. On avisa un marchand de vin. Nalorgne paya la premi`ere tourn'ee. Le p`ere Coutureau toutefois, ne semblait gu`ere se d'ecider `a parler. Il avait dit, assurait-il, tout ce qu’il savait sur cette affaire de la fameuse lady Beltham, dont il se foutait, au fond.
Nalorgne et P'erouzin d'eployaient des efforts d’intelligence extraordinaires pour obtenir de nouveaux renseignements. Comme ils approchaient du bas de la rue Clignancourt, ils virent un rassemblement. Coutureau, en bon badaud qu’il 'etait, voulut s’en approcher, quant `a Nalorgne et P'erouzin, ils savaient ce dont il s’agissait. La foule entourait une automobile qui stationnait le long du trottoir sous la garde d’un agent. Or, cette voiture, c’'etait la leur, et d`es lors, l’id'ee leur vint qu’ils n’avaient rien de mieux `a faire que d’y faire monter le p`ere Coutureau sous pr'etexte d’une promenade et de le conduire ensuite `a la S^uret'e.
Les deux agents ne tard`erent pas `a convaincre leur invit'e de l’opportunit'e de cette promenade.
— C`a par exemple, fit le p`ere Coutureau, ce n’est pas ordinaire ! Si jamais je m’'etais dout'e que j’irais me promener aujourd’hui en automobile… J’aurais plut^ot jur'e que j’allais roupiller toute la journ'ee.
P'erouzin s’installa au volant. Nalorgne fit monter Coutureau `a c^ot'e de lui, et s’installa lui-m^eme sur le marchepied.
Par hasard, la voiture d'emarra sans difficult'e, et P'erouzin, avec audace, allait s’engager dans les rues mouvement'ees du centre de Paris, mais Nalorgne, qui 'etait la prudence m^eme, lui recommanda :