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— Pour le moment, oui.
Or, `a l’instant m^eme o`u le directeur du Laboratoire municipal d'eclarait que la mort de lady Beltham lui apparaissait impossible `a pr'eciser, Juve revenait dans la pi`ece.
Le policier 'etait dans un piteux 'etat. Des toiles d’araign'ees s’accrochaient `a sa chevelure, il avait le veston plein de boue, le pantalon souill'e de sable, les mains noires, les bottines boueuses.
— Eh bien ? interrogeait Juve.
Il semblait triomphant.
D’une m^eme voix, L'eon, Michel et le docteur questionnaient le policier :
— D’o`u venez vous ? Que vous est-il arriv'e ?
Juve se laissait tomber sur un fauteuil, avec un soupir de satisfaction.
— Docteur, disait-il, savez-vous comment est morte lady Beltham ?
— Non, fichtre non !
— Avez-vous pens'e `a un empoisonnement par le gaz ?
`A ces mots, le praticien leva les bras au ciel.
— 'Evidemment non. S’il y avait eu empoisonnement par le gaz d’'eclairage, vous auriez senti en entrant dans la pi`ece une odeur caract'eristique.
Et il ajouta p'eremptoire :
— D’ailleurs, il n’y a pas de gaz dans la pi`ece, l’'eclairage est 'electrique.
Mais Juve reprit :
— Cela ne fait rien, r'epondez-moi toujours, Docteur.
— Que voulez-vous savoir ?
— Peut-il rester des traces d’empoisonnement par le gaz d’'eclairage ? Pouvez-vous me dire, en examinant la morte, si elle a pu ^etre asphyxi'ee par ce gaz ?
— Oui, r'epondait le docteur, je n’ai qu’`a faire l’examen spectroscopique de son sang. Mais je vous le r'ep`ete, c’est bien inutile, car, d’ordinaire, l’odeur suffit `a le r'ev'eler, m^eme `a une personne profond'ement endormie. Et puis enfin, il n’y a pas de gaz ici, et puis encore…
— Faites cet examen.
Le m'edecin s’emporta :
— Mais fichtre de nom d’un chien, puisque je vous dis que s’il y avait eu empoisonnement par le gaz vous auriez certainement senti l’odeur du gaz, vous Juve et vos deux agents ! Puisque je vous assure que cette odeur persiste de longues heures dans les pi`eces qui en ont 'et'e impr'egn'ees, puisque, sapristi, il n’y a pas de gaz ici !
— Faites donc cet examen.
L’attitude du policier 'etait si 'enigmatique que le m'edecin, quoique ne comprenant pas o`u Juve voulait en venir, d'ecida de lui donner satisfaction.
Cela prit bien une heure. Il pr'eleva par une saign'ee `a la veine du bras une l'eg`ere quantit'e de sang, il l’examina minutieusement, se livrant `a toutes sortes de recherches compliqu'ees.
Et soudain le directeur du Laboratoire municipal d'eclara, r'eellement abasourdi :
— C’est indiscutable, Juve vous avez raison. Je trouve des traces nettes d’oxyde de carbone dans le sang de la morte.
— Vous voyez bien !
— Oui, je vois, r'epondit le docteur, je vois que c’est de la sorcellerie, car, enfin, s’il appara^it indiscutable, d'esormais, que lady Beltham a 'et'e asphyxi'ee par de l’oxyde de carbone, rien n’indique la facon dont le crime a pu ^etre commis. Absence d’odeur d’une part, absence de gaz d’autre part, tout cela fait que…
— Cela m’a bien fait chercher, murmura le policier, mais tout de m^eme nous tenons l’explication de l’assassinat.
— Quelle est-elle donc ? Parlez.
L'eon, Michel et le docteur se groupaient autour de Juve.
Et Juve, de son petit ton tranquille, commencait d’expliquer :
— Oh ma foi, c’est bien simple. Figurez-vous que je me suis rappel'e avoir lu un jour, dans un trait'e de m'edecine l'egale, le trait'e de toxicologie du Dr Ch. Vibert [31], une remarque int'eressante : « Il arrive, disait ce livre, que l’on peut ^etre asphyxi'e par le gaz d’'eclairage dans de telles conditions qu’aucune odeur ne puisse laisser deviner la cause de la mort. Il suffit que le gaz d’'eclairage ait p'en'etr'e dans une pi`ece filtrant `a travers une couche de terrain assez 'epaisse, `a travers des mat'eriaux tels que des graviers, de la terre, pour qu’il perde toute odeur. Il n’entre alors, `a vrai dire, dans les locaux que de l’oxyde de carbone. Ce gaz 'etant inodore, les personnes qui se trouvent dans ces locaux peuvent parfaitement passer de vie `a tr'epas sans ^etre averties par l’odeur caract'eristique du gaz d’'eclairage du danger qu’elles courent. »
— C’est juste, interrompit le praticien.
— Tr`es juste, reprit ironiquement Juve, et la preuve est que lady Beltham en est morte. J’ai pens'e `a cela tout `a l’heure, docteur, et c’est pourquoi je suis descendu dans la cave. D’abord je n’ai rien trouv'e, mais j’ai eu l’id'ee de creuser le sol de cette cave. Il y a l`a, `a un m`etre de profondeur, une conduite de gaz qui a 'et'e crev'ee r'ecemment, car les br`eches sont encore toutes fra^iches. Le gaz a filtr'e `a travers le sol, filtr'e `a travers les murs de la cave. Il 'etait inodore quand il a p'en'etr'e dans la chambre o`u dormait lady Beltham. Nous n’avons rien entendu, nous autres, L'eon, Michel et moi, car il n’y avait rien `a entendre. Nous n’avons rien senti, et lady Beltham n’a rien senti parce qu’il n’y avait rien `a sentir. La mort est venue, furtive, myst'erieuse, tout doucement, et cette pauvre femme n’a pas souffert. H'elas, ce qui me fait peur, c’est que si je comprends `a peu pr`es comment Fant^omas, apr`es avoir 'evidemment d’avance perfor'e la conduite de gaz, a pu provoquer ce drame, je ne comprends pas comment il se fait que Fant^omas ait tu'e lady Beltham. J’'etais s^ur qu’un tel crime lui aurait fait horreur. Mais cela, docteur, ce n’est plus de votre comp'etence.
Juve, quelques instants avant, en remontant dans la chambre de lady Beltham, apr`es avoir d'ecouvert la si extraordinaire facon dont le crime avait 'et'e commis, avait paru presque triomphant.
Maintenant il demeurait accabl'e, prostr'e. Il croyait pressentir qu’apr`es ce nouveau crime, plus horrible encore que tous les crimes qu’il avait os'es jusqu’alors, Fant^omas, que rien n’arr^eterait plus, serait capable de forfaits toujours pires.
20 – L’ALCOOL ASSASSIN