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— Ces gens-l`a ont des qualit'es, fit-il. Seulement voil`a, peut-^etre ne sont-ils pas employ'es d’une facon conforme `a leurs aptitudes… Au surplus, peu importe, l`a n’est pas la question pour le moment.
***
Juve, enfin, avait quitt'e le cabinet du chef de la S^uret'e.
Il sauta dans une voiture, et mettant `a ex'ecution son projet primitif, se fit conduire rue de la Paix.
Il 'etait onze heures du matin environ lorsque le c'el`ebre inspecteur franchit le seuil du somptueux immeuble occup'e par la maison Rivel soeurs. Il arrivait au premier 'etage par un large escalier tout d'ecor'e de plantes vertes. Une jeune femme fort 'el'egante vint au devant de lui.
Elle lui fit un signe aimable, puis pr'ec'edait le policier dans les salons dont les parquets minutieusement cir'es semblaient ^etre un redoutable skating.
Juve, surpris, tr'ebucha deux ou trois fois, ce qui d'etermina autour de lui quelques petits rires 'etouff'es. Il y avait, en effet l`a une multitude de jeunes femmes et de jeunes filles qui s’agitaient comme un essaim bourdonnant de papillons, ayant l’air fort occup'e d’un tas de choses ind'efinissables, donnant l’impression d’une activit'e extr^eme, laquelle dissimulait une absence totale de travaux.
Toutefois, la personne qui avait pr'ec'ed'e Juve dans cette pi`ece, lui demanda avec un air gracieux :
— Vous venez sans doute pour un essayage, monsieur ?
Le policier ne put s’emp^echer de rire :
— Non, madame, r'epliqua-t-il, je ne suis pas ignorant au point de ne pas savoir que la maison Rivel soeurs n’habille pas les messieurs.
— Oh ! continua la jeune femme, qui rougit, ce n’est pas cela que je voulais dire. Je pensais, monsieur, que vous veniez assister `a l’essayage de quelque dame de vos parentes ou de vos amies.
Juve interrompit :
— Je viens pour voir M. Rivel.
— `A titre personnel, monsieur ?
— Tout ce qu’il y a de plus personnel.
La jeune femme, convaincue qu’elle n’avait pas affaire `a un client, redevint m'efiante, prit un air hautain.
— Ce n’est pas pour des fournitures, je pense ? M. Rivel ne recoit jamais lorsqu’il s’agit d’offres de services.
Juve commencait `a s’impatienter. Il sortit sa carte de sa poche, la glissa dans une petite enveloppe qu’il cacheta :
— Excusez-moi de cette incorrection, fit-il, en s’adressant `a son interlocutrice, et veuillez faire parvenir ceci `a M. Rivel.
Il lui tendit le pli.
Un peu d'epit'ee de ne pas savoir le nom du visiteur qui semblait tant d'esirer voir personnellement le grand patron, la jeune femme salua imperceptiblement, puis disparut dans les salons.
Quelques instants apr`es, un domestique venait au-devant de Juve.
— Si monsieur veut me suivre ? demanda-t-il.
Juve obtemp'era. Il traversa une galerie, une autre, passa au milieu de plusieurs salons, o`u des clientes discutaient avec des vendeuses, il s’effaca `a maintes reprises le long des murs orn'es de grandes glaces pour laisser passer de superbes mannequins qui d'efilaient avec des attitudes majestueuses et sculpturales et, enfin, fut introduit dans un cabinet d'ecor'e avec un luxe superflu : le cabinet de M. Rivel soeurs.
***
Juve en sortait deux heures apr`es. Il avait son visage des bons jours et semblait tr`es satisfait des renseignements qu’il avait d^u recueillir.
Cependant qu’il se dirigeait `a pied vers la Pr'efecture de police, Juve pensait :
— Voyons, r'esumons la situation. Il r'esulte, des rapports faits par les inspecteurs `a M. Havard, que les billets suspects ont 'et'e r'epandus dans les quartiers de l’'Etoile, de la Porte Dauphine et du bois de Boulogne. Ils ont 'et'e 'ecoul'es dans une client`ele riche, ou chez des fournisseurs de luxe, Je viens d’apprendre, d’autre part, chez ce couturier `a la mode, qu’une liasse de 10 000 francs lui a 'et'e pay'ee hier par une Am'ericaine, sa cliente, miss Sarah Gordon, personnalit'e bien parisienne parce qu’'etrang`ere, et qui fr'equente les restaurants chics, les courses, le quartier des Champs-'Elys'ees. Bien. Ce sont l`a des 'el'ements qui ne sont pas absolument probants, et il faut que je compl`ete ma documentation sur cette personne. Mais, d’autre part, je sais par mes renseignements personnels ce d'etail que je crois tr`es important : depuis quarante-huit heures, au bureau de tabac qui fait le coin du boulevard de Courcelles et de la rue de Prony, on a pass'e une quantit'e anormale de ces billets de Banque. Ce bureau de tabac a, en outre, la sp'ecialit'e des cartes `a jouer, il en d'ebite 'enorm'ement. Pourquoi ?
Quelques instants Juve demeura perplexe. Il cheminait le long des quais et, sans souci du spectacle toujours pittoresque que lui offrait la rue d’une part, et le fleuve de l’autre, il semblait fixer obstin'ement en marchant la pointe de ses souliers.
Juve s’arr^eta soudain, puis, apr`es ce temps d’arr^et, il repartit, pressant l’allure dans la direction de la Pr'efecture.
— Pourquoi ? r'ep'etait-il, pourquoi ce bureau de tabac vend-il tant de cartes `a jouer ? Parbleu ! Rien n’est plus simple `a comprendre et je suis un enfant de ne pas l’avoir devin'e tout de suite. Parbleu oui ! Voil`a l’explication et je sais maintenant o`u d'ecouvrir la source qui r'epand sur Paris ces billets de Banque vol'es dans les coffres du Tr'esor.
Une demi-heure apr`es, Juve 'etait `a nouveau dans le cabinet de M. Havard.
— Eh bien, Juve ? demanda celui-ci, satisfait de voir que le visage de l’inspecteur s’'etait 'epanoui.
— Eh bien, poursuivit le policier, je crois, monsieur Havard, que nous allons faire du bon travail cette nuit. J’ai besoin de quelques hommes, des agents en bourgeois simplement. Ah, et puis aussi, si vous n’y voyez pas d’inconv'enients, ayez donc l’obligeance de mettre `a ma disposition M. Sibelle.