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Том 7. О развитии революционных идей в России
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Герцен Александр Иванович

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Pouchkine rentra et ne reconnut plus ni la soci'et'e de Moscou ni la soci'et'e de P'etersbourg. Il ne trouva plus ses amis, on n'osait m^eme pas prof'erer leur nom, on ne parlait que d'arrestations, de visites domiciliaires, d'exil; tout 'etait sombre et terrifi'e. Il rencontra un instant Mickiewicz, cet autre po`ete slave; ils se tendirent la main comme au milieu d'un cimeti`ere. L'orage grondait sur leurs t^etes: Pouchkine revenait de l'exil, Mickiewicz s'y rendait. Leur entrevue fut lugubre, mais ils ne se comprirent pas. Le cours de Mickiewicz, au Coll`ege de France, a mis au jour le dissentiment qui existait entre eux; pour un Polonais et un Russe le temps de se comprendre n''etait pas encore arriv'e.

Nicolas, continuant la com'edie, nomma Pouchkine gentilhomme de la chambre. Celui-ci saisit le trait et ne vint pas `a la cour. On lui pr'esenta alors l'alternative de se rendre au Caucase ou de rev^etir l'habit de cour. Il 'etait d'ej`a mari'e `a une femme qui a caus'e ensuite sa perte, un second exil qui paraissait plus p'enible que le premier, – il opta pour la cour. On reconna^it le mauvais c^ot'e du caract`ere russe dans ce manque de fiert'e, de r'esistance, dans cette souplesse douteuse.

Le grand-duc h'eritier le complimentant un jour `a l'occasion de sa promotion, «Altesse, lui r'epondit Pouchkine, vous ^etes le premier qui me f'elicitez `a ce sujet».

En 1837, Pouchkine fut tu'e en duel par un de ces spadassins 'etrangers qui, comme les mercenaires du moyen ^age ou les Suisses de nos jours, vont mettre leur 'ep'ee au service de tout despotisme. Il tomba au milieu de la pl'enitude de ses forces, sans avoir achev'e ses chants, sans avoir dit ce qu'il avait `a dire.

Tout P'etersbourg, `a l'exception de la cour et de son entourage, pleura; ce fut alors seulement qu'on vit quelle popularit'e il avait acquise. Pendant son agonie, une foule compacte se pressait autour de sa maison pour avoir des nouvelles de sa sant'e. Comme c''etait `a deux pas du Palais d'hiver, l'empereur put, de ses fen^etres, contempler la foule; il en concut de la jalousie et confisqua au public les fun'erailles du po`ete; on transporta furtivement, par une nuit glaciale, le corps de Pouchkine, entour'e de gendarmes et d'agents de police, dans une tout autre 'eglise que celle de sa paroisse; l`a, un pr^etre lut h^ativement la messe des morts, un tra^ineau emporta le corps du po`ete dans un couvent du gouvernement de Pskov, o`u se trouvaient ses terres. Lorsque la foule ainsi tromp'ee se porta `a l''eglise o`u avait 'et'e d'epos'e le d'efunt, la neige avait d'ej`a effac'e toute trace du convoi.

Un sort terrible et sombre est r'eserv'e chez nous `a quiconque ose lever la t^ete au-dessus du niveau trac'e par le sceptre imp'enal; po`ete, citoyen, penseur, une fatalit'e inexorable les pousse dans la tombe. L'histoire de notre litt'erature est un martyrologe ou un registre des bagnes. Ceux-m^emes que le gouvernement a''epargn'es p'erissent, `a peine 'eclos, se pressant de quitter la vie. L`a sotto i giorni brevi e nebulosi Nasce una go^ute a cui il morir non duole.

Ryl'eieff pendu par Nicolas.

Pouchkine tu'e dans un duel, `a trente-huit ans.

Gribo"i'edoff assassin'e `a T'eh'eran.

Lermontoff tu'e dans un duel, `a 30 ans, au Caucase.

V'en'evitinoff tu'e par la soci'et'e, `a vingt-deux ans.

Koltzoff tu'e par sa famille, `a trente-trois ans.

B'elinnski tu'e, `a trente-cinq ans, par la faim et la mis`ere.

Pol'eja"ietf mort dans un h^opital militaire, apr`es avoir 'et'e forc'e de servir comme soldat au Caucase pendant huit ann'ees.

Baratynski mort apr`es un exil de douze ans.

Bestoujeff succomb'e au Caucase tout jeune encore, apr`es les travaux forc'es en Sib'erie…

«Malheur, dit l'Ecriture, aux peuples qui lapident leurs proph`etes!» Mais le peuple russe n'a rien `a craindre, car il n'y a rien `a ajouter `a son malheureux sort.

V

La litt'erature et l'opinion publique apr`es le 14 d'ecembre 1825

Les vingt-cinq ann'ees qui suivent le 14 (26) d'ecembre sont plus ditficiles `a caract'eriser que toute l''epoque 'ecoul'ee depuis Pierre Ier. Deux courants en sens inverse, l'un `a la surlace, l'autre `a une profondeur o`u on le distingue `a peine, embrouillent l'observation. A l'apparence, la Russie restait immobile, elle paraissait m^eme reculer; mais, au fond, tout prenait une face nouvelle, les questions devenaient plus compliqu'ees, les solutions moins simples.

A la surface de la Russie officielle, «de l'empire des facades», on ne voyait que des pertes, une r'eaction f'eroce, des pers'ecutions inhumaines, un redoublement de despotisme. On voyait Nicolas entour'e de m'ediocrit'es, de soldats de parades, d'Allemands de la Baltique et de conservateurs sauvages, lui-m^eme m'efiant, froid, obstin'e, sans piti'e, sans hauteur d'^ame, m'ediocre comme son entourage. Imm'ediatement au-dessous de lui se rangeait la haute soci'et'e qui, au premier coup de tonnerre qui 'eclata sur sa t^ete apr`es le 14 d'ecembre, avait perdu les notions `a peine acquises d'honneur et de dignit'e. L'aristocratie russe ne se releva plus sous le r`egne de Nicolas, sa fleuraison 'etait pass'ee; tout ce qu'il y avait de noble et de g'en'ereux dans son sein 'etait aux mi-Qes ou en Sib'erie. Ce qui restait ou se maintint dans les bonnes gr^aces du ma^itre, tomba `a ce degr'e d'abjection ou dе servilisme qu'on conna^it par le tableau qu'en a trac'e M. de Custine.

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