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Том 7. О развитии революционных идей в России
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Герцен Александр Иванович

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Il y a pour moi quelque chose de tragique dans cette distraction senile, avec laquelle le vieux monde confond toutes les notions concernant son antagoniste.

Dans cet amas d'opinions contradictoires percent tant de connaissances immobiles, une si triste l'eg`eret'e, des pr'ejug'es tellement tenaces, que, malgr'e nous, notre regard ne trouve d'autre point de comparaison dans l'histoire que celui de la d'ecadence romaine.

Alors aussi, `a la veille de la r'evolution chr'etienne, `a la veille de la victoire des barbares, l'on proclamait l''eternit'e de Rome, la folie impuissante de la secte nazar'eenne, et la chim`ere des dangers qu'annoncait le mouvement du monde barbare.

C'est `a vous, Monsieur, que revient `a juste titre le m'erite d'avoir parl'e le premier en France de la Russie populaire; vous aviez d'ej`a appliqu'e la main sur le coeur, sur la source m^eme de la vie; la v'erit'e allait jaillir sous la pression de votre puissant g'enie, quand, soudain par un mouvement de col`ere vous avez retir'e cette main fraternelle, et la source aussit^ot vous a apparu troubl'ee et confuse.

J'ai lu, avec une profonde douleur, vos paroles irrit'ees. Triste, le coeur gros, je cherchais en vain, je l'avoue, l'historien, le philosophe, et plus que tout cela, l'homme aimant que nous onnaissons tous. J'ai h^ate de le dire; j'ai parfaitement appr'eci'e la cause de votre indignation: la sympathie pour la malheureuse Pologne a parl'e par vous. Nous aussi, nous la connaissons, Monsieur, la sympathie pour nos fr`eres polonais, et chez nous ce n'est pas de la compassion, c'est du remords, c'est de la honte. Aimer la Pologne! Nous l'aimons tous, mais est-ce bien la cons'equence in'evitable de ce sentiment que de lui victimer un peuple 'egalement malheureux, un peuple qui a d^u pr^eter ses mains gar-rot'ees `a un gouvernement f'eroce pour commettre des crimes? Soyons g'en'ereux, et n'oublions pas que nous venons de voir un peuple qui, arm'e du suffrage universel et de ba"ionnettes citoyennes, n'en a pas moins consenti au r'etablissement de l'ordre de Varsovie `a Rome; ne voyons-nous pas aujourd'hui… mais regardez plut^ot ce qui se passe sous vos yeux… et pourtant nous ne disons pas que les Francais ont cess'e d'^etre hommes; nous attendons.

Il est temps d'oublier cette lutte malheureuse entre des fr`eres; parmi nous, il n'y a pas de vainqueur; la Pologne ainsi que la Russie succombent `a un ennemi commun. Le martyr, l'offens'e lui-m^eme, se d'etourne d'un pass'e 'egalement douloureux pour nous tous. L'ami illustre que vous citez, le grand po`ete Mickiewicz, en est une preuve.

Ne dites pas, Monsieur, en parlant des opinions du barde polonais, que c'est «de la cl'emence», que «ce sont des erreurs des saints». Non; ce sont l`a des fruits d'une longue et consciencieuse m'editation, d'une intuition profonde des destin'ees du monde slave. Il est beau de pardonner `a ses ennemis, mais il est quelque chose de plus humain encore: c'est de les comprendre, car comprendre c'est d'ej`a absoudre, r'ehabiliter, se r'econcilier.

– Le monde slave tend `a s'unir; cette tendance appara^it imm'ediatement apr`es la p'eriode napol'eonienne. L'id'ee d'une f'ed'eration slave germait d'ej`a dans les plans r'evolutionnaires de Pestel et de Mouravioff. Plusieurs Polonais ont pris part `a la conspiration russe.

Lorsque la r'evolution de 1830 'eclata `a Varsovie, le peuple russe ne manifesta aucune animosit'e contre les rebelles du tzar;»a jeunesse 'etait, coeur et ^ame, pour la cause polonaise. Je me rappelle avec quel enthousiasme nous nous pr'ecipitions vers les nouvelles de Varsovie; nous avons pleur'e comme des enfants au r'ecit du service fun`ebre c'el'ebr'e dans la capitale de la Pologne, en honneur de nos martyrs de P'etersbourg. La sympathie pour les Polonais nous exposait `a des punitions criminelles; il fallait la refouler dans son coeur et se taire.

Il est possible qu'un sentiment d'animosit'e, sentiment d'ailleurs parfaitement m'erit'e, et celui d'un patriotisme exclusif, avait pr'edomin'e encore en Pologne lors de la guerre de 1830. Depuis, Mickiewicz, les travaux philologiques et historiques de plusieurs 'ecrivains slaves, une connaissance plus approfondie des peuples europ'eens acquise pendant le triste p`elerinage de l''emigration, ont donn'e aux id'ees une tout autre direction. Les Polonais ont senti que la guerre n''etait pas entre eux et le peuple russe; ils ont compris qu'ils ne pouvaient combattre autrement que POUR LEUR LIBERT'E ET LA N^OTRE, ainsi que le disait l'inscription sublime de leur drapeau r'evolutionnaire.

L'h'ero"ique 'emissaire Konarski, qui fut en 1839 tortur'e et fusill'e `a Vilna, appelait `a la r'evolte les Russes et les Polonais sans distinction de nationalit'e. La Russie le remercia d'une mani`ere qui fut aussi tragique que tout ce qu'elle fait depuis qu'une botte `a l'allemande foule sa poitrine.

Un jeune homme enthousiaste, ardent, d'evou'e, officier russe du r'egiment en garnison `a la forteresse, Korava"ieff, r'esolut de sauver Konarski. Son jour de service arrivait; il avait d'ej`a tout pr'epar'e pour la fuite, quand, trahi par un malheureux coaccus'e du martyr polonais, il se vit d'ejou'e dans son projet. Le jeune homme fut arr^et'e; charg'e de fers, il est all'e expier, aux mines de la Sib'erie, le r'eveil d'un devoir sup'erieur `a sa consigne. On n'a jamais entendu parler de lui.

J'ai pass'e cinq ann'ees en exil, dans les provinces 'eloign'ees de l'empire; j'ai eu l'occasion d'y rencontrer une grande quantit'e de Polonais exil'es; il y en a dans chaque ville de district, des familles enti`eres ou des malheureux isol'es. Je m'en rapporterais volontiers `a leur t'emoignage; j'en suis convaincu que la sympathie ne leur a pas fait d'efaut parmi les habitants du pays. Il est bien entendu, Monsieur, que je ne parle ici ni de la police, ni de la haute hi'erarchie militaire. Cette derni`ere ne se distingue nulle part par son amour pour la libert'e, et encore moins en Russie Je pourrais aussi vous citer les 'etudiants polonais envoy'es chaque an dans les universit'es russes, afin d'^etre tenu loin des 'ecoles polonaises; qu'ils racontent l'accueil que leur faisaient partout leurs nouveaux camarades. Ils nous quittaient les larmes aux yeux.

Vous vous rappelez, Monsieur, qu'en 1847, `a Paris, lorsque les 'emigr'es polonais c'el'ebraient l'anniversaire de leur r'evolution, un Russe se pr'esenta `a leur tribune pour demander l'amiti'e et l'oubli du pass'e. C''etait notre malheureux ami Michel Bakou-nine. Au reste je ne veux pas seulement en appeler `a l'exemple d'un de mes compatriotes. Je choisis parmi ceux que l'on croit ^etre nos ennemis, un homme que vous-m^eme avez nomm'e dans votre belle l'egende sur Kosciusko. Interrogez `a ce sujet le Nestor de la d'emocratie polonaise, demandez des renseignements `a M. Biernacki, l'un des ministres de la Pologne r'evolutionnaire. Je m'en rapporte `a cette noble intelligence, que d'ailleurs de longs malheurs auraient certainement pu aigrir contre tout ce qui porte le nom de Russe; il ne d'ementira pas mes paroles.

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