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Том 7. О развитии революционных идей в России
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Герцен Александр Иванович

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Vous n'avez pas 'et'e plus indulgent pour le mouvement intellectuel que pour le caract`ere populaire; d'un seul trait de plume vous en avez effac'e tout le travail, un travail produit par des mains encha^in'ees.

Un des personnages de Shakespeare ne sachant comment humilier un adversaire m'epris'e, lui dit: «Je doute m^eme si tu existes!» Vous ^etes all'e plus loin, Monsieur; vous ne doutez m^eme de la non-existence de la litt'erature russe.

Je cite textuellement vos paroles:

«Nous ne nous amusons pas `a regarder en haut, si quelques gens d'esprit de P'etersbourg, s'exercant dans la langue russe, comme dans une langue savante, ont amus'e l'Europe de la p^ale repr'esentation d'une pr'etendue litt'erature russe. Sans m0ll respect pour Mickiewicz, pour les erreurs des saints, j'accuserais volontiers la facilit'e (disons m^eme la cl'emence) avec laquelle il a bien voulu parler s'erieusement de cette plaisanterie».

Je cherche en vain, Monsieur, la raison de cet accueil de d'edain avec lequel vous recevez le premier cri de douleur d'un peuple qui se r'eveille en prison, 'elan que la main du ge^olier s'efforce d''etouffer d'ej`a `a sa naissance.

Pourquoi n'avez-vous pas voulu pr^eter l'oreille aux accents d'echirants de notre po'esie si triste, de nos chants qui ne sont que des larmes sonores? Quel est le voile qui est venu vous d'erober la vue de notre rire convulsif, de cette ironie perp'etuelle qui cache notre coeur profond'ement ulc'er'e, et qui n'est au fond que la conscience fatale de notre impuissance?

Ah, que je voudrais pouvoir traduire dignement pour vous quelques pi`eces lyriques de Pouchkine, de Lermontoff, ou quelques chansons populaires de Koltzoff! Vous nous tendriez une main cordiale, Monsieur, vous seriez alors le premier `a nous demander l'oubli de vos affirmations pr'ec'edentes.

Apr`es le communisme moujique, rien ne caract'erise plus la Russie, rien ne pr'esage autant son avenir, que son mouvement litt'eraire.

Entre le paysan et la litt'erature, se dresse le monstre de la Russie officielle, de la «Russie-mensonge», de la «Russie-chol'era», ainsi que vous l'avez parfaitement nomm'ee.

Cette Russie commence par l'empereur et continue de soldat `a soldat, de greffier `a greffier, jusqu'au plus petit adjoint d'un commissaire de police dans le district le plus 'eloign'e de l'empire. C'est ainsi qu'elle se d'eroule et qu'elle gagne `a chaque degr'e, comme dans les Bolgi de Dante, une nouvelle puissance de mal, une plus grande intensit'e de d'epravation et de tyrannie. Pyramide vivante de crimes, d'abus, de concussions, de b^atons de police, d'administrateurs allemands sans coeur et toujours affam'es, de juges ignorants et toujours ivres, d'aristocrates toujours laquais; le tout soud'e par la complicit'e, parle partage du butin, et appuy'e enfin sur six cent mille machines organiques `a ba"ionnette.

Le paysan ne se souille jamais par le contact avec ce monde de cynisme gouvernemental; il l'endure, voil`a sa seule complicit'e.

Le camp oppos'e `a la Russie officielle se forme d'une poign'ee d’hommes r'esign'es, qui protestent, qui la combattent, qui la d'evoilent, qui la minent.

Lutteurs isol'es de temps `a autre ils se voient tra^in'es aux casemates, tortur'es, d'eport'es en Sib'erie, mais les postes ne restent oas longtemps vacants; de nouveaux combattants s'avancent; c'est l`a notre tradition, c'est l`a notre majorat `a nous.

Les cons'equences terribles de la parole humaine en Russie, en augmentent n'ecessairement la force. La voix de l'homme libre est recueillie avec sympathie et v'en'eration, car pour l''elever chez nous, il faut absolument avoir quelque chose `a dire. On ne se d'ecide pas trop l'eg`erement `a publier ses pens'ees, lorsque au bout de chaque feuille, l'on voit poindre le gendarme, la tro"ika, la kibitka, et en perspective Tobolsk ou Irkoutsk.

J'ai assez parl'e dans ma pr'esente brochure de la litt'erature russe; je n'ajouterai ici que quelques r'eflexions g'en'erales.

Tristesse, scepticisme, ironie, telles sont les trois cordes de la lyre russe.

Lorsque Pouchkine commence un de ses meilleurs po`emes par ces mots calmes et lugubres: «Il n'y a pas de justice sur la terre… mais encore il n'y en a pas l`a-haut! C'est clair comme une simple gamme musicale!» [60] Ne croiriez-vous pas, Monsieur, sentir votre coeur glac'e, entrevoir derri`ere cette apparente tranquillit'e, une existence bris'ee, deviner un homme qui s'habitue d'ej`a `a souffrir?

60

Mozart et Salieri. Ce po`eme est traduit en allmand, par M. Kodenstadz!

Lermontoff, accabl'e du d'ego^ut de la soci'et'e au milieu de laquelle il vivait, adresse, `a peine ^ag'e de 30 ans, `a ses contemporains les paroles suivantes:

«Je contemple avec douleur notre g'en'eration; son avenir est vide et sombre; elle vieillira dans l'inaction, elle s'affaissera sous le poids du doute et d'une science st'erile.

La vie nous fatigue comme un long voyage sans but.

Nous sommes comme ces fruits pr'ecoces qui s''egarent parfois, orphelins 'etrangers parmi les fleurs; ils ne charment ni l'oeil ni le go^ut; ils tombent au moment de m^urir…

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