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Том 7. О развитии революционных идей в России
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Герцен Александр Иванович

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Les grands princes de Moscou 'echang`erent leur titre contre celui de Tzars de toutes les Russies. L'humble titre de grand prince ne leur suffit plus, il leur rappelait trop l''epoque de Kiev et les v'etch'es. Vers le m^eme temps, le dernier empereur de By-zance tomba perc'e de coups, sous les murs de Constantinople. Ivan III 'epousa Sophie Pal'eologue; l'aigle `a deux t^etes, chass'e de Constantinople, apparut sur le pavillon des tzars moscovites. Les moines grecs proph'etisaient dans tout l'Orient chr'etien que la vengeance n''etait pas loin et qu'elle viendrait du Nord: le clerg'e byzantin craignait comme le plus grand malheur, de voir les Latins venir `a leur secours, et n'avait d'espoir qu'en l'aide des tzars. Ce fut alors qu'il commenca avec une nouvelle ardeur, `a byzantiniser le gouvernement. Le clerg'e devait n'ecessairement d'esirer organiser la Russie selon la mani`ere des Comn`ene et des Pal'eologue, d'en faire un empire muet, ob'eissant `a une foi aveugle, d'enu'e de lumi`eres, et au-dessus duquel planerait un tzar divinis'e, mais brid'e par la puissance cl'ericale.

Remis peu `a peu des ravages des Mongols, le peuple russe se trouva face `a face avec le tzar, avec une monarchie illimit'ee, devenue accablante par le poids qu'elle avait acquis `a l'ombre du khanat. Le tzar avait d'ej`a r'euni une grande partie des apanages et les avait incorpor'es au domaine de Moscou. Il 'etait devenu beaucoup plus puissant que les autres princes r'eunis et le peuple des villes. S'il trouvait des rebelles, il les soumettait, princes ou villes avec une f'erocit'e sanguinaire. Novgorod tint bon, mais elle finit par succomber; la grande cloche qui appelait le peuple sur la place publique, la cloche dite des v'etch'es fut transport'ee comme un troph'ee `a Moscou, cette ville qui nagu`ere encore avait et'e m'epris'ee des Novgorodiens. Les ambassadeurs de Novgorod dirent `a Ivan III: «Tu nous ordonnes de nous conformer aux lois de Moscou, mais nous ne connaissons pas les lois de Moscou, apprends-nous `a les conna^itre». Ivan IV n'oublia pas cette ironie. Apr`es le sac de Novgorod, apr`es la prise de Pskov, apr`es l'asservissement de Tver, les autres villes ne purent m^eme pas penser `a une r'esistance s'erieuse, d'autant plus qu'elles avaient beaucoup souffert des invasions soit des Mongols, soit des Polonais ou des Lithuaniens. Les v'etch'es s''eteignaient les uns apr`es les autres, un silence profond gagnait tout l'Etat, les tzars devenaient autocrates, omnipotents…

Le byzantinisme inocul'e par le clerg'e au pouvoir restait pourtant plus `a la surface qu'il ne d'epravait le fond de la nation. Il n''etait en rapport ni avec le caract`ere national, ni m^eme avec le gouvernement.Le byzantinisme, c'est la vieillesse, la fatigue, la r'esignation de l'agonie; le peuple russe 'etait ruin'e, abaiss'e, il n'avait pas assez d''energie pour se relever, mais il 'etait jeune, et, en r'ealit'e, il n'y avait pas en lui de d'esespoir, il avait plut^ot d'esert'e le champ de bataille qu'il n'avait 'et'e vaincu; perdant ses droits dans les villes, il les conservait au sein des communes rurales. Comment pouvait-il donc descendre vivant au cercueil, comme l'a fait Charles V, et se borner aux fun'erailles pompeuses et solennelles d'apr`es le rite byzantin!

Ceci est tellement vrai, que chaque individualit'e 'energique qui occupa le tr^one de Moscou, s'efforca de rompre le cercle 'etroit de formalisme dans lequel se trouvait plac'e son pouvoir. Ivan IV, Boris Godounoff, le pseudo-D'em'etrius travaill`erent, avant Pierre Ier, `a changer l'atmosph`ere soporifique et lourde du palais de Kremlin; ils suffoquaient eux-m^emes. Ils voyaient que, sous ce regime de formalit'es pu'eriles et d'esclavage r'eel, le pays se d'emoralisait de plus en plus, que rien ne progressait,que l'administration provinciale devenait toujours plus on'ereuse pour les sujets, sans aucun profit pour l'Etat. Ils voyaient que les pri`eres du patriarche de Moscou et les images miraculeuses venant du mont Athos ne suffisaient pas pour les tirer de cet 'etat de torpeur pr'ecoce.

Ivan le Terrible osa appeler `a son aide les institutions communales; il r'edigea son code dans le sens des anciennes franchises: il laissa la perception des imp^ots et toute l'administration des provinces `a des fonctionnaires 'electifs, il agrandit les attributions du jury en lui soumettant les proc`es criminels, et en exigeant son assentiment pour tout emprisonnement. Il voulut m^eme abolir la charge des intendants des provinces et laisser `a celles-ci pleine libert'e de se gouverner elles-m^emes, sous la direction d'une chambre ad hoc. Cependant la libert'e communale frapp'ee par ses pr'ed'ecesseurs ne renaissait pas `a l'invitation d'un tzar omnipotent et f'eroce. Tous ses projets furent contrecarr'es et sont rest'es st'eriles; telle a 'et'e vers la fin du XVIe si`ecle la d'esorganisation et l'apathie g'en'erale. Furieux de d'esespoir, Ivan multiplia ses ex'ecutions d'une cruaut'e raffin'ee, par haine et par d'ego^ut. – «Je ne suis pas Russe, je suis Allemand», a-t-il dit un jour `a son orf`evre d'origine 'etrang`ere.

Boris Godounoff pensa s'erieusement `a se rapprocher de l'Europe, `a introduire les arts et les sciences de l'Occident, `a 'etablir des 'ecoles; mais, sous ce dernier rapport, il trouva une opposition d'ecid'ee de la part du clerg'e. Celui-ci se soumettait `a tout, mais il craignait les lumi`eres qui n'avaient point leur source dans l'orthodoxie. Il n''etait pas facile aussi de faire venir des 'etrangers, attendu que les peuples baltiques leur barraient la route. On e^ut dit que, pressentant l'asservissement actuel de leurs descendants par la Russie, ils interceptassent chaque rayon de lumi`ere venant d'Occident en Moscovie.

Ce que Boris n'a os'e faire, le faux D'em'etrius le tenta. Homme instruit, civilis'e, chevaleresque, il obtint le tr^one par une guerre civile, faite au nom de la l'egitimit'e et soutenue par la Pologne et les Cosaques. D'em'etrius attaqua plus directement que son pr'ed'ecesseur les anciennes coutumes et les moeurs stationnaires de la Russie. Il ne cachait ni ses plans de r'eforme, ni ses pr'edilections pour les moeurs polonaises et l''eglise romaine.

Le peuple de Moscou, soulev'e par des boyards rebelles au nom de l'orthodoxie et de la nationalit'e en danger, envahit le palais, massacra le jeune tzar, profana son cadavre, le br^ula, et apr`es avoir bourr'e un canon de ses cendres, les dispersa au vent.

La fermentation, surexcit'ee par ces 'ev'enements, r'epandit une activit'e f'ebrile dans tout l'Etat. La Russie s'agita de Kazan, jusqu'`a la Neva et la Pologne… Etait-ce un effort instinctif du, peuple pour se constituer d'une autre mani`ere, ou bien la derni`ere convulsion du d'esespoir, apr`es laquelle il devint passif et laissa faire, jusqu'`a nos jours, le gouvernement?..

La confusion, l'irritation furent grandes, le sang coula partout. Apr`es la mort du pseudo-D'em'etrius, on produisit un second pr'etendant, puis un troisi`eme… L'un d'eux se tenait `a quelques lieues de Moscou, dans un camp retranch'e, entour'e de corps francs-russes, de Polonais et de Cosaques. Les provinces s'armaient, les unes pour aller au secours de Moscou, les autres pour aider aux pr'etendants; le palais du Kremlin restait vide, il n'y avait pas de tzar, pas m^eme de gouvernement r'egulier. Le roi Sigismond de Pologne voulait imposer `a la Russie son fils Vla-dislaf; une arm'ee su'edoise occupait le Nord de la Russie et voulait faire monter un de ses princes sur le tr^one russe; le peuple opta pour les princes Chou"iski, tandis que les provinces ne voulaient pas en entendre parler. L'interr`egne, la guerre civile, la guerre avec les Polonais, les Cosaques et les Su'edois, l'absence de tout gouvernement dur`erent quatre ans. Les derni`eres forces du peuple furent 'epuis'ees dans la d'efense de l'ind'ependance politique, aucun sacrifice ne lui co^uta. Le boucher de Nijni, Minine et le prince Pojarski sauv`erent la patrie, mais ils ne la sauv`erent que des 'etrangers. Le peuple, las de troubles, de pr'etendants, de guerre, de pillage, voulait le repos `a tout prix. Ce lut alors qu'on fit une 'election h^ative, en dehors de toute l'egalite, sans consulter le peuple; on proclama le jeune Romanoll tzar de toutes les Russies. Le choix tomba sur lui, parce que, en rertu de son ^age, il n'inspirait d'ombrage `a aucun parti. Ce fut une 'election dict'ee par la lassitude.

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