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Fandor contourna l’immeuble une fois encore, il arrivait devant la facade de l’avenue de Latour-Maubourg, lorsqu’il vit un petit p^atissier s’introduire dans la maison.
Naarboveck habite seul avec sa fille, m’a dit M. Dupont (de l’Aube), se dit le journaliste, c’est donc qu’il recoit du monde `a d^iner ce soir. Renoncant `a son id'ee premi`ere : se pr'esenter tout de suite au diplomate, Fandor d'ecida apr`es r'eflexion :
— Ma foi, je m’en vais d^iner aussi. Autant leur donner une heure de r'epit.
Le journaliste savait, par exp'erience, combien il est mauvais d’interviewer les gens lorsqu’ils sont press'es, attendus, ou `a jeun.
Fandor avisa un marchand de vins. Trois quarts d’heure apr`es, Fandor sortait de la boutique, ayant mal d^in'e, mais compl`etement renseign'e sur l’existence priv'ee et publique du personnage chez lequel il allait se rendre. Il avait fait bavarder ses voisins, le patron de l’'etablissement ; Fandor aurait pu dire `a quelle heure se levait Naarboveck, quelles 'etaient ses habitudes, s’il faisait maigre le vendredi et le prix qu’il payait ses cigares.
***
— M. de Naarboveck, s’il vous pla^it ?
Neuf heures sonnaient, en effet.
— C’est ici qu’il demeure, monsieur, r'epondit le serviteur.
Fandor tendit sa carte, ainsi que la lettre de M. Dupont (de l’Aube).
— Voulez-vous passer ceci, demanda-t-il et me faire savoir si M. de Naarboveck peut me recevoir ?
Le concierge invita le jeune homme `a le suivre.
Ils gravirent les marches du perron, le portier sonna, un valet de pied en petite livr'ee se pr'esenta aussit^ot et prit des mains du portier la lettre et la carte destin'ees `a M. de Naarboveck.
Le domestique, longuement 'epela le nom de Fandor grav'e sur le bristol, regarda l’inconnu, esp'erant qu’il pr'eciserait d’une parole le but de sa visite, mais J'er^ome Fandor demeurait impassible et comme sa qualit'e de journaliste ne figurait point sur sa carte, le domestique en fut pour sa curiosit'e.
— Veuillez attendre un instant ici, fit le laquais d’un air assez aimable, je m’en vais aller voir si monsieur recoit.
Fandor demeura seul dans un vaste hall aux meubles Renaissance o`u des tapisseries de haute lice d'eroulaient sur les murs leurs 'epop'ees grandioses en somptueux tableaux.
Le valet de pied revint en se h^atant.
— Si monsieur veut me suivre ?
D'ebarrass'e de son pardessus, Fandor ob'eit.
Une face du hall donnait sur un grand escalier `a double r'evolution dont la pierre blanche, gris'ee par les ans, s’adoucissait d’un moelleux tapis et qu’ornait une merveilleuse rampe aux rinceaux d'elicats, oeuvre de l’un des ma^itres de la ferronnerie du dix-septi`eme si`ecle.
Le domestique derri`ere lequel marchait le journaliste ouvrit une porte qui acc'edait dans un magnifique salon de r'eception peu meubl'e, mais du plus pur Louis XIV. Aux murs des glaces `a petits panneaux refl'etaient des toiles de ma^itres, tableaux de famille d’une importante valeur artistique, d’une plus grande valeur encore de souvenir.
Cette pi`ece travers'ee, ils passaient encore par des salons d’un go^ut tr`es s^ur.
Fandor parvint enfin au fumoir o`u l’Empire 'etait judicieusement m^el'e aux meubles dont l’Angleterre nous enseigna le confort et dont le cuir fauve s’harmonisait `a merveille avec le rouge de l’acajou vieilli aux bronzes hi'eratiques.
Le domestique lui indiqua un si`ege et disparut.
— Fichtre ! pensa tout haut Fandor lorsqu’il fut seul, le gaillard est joliment bien install'e. Faut croire que de faire de la diplomatie pour le compte du roi de Hesse-Weimar, ca vous nourrit son homme…
Mais le journaliste fut soudain interrompu dans ses r'eflexions. Une porte venait de s’ouvrir donnant passage `a une jeune femme fort 'el'egante.
J'er^ome Fandor salua la jolie apparition.
4 – CHEZ LES NAARBOVECK
— Asseyez-vous donc, monsieur.
— C’est sa fille, pensa Fandor, je suis fichu, le diplomate ne va pas me recevoir. Je le regrette dans un sens, mais de l’autre, cette d'elicieuse personne…
— Vous avez demand'e, monsieur, commencait la jeune femme, `a voir M. de Naarboveck. C’est, sans doute au sujet d’une interview. M. de Naarboveck a pour principe de ne jamais faire parler de lui dans les journaux, aussi ne serez-vous pas 'etonn'e…
Fandor se disait :
— J’en ai pour cinq minutes au moins `a entendre cette gentille personne m’assurer que son p`ere ne veut pas parler. Apr`es quoi, il viendra lui-m^eme, et me racontera tout ce que j’aurai besoin de savoir…
Fandor suivit donc d’une attention distraite le discours de la jeune personne. `A un moment, il placa :
— Monsieur votre p`ere…
Mais son interlocutrice sourit, l’arr^eta net :
— Pardon, monsieur, dit-elle, vous faites erreur : je ne suis pas M lleWilhelmine de Naarboveck, comme vous le supposez, mais bien plus modestement sa dame de compagnie. On m’appelle M lleBerthe…