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— Fandor, tu oublies qu’un document a 'et'e vol'e ?…
— Eh non ! Juve, je ne l’oublie pas ! et c’est pr'ecis'ement ce qui fait que je ne puis croire `a une intervention de Fant^omas… Vous le dites vous-m^eme, le vol d’un document, motif du crime, peut-^etre, permet d’'ecarter l’intervention de Fant^omas puisqu’il permet de conclure qu’il s’agit d’espionnage… Vous ne me croyez pas, Juve ?
— Non, dit-il, je ne te crois pas… D’abord, Fant^omas est capable de tout, du vol d’un document qu’une puissance 'etrang`ere lui paierait peut-^etre fort cher, comme du vol de n’importe quoi… Et puis enfin, petit, un espion, un tra^itre, l’employ'e d’une puissance n’oserait pas tenter le crime qui nous pr'eoccupe. Pour risquer cela, il ne peut y avoir que Fant^omas !…
— C’est votre marotte qui vous inspire toujours… Certes, Juve, je suis bien le premier `a croire `a l’audace de Fant^omas… et si je ne savais tous les secrets de terreur qui peuvent se cacher dans ce mot « espionnage », je serais assez pr^et `a me laisser convaincre… Mais voyez-vous, je le connais, le milieu des espions, je l’ai 'etudi'e, je sais ce qu’on y peut tenter, ce qu’on y peut vouloir… et ce n’est pas `a la l'eg`ere que je vous dis que l’assassinat de Brocq est un crime politique.
Fandor s’interrompit. Juve, soudain, venait de se renverser en arri`ere sur son fauteuil ; le policier riait `a petits 'eclats, d’un rire ironique, continuel, sans fin, le rire qu’il avait `a l’'egard des interlocuteurs qui lui semblaient conter des stupidit'es…
— Mon petit Fandor, dit-il, tu es un excellent garcon et, tu n’en doutes pas, j’ai pour toi la plus vive admiration en m^eme temps que la plus sinc`ere amiti'e. Ce n’est pas d’aujourd’hui que nous nous connaissons et nos relations ne sont pas pr`es de finir… Tout cela m’autorise `a te r'epondre franchement… tu ne m’en voudras pas ?
— Allez donc, Juve ! vous savez bien que non…
— Eh bien, je vais te dire ce que tu m’as dit, j’ai une marotte quand je parle de Fant^omas, soit, eh bien, toi, Fandor, tu vois dans l’assassinat du capitaine Brocq une affaire d’espionnage, parce que tu as, depuis quelque temps, toi aussi, ta marotte… la marotte de l’espionnage…
Et comme Fandor souriait, Juve poursuivit :
— Voyons, r'eponds-moi avec sinc'erit'e, est-il vrai qu’il y a six mois… tiens, juste apr`es l’assassinat de Dollon tu as publi'e dans La Capitaletoute une s'erie de papiers relatifs aux affaires de trahison ?…
— En effet, mais…
— Laisse-moi achever !… Est-il vrai que ces articles ont 'et'e jug'es tr`es remarquables et qu’ils ont fait quelque bruit ?…
— Oui, mais…
— Laisse donc ! Est-il exact que tu as appris `a ce moment ce que c’'etait au juste que le Deuxi`eme Bureau, le monde des espions, et que tu en as 'et'e infiniment frapp'e, infiniment surpris ?
— C’est exact ! Mais encore une fois, Juve, c’est pr'ecis'ement parce que j’ai eu ces renseignements, parce que j’ai pu me rendre compte des secrets terribles qui existent dans ces milieux, que je crois pouvoir, aujourd’hui, rattacher l’affaire Brocq `a un crime d’espionnage…
— Marotte ! Fandor, dis-toi bien une chose : l’assassinat du capitaine s’est pass'e dans de si tragiques circonstances qu’il ne peut ^etre imput'e qu’`a Fant^omas. Inutile de se fermer les yeux pour ne point voir. Inutile de se boucher les oreilles pour ne pas entendre. Inutile d’avoir peur… Il faut que nous soyons braves, au contraire… Il faut que nous regardions la v'erit'e en face… Nous allons ^etre `a nouveau aux prises avec Fant^omas. Voil`a une certitude…
De moins en moins convaincu, Fandor eut `a l’intention de Juve le m^eme petit ricanement que le policier avait eu pour lui quelques instants auparavant.
— Marotte, Juve, dit-il `a son tour… Il n’y a pas de Fant^omas l`a-dedans. Votre affirmation m’avait troubl'e tout `a l’heure, elle me laisse sceptique `a pr'esent… Vos raisons ne sont pas des raisons, vos d'eductions ne sont que des hypoth`eses… Non, voyez-vous, nous sommes bien en face d’une affaire grave, je suis d’accord en cela avec vous, mais s’est tout uniquement une affaire d’espionnage…
Et se levant, le journaliste ajouta :
— Tenez, Juve, voil`a m^eme ce que je m’en vais faire… apr`es tout je suis en vacances et j’ai bien le droit de prendre quelques jours de cong'e… Ce soir m^eme, je publierai dans La Capitaleun grand papier o`u, sans nommer le capitaine Brocq, 'evidemment, je ferai quelques rapprochements avec lui, o`u surtout j’expliquerai ce que sont exactement les espions, leur v'eritable r^ole, que l’on a tort de les consid'erer toujours comme des l^aches, qu’ils doivent, au contraire, pour les besoins de leur profession sinistre, faire preuve et tr`es souvent, d’une exceptionnelle bravoure, o`u je dirai enfin…
Juve haussait les 'epaules, et interrompant son ami, un peu vex'e, quoi qu’il en e^ut, de ne point avoir pu le convaincre :
— O`u tu diras des b^etises, petit, et voil`a… enfin tu es libre !…
Fandor se levait :
— C’est vrai, disait-il, je suis libre, Juve, libre d’aller passer quinze jours au pays du soleil, o`u je serai d’ici quelques heures !… parce qu’apr`es tout… zut !… lisez toujours mon article dans La Capitale, je vous annonce que je vais le soigner tout particuli`erement. Et puis, `a dans quinze jours… Ne r^evez pas trop de Fant^omas, hein ?