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— Vous avez bien fait, monsieur le commissaire, de pareilles choses sont excessivement graves et on ne saurait trop prendre de pr'ecautions. Vous avez la serviette de ce mort ?
— La voici, mon bon ami…
Juve se saisit du portefeuille et l’ouvr^it :
— On ne sait jamais ce qui peut arriver, d'eclara-t-il, si vous le voulez bien, monsieur le commissaire, je m’en vais dresser un bordereau des pi`eces que vous me remettez, je vous laisserai ce bordereau et j’en prendrai un double que je donnerai contre recu au bureau de l’'Etat-Major… De la sorte ma propre responsabilit'e ainsi que la v^otre seront parfaitement d'egag'ees…
Juve et le commissaire s’occupaient depuis quelques minutes `a ce rapide travail de d'epouillement, lorsque soudain, l’inspecteur se leva, et tenant un papier `a la main, marchait de long en large dans le cabinet du commissaire de police, puis se tournant vers le magistrat, interrogeait :
— Vous avez lu cela ?
— Quoi donc ? Non…
— Lisez-le…
Le magistrat prenait le document que lui tendait l’inspecteur. Il lut :
« 'Etat des pi`eces qui m’ont 'et'e soumises par le Deuxi`eme Bureau de l’'Etat-Major dont j’ai sign'e le recu et que je m’engage `a rapporter et `a remettre contre d'echarge au Deuxi`eme Bureau de l’'Etat-Major, le lundi 7 novembre… »
— Eh bien ? interrogea-t-il…
— Eh bien, reprit Juve, comparez les documents qui sont mentionn'es sur cette liste, monsieur le commissaire, avec ceux qui se trouvent dans cette serviette… ce sont les m^emes…
— Naturellement ! ce sont les m^emes ! je le pense bien… cela prouve tout simplement, j’imagine, que cet officier est mort au moment o`u il se rendait `a son bureau pour restituer les papiers et documents qui lui avaient 'et'e confi'es ? Que voyez-vous de surprenant `a cela ?
Juve hocha la t^ete :
— Je vois, fit-il, – il donnait ainsi sans s’en douter une extraordinaire preuve du flair merveilleux dont il 'etait dou'e, – je vois, monsieur le commissaire, que ce que je craignais est vrai… oui, cette liste est bien celle des documents qui sont contenus dans cette serviette, mais…
— Mais quoi ?…
— Mais il en manque un…
Les deux hommes, f'ebrilement, compuls`erent les papiers du capitaine Brocq. Juve avait dit vrai : il manquait en effet un plan, le document N° 6…
— Sapristi… murmura le commissaire, pourvu que cela ne fasse pas encore un scandale d'esagr'eable… Comment savoir si ce document a 'et'e perdu en voiture, s’il a d'ej`a 'et'e restitu'e par le capitaine, ou bien si…
— Ou bien s’il a 'et'e vol'e, ponctua la voix de Juve.
Et la supposition que le policier formulait ainsi – lui qui ne pouvait se douter cependant des craintes que le capitaine Brocq avait eues pendant ses derni`eres minutes de vie, – 'etait si grave, si terrible, si lourde de cons'equences, que le commissaire de police, a son tour, se prit `a trembler :
— Vol'e ! r'ep'eta-t-il, vol'e, mais par qui ? O`u ? Comment ? dans le trajet de la place de l’'Etoile, ici ? pendant qu’on amenait le mort au commissariat ?… Juve, c’est invraisemblable…
Le policier, se promenait toujours dans le cabinet du commissaire de police, le front soucieux, la mine inqui`ete :
— Je n’aime pas ces histoires-l`a, d'eclara-t-il, toutes les affaires o`u sont m^el'ees des officiers et surtout des officiers du Deuxi`eme Bureau, sont terriblement d'elicates… On ne sait jamais o`u elles peuvent vous conduire… ces officiers-l`a, voyez-vous, monsieur le commissaire, ce sont, en v'erit'e, de par leurs fonctions, les ma^itres de toute la d'efense militaire de la France… et dame !…
Juve s’interrompit brusquement, puis questionna :
— Dites-moi, je pourrais voir le corps de ce pauvre homme ?
— Certes… mais que voulez-vous chercher ?
Le commissaire de police guida Juve vers une des salles du commissariat o`u le cadavre du capitaine Brocq gisait 'etendu sur le sol. Des mains pieuses avaient allum'e une bougie et, 'etant donn'e la qualit'e du disparu, deux gardiens de la paix veillaient, attendant que l’on v^int r'eclamer le d'efunt…
— Vous me disiez tout `a l’heure que le professeur Barrel, de l’Acad'emie de M'edecine, s’'etait trouv'e par hasard pr'esent au moment du d'ec`es ?… demanda Juve.
— En effet…
— `A quelle cause attribue-t-il la mort ?
— Tiens, c’est vrai, je n’y pensais plus, vous allez peut-^etre me renseigner, mon cher Juve. Le professeur pr'etend que la mort est due `a un ph'enom`ene d’inhibition… qu’est-ce que cela signifie inhibition ?
— Inhibition… dit-il, peuh !… c’est un mot savant, un mot tr`es savant…