Шрифт:
— Vous ^etes 'eveill'e, caporal ?
(Le pr^etre l’interrogeait enfin `a voix basse…)
— Parfaitement, monsieur l’abb'e. Vous ^etes repos'e ?…
— Je n’ai fait qu’un somme…
— Voulez-vous vous lever le premier, caporal ? Quand vous aurez fini votre toilette, je commencerai la mienne… comme cela, nous ne nous g^enerons point…
— Mais, monsieur l’abb'e, je ne veux pas vous faire attendre, levez-vous d’abord.
— Non pas ! sans facon.
Fandor n’eut garde d’insister.
En deux temps, trois mouvements, ainsi qu’il en avait pris l’habitude `a la caserne, le faux caporal Vinson 'etait d'ebarbouill'e, habill'e, pr^et.
— Mon cher abb'e, d'eclara-t-il alors, si vous le voulez bien, je m’en vais m’assurer que votre m'ecanicien est debout et lui dire de pr'eparer la voiture…
— J’allais vous le demander, caporal…
Le journaliste ne monta nullement r'eveiller le chauffeur. Il descendit, au contraire, dans la cour de l’h^otel o`u, d’un clignement d’oeil, il rassura l’h^otelier.
— Nous avons pass'e une tr`es bonne nuit, je m’en vais voir si la voiture marche bien…
Fandor n’h'esita pas, il 'etait chauffeur expert.
Le jeune homme accomplit rapidement les manoeuvres n'ecessaires, puis affirma `a l’h^otelier qui le consid'erait curieusement :
— Si l’on me demande, dites que je vais faire un essai sur la route et que je reviens dans trois minutes…
Fandor sauta sur le si`ege, embraya, passa en virtuose la gamme des vitesses. La voiture d'eboucha de la vo^ute de l’h^otel sur la grand-route…
— Ficher le camp par Rouen, pensait Fandor, serait 'evidemment pr'ef'erable, car j’aurais beaucoup plus de chance de pouvoir prendre un train express… Mais, d’autre part, puisque j’ai le bonheur de porter l’habit militaire, je courrais gros risque de me faire ramasser… je vois cela d’ici… le sous-off de service s’approchant de moi `a la gare… Peut-^etre suis-je d'ej`a signal'e… Je ne me soucie nullement d’^etre arr^et'e… Au contraire, si je me sauve jusqu’`a une petite gare ignor'ee, je n’aurai qu’`a raconter un boniment fantaisiste `a la buraliste pour obtenir qu’elle me d'elivre, le plus innocemment du monde, un billet pour Paris…
Fandor, sans la moindre h'esitation, tourna vers Barentin…
Il faisait beau, le jour se levait tr`es pur. Fandor go^utait le charme de cette promenade matinale `a travers la campagne normande. Il la go^utait d’ailleurs avec d’autant plus de tranquillit'e d’^ame qu’il se rendait compte qu’il allait 'echapper d'efinitivement aux redoutables cons'equences que pouvait lui valoir sa substitution au caporal Vinson.
— 'Evidemment, se disait-il, il va falloir maintenant que j’abandonne sans retour mon r^ole de militaire… Mais, apr`es tout, cela n’a pas grand inconv'enient. Le vrai Vinson, d’une part, est `a coup s^ur `a l’'etranger, hors d’atteinte… il n’a donc plus rien `a craindre… Et quant `a moi, maintenant, je connais de vue les principaux chefs espions, les fr`eres Noret, de Verdun, l’'el'egant touriste et le faux cur'e… Je continuerai donc tout aussi bien mon enqu^ete dans la peau de Fandor, en me faisant aider par Juve.
Et soudain repris par les inqui'etudes de la veille, Fandor se demandait encore :
— Par exemple, je donnerais bien dix sous et m^eme onze pour savoir exactement qui est ce cur'e ?…
Il venait de traverser en trombe le petit village de Barentin.
— Faudrait voir, murmura-t-il, `a m’orienter tant soit peu… Inutile que j’aille beaucoup plus loin…
Une carriole de paysans le croisait quelques minutes apr`es. Fandor stoppa et demanda au conducteur :
— Dites-moi, monsieur, je suis un peu perdu ; voudriez-vous avoir l’amabilit'e de m’indiquer la premi`ere gare, la gare la plus proche.
L’homme, le courrier de Maronne, obligeamment le renseigna :
— Il faut que vous alliez `a Motteville, mon caporal, vous n’avez qu’`a tourner au premier carrefour et `a suivre tout droit, vous parviendrez tout juste `a la gare…
Le journaliste remercia, embraya `a nouveau :
— Je n’ai plus, pensait-il, qu’`a d'ecouvrir un petit endroit, bien gentil, bien d'esert pour…
Quelques minutes apr`es, profitant d’un bosquet assez couvert occupant l’un des c^ot'es de la route, Fandor donnant de l’'elan `a sa machine, vira carr'ement en plein champ…
L’automobile, lanc'ee, n’enfonca pas trop dans les terres labour'ees. Fandor acc'el'erant le moteur finit par l’amener jusqu’au centre du bouquet d’arbres…
Une fois l`a, il arr^eta, il descendit de voiture et consid'erant l’auto :
— Dommage tout de m^eme, dit-il, la promenade 'etait jolie et ca ronflait joliment bien… mais enfin si j’ai pu emprunter cette voiture, sans scrupules, ce serait v'eritablement exag'er'e et surtout exag'er'ement dangereux que la conserver…