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La jeune fille blonde qui habitait avec le baron de Naarboveck et passait aux yeux de tous pour sa fille, s’appelait-elle bien Wilhelmine de Naarboveck ?
Mais valait il mieux ne rien dire ? Non. Il valait mieux faire parler Wilhelmine, en provoquant le lieutenant, en le forcant `a interroger celle-ci.
Aussi Juve n’h'esita-t-il pas, en d'epit du mal qu’il faisait `a Henri de Loubersac, `a lui dire, hypocritement :
— Il m’en co^ute, monsieur, de vous r'epondre sur ce point, car je crois deviner que votre assiduit'e chez le diplomate de la rue Fabert tient `a ce que vous rencontrez chez lui une d'elicieuse personne dont les charmes ne vous laissent pas insensible. Vous vous souvenez tr`es bien de ce que vous a dit Vagualame, – le faux, – j’insiste sur cette qualit'e, lors de son entretien avec vous sur les berges de la Seine…
Vous ^etes encore aujourd’hui en pr'esence de ce m^eme faux Vagualame… c’est moi, Juve… comme vous savez. Or, j’ai le regret de vous dire que, quelle que soit la forme ext'erieure que j’adopte, ma facon de penser, ma mani`ere de voir les choses, ne varie que bien rarement…
L’officier avait compris, il p^alit. Ses l`evres se contract`erent. Il serra les poings.
Juve, satisfait du r'esultat obtenu, se r'ep'etait l’aphorisme c'el`ebre de Basile : « Calomniez !… calomniez !… il en restera toujours quelque chose. » La nuit 'etait tout `a fait venue. Tandis que de Loubersac restait aux aguets, Juve retourna au poste de police.
Pr'ecis'ement comme il y arrivait, la sonnerie du t'el'ephone se fit entendre. Appel'e par le brigadier de service, Juve vint coller son oreille au r'ecepteur. C’'etait le commissariat de Rouen qui t'el'ephonait.
Le caporal et le cur'e, en quittant Rouen, s’'etaient rendus sur la route de Barentin, ils avaient d^in'e `a l’h^otel du Carrefour Fleuriet, selon les dires du chauffeur, ils y passeraient la nuit, puis ils gagneraient Dieppe le lendemain `a la premi`ere heure.
Juve rapporta ce renseignement au lieutenant de cuirassiers.
Ils caus`erent encore quelques instants, puis ils se s'epar`erent, pr'etendant l’un et l’autre qu’ils allaient regagner leurs h^otels respectifs pour y prendre un peu de repos.
***
Toutefois Juve n’avait pas quitt'e les environs du quai. Il s’'etait install'e dans une gu'erite de douanier et sto"iquement s’appr^etait `a y passer la nuit, en t^ete `a t^ete avec ses r'eflexions. Le policier voulait ^etre s^ur que nul ne pourrait aborder le yacht myst'erieux sans ^etre vu de lui. C’est pour cela qu’il d'ecidait de ne pas aller se coucher.
Au bout d’une heure `a peine, Juve dressa l’oreille. Il entendit un bruit de pas furtifs dans le voisinage de sa gu'erite.
Si c’'etait le caporal Vinson ?
Il 'ecouta encore ; les pas se rapprochaient. Juve tout doucement quitta son abri, quelqu’un se dressa devant lui et… les deux hommes s’'etant reconnus, ne purent s’emp^echer d’'eclater de rire.
Juve 'etait en pr'esence du lieutenant Henri de Loubersac.
Jovialement, Juve r'esuma d’un mot la situation :
— Tenez, mon lieutenant, s’'ecria-t-il, nous pouvons dire que, civils ou militaires, dans notre m'etier, le v^otre et le mien, on vit perp'etuellement sur le pied de guerre !
Philosophiquement ils allum`erent pipe et cigarette et, r'esign'es `a passer une nuit blanche, ils se remirent `a arpenter le quai.
22 – ILS ONT FIL'E
Tandis que le policier Juve et Henri de Loubersac s’appr^etaient `a passer toute leur nuit en guettant l’arriv'ee des tra^itres, Fandor veillait, lui aussi…
De plus en plus persuad'e que le faux cur'e, ou du moins celui qu’il accusait d’^etre un faux cur'e, se disposait `a l’entra^iner dans de p'erilleuses aventures, il ne voulait pas dormir, il ne dormit pas…
Fandor, qui n’avait garde de bouger dans son lit et feignait, au contraire, un profond sommeil, r'efl'echissait toujours. Il se convainquait tout d’abord que si lui-m^eme ne fermait point l’oeil, le pr^etre, son voisin de lit, ne reposait pas davantage. Si lui, Fandor, se m'efiait de l’abb'e, il 'etait 'evident que l’abb'e se m'efiait au moins autant du caporal Vinson…
— Si seulement mon cur'e dormait, pensait Fandor, je ficherais le camp maintenant. Mais ce bonhomme-l`a, j’en suis s^ur, a les yeux grands ouverts.
« Attention `a la manoeuvre, pensait Fandor, il ne faut rien brusquer, mais il ne faut pas que je laisse 'echapper l’occasion qui ne manquera pas de se produire… C’est bien le diable si ce maudit cur'e n’a pas, `a un moment donn'e, besoin de s’'ecarter quelques minutes… Je ne lui en demande pas plus…
Pour ne pas compromettre la r'eussite du plan qu’il avait form'e dans son esprit, Fandor eut la patience m'eritoire d’attendre longtemps encore…