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H'el`ene, `a la suite de p'erip'eties sans nombre, et n’'ecoutant que son bon coeur, avait recueilli un malheureux b'eb'e, un orphelin dont la m`ere 'etait une victime du sinistre Fant^omas, mais apr`es ce geste de d'evouement, la jeune fille, en envisageant sa vie si tourment'ee, si peu tranquille, avait cherch'e `a mettre en lieu s^ur ce pauvre petit ^etre que l’existence n’avait pas encore arm'e pour la lutte. Dup'ee par Fleur-de-Rogue, H'el`ene avait accept'e de partir avec la pierreuse et l’enfant, pour un village perdu au milieu des Landes, o`u le petit Jacques – c’'etait le nom du b'eb'e – devait, lui assurait la pierreuse, trouver une brave femme qui s’occuperait de lui. Confiante et na"ive en la circonstance, H'el`ene avait accept'e avec joie la proposition de celle qu’elle consid'erait comme une amie.
Elle 'etait donc arriv'ee avec sa compagne et l’enfant, il y avait de cela neuf jours exactement, au village de Beylonque, `a deux kilom`etres de la station du chemin de fer de Bordeaux `a Bayonne.
Les voyageuses avaient fini par atteindre, apr`es plusieurs heures de marche, une maison d'elabr'ee. Cette maison 'etait vide, d'eserte. Fleur-de-Rogue s’y 'etait install'ee, comme si elle e^ut 'et'e chez elle, et son attitude 'etait si naturelle, si simple, qu’H'el`ene n’en avait pris aucun ombrage. Mais la situation avait brusquement chang'e. L’attitude de la pierreuse se modifiait brusquement et celle-ci, jetant son masque d’hypocrisie, se montrait `a H'el`ene telle qu’elle 'etait r'eellement, c’est-`a-dire la farouche ma^itresse du sinistre Bedeau, le plus redoutable des apaches parisiens.
Fleur-de-Rogue s’'etait r'ev'el'ee aussi vindicative, hargneuse, jalouse surtout et, s’armant d’un couteau, elle avait menac'e la fille de Fant^omas.
La lutte avait 'et'e courte, mais son issue, sans aucun doute, allait ^etre fatale `a la malheureuse fille de Fant^omas.
Fleur-de-Rogue la terrassait et H'el`ene se rendait compte que s’il ne survenait pas quelque chose d’extraordinaire dans l’espace d’une demi-minute, c’'etait pour elle la mort la plus affreuse et la plus certaine. Mais ce quelque chose 'etait survenu. Brusquement, Fleur-de-Rogue avait l^ach'e sa victime, elle 'etait retomb'ee en arri`ere en poussant un terrible g'emissement. Une balle tir'ee du dehors avait fracass'e la m^achoire de la pierreuse, transpercant aussi la gorge, et Fleur-de-Rogue, gisant dans une mare de sang, n’avait pas tard'e `a rendre le dernier soupir.
Atterr'ee, stup'efaite, puis, prise d’une inqui'etude folle, H'el`ene qui avait consid'er'e ce spectacle avec des yeux hagards, pleins d’'epouvante, r'eagit alors, faisant sur elle-m^eme un effort surhumain.
— Quelqu’un, se disait-elle, a tir'e, quelqu’un a tu'e Fleur-de-Rogue.
La jeune fille se pr'ecipita `a la fen^etre et elle entrevit, se profilant confus'ement sur l’ombre, une silhouette qui s’enfuyait, une silhouette f'eminine. N’'ecoutant que son courage, voulant `a toute force assouvir sa curiosit'e, H'el`ene s’'elanca `a la poursuite de cette ombre. En vain.
La jeune fille alors, malgr'e l’appr'ehension qu’elle 'eprouvait, 'etait revenue sur ses pas. Elle voulait rentrer dans la maison tragique pour y reprendre l’enfant qui s’y trouvait encore. Toutefois, lorsque H'el`ene 'etait arriv'ee devant la masure qui avait 'et'e le th'e^atre d’un drame aussi bref qu’incompr'ehensible, elle s’'etait heurt'ee `a une porte rigoureusement verrouill'ee, `a des volets herm'etiquement clos. Il lui avait 'et'e impossible de rentrer dans la demeure qu’elle venait de quitter. Pendant pr`es d’une heure, au milieu de la nuit, la jeune fille s’'etait efforc'ee de franchir les obstacles que des ^etres inconnus opposaient ainsi `a sa volont'e.
Ne pouvant r'eussir, elle avait recul'e.
Qu’'etait devenue, depuis lors, la fille de Fant^omas ?
Elle avait err'e pendant toute la nuit, puis, au jour, s’'etant approch'ee du village, esp'erant y apprendre quelque nouvelle, H'el`ene avait proc'ed'e avec pr'ecaution dans ses enqu^etes, sachant par exp'erience combien il lui fallait ^etre prudente. N’'etait-elle pas perp'etuellement suspecte elle aussi et oblig'ee, par suite de la redoutable personnalit'e de son p`ere, de tenir secr`ete sa propre personnalit'e ? Et puis, en somme, avait-elle eu affaire `a des ennemis ? Il lui 'etait permis d’en douter. Car, si les gens qui 'etaient intervenus l’avaient s'epar'ee de l’enfant qu’elle voulait sauvegarder, ils l’avaient, d’autre part, sauv'ee de Fleur-de-Rogue qui allait l’assassiner. Allant de village en village, passant quelques nuits dans les huttes des b^ucherons, H'el`ene avait v'ecu dans la for^et de pins, dans les landes d'esertes.
Elle 'etait arriv'ee `a Dax, o`u elle 'etait rest'ee plusieurs heures. Puis, s’apercevant que sa pr'esence dans la modeste auberge o`u elle 'etait descendue commencait `a ^etre suspecte, elle 'etait partie. H'el`ene 'etait particuli`erement 'etonn'ee de voir, en lisant les journaux, que ceux-ci n’annoncaient pas la d'ecouverte du cadavre de Fleur-de-Rogue. Ceux qui l’avaient tu'ee s’'etaient-ils donc avis'es de faire dispara^itre les traces de leur crime ?
Une chose, toutefois, avait encore surpris, mais rassur'e H'el`ene, elle l’avait lue le matin m^eme. Il s’agissait de l’enfant dont elle avait assum'e la protection huit jours auparavant : du petit Jacques, le fils de son amie Blanche et de Didier Granjeard. Or, H'el`ene avait appris par le journal qu’une femme inconnue « d’allures fort distingu'ees », 'etait venue, quarante-huit heures auparavant, rendre cet enfant `a celle qui, par les liens du sang, sinon par les voies l'egales, se trouvait ^etre sa grand-m`ere, c’est-`a-dire `a Mme Granjeard, la veuve d’un marchand de fer de Saint-Denis. H'el`ene avait pouss'e un soupir de satisfaction.
Mais quelle 'etait cette femme qui avait rendu le b'eb'e ? 'Etait-ce celle dont H'el`ene avait poursuivi, la nuit du crime, l’ombre myst'erieuse ? La jeune fille s’'etait d'ecid'ee : elle allait retourner `a la maison perdue au milieu des Landes, voir si ses myst'erieux habitants ne l’avaient pas r'eint'egr'ee. Elle partirait ensuite pour Bayonne.
Un jour encore elle avait essay'e de retrouver la masure, mais n’y avait pas r'eussi. Alors, elle avait pris un train, puis un autre, esp'erant arriver avant la nuit `a Bayonne, d’o`u elle repartirait pour Paris. Malheureusement, une correspondance manqu'ee l’obligea `a renoncer `a son premier projet et `a passer la nuit dans un tout petit village. H'el`ene n’y tenait pas, et plut^ot que de descendre dans une auberge suspecte, elle s’'etait enfonc'ee dans les bois, convaincue qu’elle y trouverait ais'ement un asile pour la nuit. Et c’est au cours de ses recherches qu’elle avait d'ecouvert cette petite tonnelle accot'ee `a un pavillon de chasse, abandonn'ee compl`etement, croyait-elle.